La vie de couple ? Pour les week-ends, les jours fériés et les vacances seulement. De nombreux couples vivent aujourd’hui séparés géographiquement par leur travail. Pour que chacun puisse assurer un salaire ou pour mener à bien une carrière. Témoignages.
Pour Nadia, c’est juste une question de prestige. Impossible de vivre au Sud. Elle préfère sa carrière de secrétaire et assurer le quotidien de ses trois enfants de 11, 8 et 4 ans à Alger que de rester sans rien faire «au milieu des dunes». «Ma place est ici, à Alger. Je suis secrétaire de direction depuis quatorze ans et mon mari est ingénieur en pétrochimie, témoigne-t-elle. Si sa place à lui est au Sud, ma carrière ne doit pas dépendre de la sienne et de ses fréquents déplacements. Chacun de nous gère sa carrière comme il se doit. Dès qu’il a obtenu son affectation, il y a presque deux ans, pour occuper de nouvelles fonctions, nous n’avons même pas pesé le pour et le contre…» Pour conserver leur pouvoir d’achat, de nombreux couples, à l’image de Nadia et de son mari, ont choisi de vivre séparés, parfois… par de longues distances.
Leur vie à deux en est-elle pour autant sacrifiée ? «Non. Travailler séparément ne signifie pas que nous ne sommes pas attachés l’un à l’autre ou que nous nous désintéressons de la vie de couple», répondent-ils en chœur. «Au contraire, assure le mari de Nadia. Nous tenons tellement au bien-être de notre petite famille qu’il fallait être pragmatiques dans notre choix. Dans notre pays, il est presque impossible de vivre avec un seul salaire. Croyez-vous que les couples qui choisissent un quotidien à deux sont forcément heureux ? La présence physique n’est pas un signe de bonheur. De plus, lorsque je me suis marié avec Nadia, elle occupait déjà ce poste… Si elle avait pris la décision toute seule de vivre avec moi au Sud, cela aurait été génial, mais je respecte et comprends son choix.» Et Nadia de poursuivre : «Je ne peux pas perturber mes enfants. Ils ont pris l’habitude de la grande ville et moi aussi.»
«Je me retrouve mieux»
Maman de quatre enfants, Noura a quitté Alger pour la wilaya de Bouira. Profession oblige, car elle est vétérinaire. Elle s’y est installée en 1990, juste à la fin de ses études. Au début de sa carrière, elle attendait l’arrivée de son époux Djamel mais, finalement, cela ne s’est jamais fait. Ils se lancent alors dans d’autres projets, individuellement. «Il n’était pas possible de trouver une situation décente à Alger, j’ai donc choisi Bouira. C’est là où je me retrouve, confie-t-elle. J’étais persuadée qu’Alger ne m’offrirait jamais une telle opportunité.» De son côté, Djamel explique : «Moi, j’ai préféré rester en ville, et le temps m’a donné raison. J’ai dû me lancer dans de nouvelles études après avoir repassé mon bac et j’ai été promu plus rapidement dans ma carrière.» Et la vie conjugale dans tout ça ? «Je ne sais pas ce que c’est… Je ne la vois que dans les films ! assure Noura.
De toute manière, si c’est pour vivre comme les couples autour de moi, cela ne m’intéresse pas. Je ne pourrais pas supporter de vivre collée à quelqu’un, ni même d’être à la charge d’un mari. Je gère ma vie toute seule. Lorsque nous étions ensemble, au temps où j’étais encore étudiante, notre vie de couple n’était pas rose. En réalité, nous n’avons jamais eu d’intimité. Nous avions toujours des invités alors que nous habitions notre petit studio», se souvient-elle en riant. Noura brave alors les années de terrorisme toute seule. Elle s’installe dans un logement de fonction, au milieu des hommes qui ne voulaient pas ramener leurs petites familles, à cause de l’insécurité.
«Lorsqu’ils m’ont vu m’installer avec mes deux enfants, ils ont été rassurés et leur ont finalement demandé de les rejoindre», ajoute t-elle. C’est durant ces années-là que Noura a opté pour le secteur public : «Il m’était difficile de faire le tour des villages pour soigner les bêtes dans le climat qui régnait dans les années 90. J’ai vécu l’enfer, car lorsque j’était enceinte, je ne pouvais même pas me cacher sous le canapé, comme j’avais l’habitude de le faire. Alors, je me contentais de cacher mes enfants uniquement.» Djamel la rejoint uniquement les week-ends. Et lorsqu’il est là, les enfants, dont deux sont étudiants à l’université, dit-elle, disent être limités dans leur liberté.»
«J’en souffre»
Souad, 37 ans, a davantage de mal à bien vivre cette séparation, même si le choix était assumé par les deux. «Après cinq ans d’expérience, j’avoue que je suis réellement fatiguée. La charge de mes deux filles ainsi que mon cabinet d’avocat m’épuisent. Je fais tout, toute seule, mais je m’assume, car je ne voulais pas aller à Sétif, où mon mari a installé son commerce. D’origine sétifienne, il voulait retourner chez les siens. A Alger, il me disait toujours qu’il était difficile de réussir. J’étais avocate avant même mon mariage et maintenant que j’ai une bonne clientèle et suis engagée dans plusieurs affaires, il m’est devenu impossible de me déplacer. L’arrivée de mes deux filles a encore compliqué la situation. Réellement, j’en souffre de plus en plus. L’un de nous doit se déplacer une fois par semaine pour passer le week-end ou d’autres occasions ensemble.»
La perspective de voir grandir les filles et de les laisser faire d’elles-mêmes le déplacement entre les deux parents apporte un peu de réconfort à Souad. «Qui sait ? Peut-être que mon mari deviendra un jour millionnaire et installera d’autres filiales à Alger ! Ou peut-être il déclarera faillite et acceptera de vivre en famille dans la capitale ? L’avenir nous réserve des surprises», lance la jeune femme en riant. L’infidélité ? Elle avoue ne pas se sentir plus à l’abri qu’une autre femme. «Possible, répond-elle. Mais de toute manière, l’infidélité menace même les couples qui ne sont pas séparés. Et c’est pour cette raison que je ne lâche pas mon métier, c’est grâce à lui que je continuerai ma vie en toute dignité et l’éducation de mes filles. D’ailleurs, j’apprends de plus en plus à vivre toute seule et à me prendre en charge.»
Nassima Oulebsir
Pour Nadia, c’est juste une question de prestige. Impossible de vivre au Sud. Elle préfère sa carrière de secrétaire et assurer le quotidien de ses trois enfants de 11, 8 et 4 ans à Alger que de rester sans rien faire «au milieu des dunes». «Ma place est ici, à Alger. Je suis secrétaire de direction depuis quatorze ans et mon mari est ingénieur en pétrochimie, témoigne-t-elle. Si sa place à lui est au Sud, ma carrière ne doit pas dépendre de la sienne et de ses fréquents déplacements. Chacun de nous gère sa carrière comme il se doit. Dès qu’il a obtenu son affectation, il y a presque deux ans, pour occuper de nouvelles fonctions, nous n’avons même pas pesé le pour et le contre…» Pour conserver leur pouvoir d’achat, de nombreux couples, à l’image de Nadia et de son mari, ont choisi de vivre séparés, parfois… par de longues distances.
Leur vie à deux en est-elle pour autant sacrifiée ? «Non. Travailler séparément ne signifie pas que nous ne sommes pas attachés l’un à l’autre ou que nous nous désintéressons de la vie de couple», répondent-ils en chœur. «Au contraire, assure le mari de Nadia. Nous tenons tellement au bien-être de notre petite famille qu’il fallait être pragmatiques dans notre choix. Dans notre pays, il est presque impossible de vivre avec un seul salaire. Croyez-vous que les couples qui choisissent un quotidien à deux sont forcément heureux ? La présence physique n’est pas un signe de bonheur. De plus, lorsque je me suis marié avec Nadia, elle occupait déjà ce poste… Si elle avait pris la décision toute seule de vivre avec moi au Sud, cela aurait été génial, mais je respecte et comprends son choix.» Et Nadia de poursuivre : «Je ne peux pas perturber mes enfants. Ils ont pris l’habitude de la grande ville et moi aussi.»
«Je me retrouve mieux»
Maman de quatre enfants, Noura a quitté Alger pour la wilaya de Bouira. Profession oblige, car elle est vétérinaire. Elle s’y est installée en 1990, juste à la fin de ses études. Au début de sa carrière, elle attendait l’arrivée de son époux Djamel mais, finalement, cela ne s’est jamais fait. Ils se lancent alors dans d’autres projets, individuellement. «Il n’était pas possible de trouver une situation décente à Alger, j’ai donc choisi Bouira. C’est là où je me retrouve, confie-t-elle. J’étais persuadée qu’Alger ne m’offrirait jamais une telle opportunité.» De son côté, Djamel explique : «Moi, j’ai préféré rester en ville, et le temps m’a donné raison. J’ai dû me lancer dans de nouvelles études après avoir repassé mon bac et j’ai été promu plus rapidement dans ma carrière.» Et la vie conjugale dans tout ça ? «Je ne sais pas ce que c’est… Je ne la vois que dans les films ! assure Noura.
De toute manière, si c’est pour vivre comme les couples autour de moi, cela ne m’intéresse pas. Je ne pourrais pas supporter de vivre collée à quelqu’un, ni même d’être à la charge d’un mari. Je gère ma vie toute seule. Lorsque nous étions ensemble, au temps où j’étais encore étudiante, notre vie de couple n’était pas rose. En réalité, nous n’avons jamais eu d’intimité. Nous avions toujours des invités alors que nous habitions notre petit studio», se souvient-elle en riant. Noura brave alors les années de terrorisme toute seule. Elle s’installe dans un logement de fonction, au milieu des hommes qui ne voulaient pas ramener leurs petites familles, à cause de l’insécurité.
«Lorsqu’ils m’ont vu m’installer avec mes deux enfants, ils ont été rassurés et leur ont finalement demandé de les rejoindre», ajoute t-elle. C’est durant ces années-là que Noura a opté pour le secteur public : «Il m’était difficile de faire le tour des villages pour soigner les bêtes dans le climat qui régnait dans les années 90. J’ai vécu l’enfer, car lorsque j’était enceinte, je ne pouvais même pas me cacher sous le canapé, comme j’avais l’habitude de le faire. Alors, je me contentais de cacher mes enfants uniquement.» Djamel la rejoint uniquement les week-ends. Et lorsqu’il est là, les enfants, dont deux sont étudiants à l’université, dit-elle, disent être limités dans leur liberté.»
«J’en souffre»
Souad, 37 ans, a davantage de mal à bien vivre cette séparation, même si le choix était assumé par les deux. «Après cinq ans d’expérience, j’avoue que je suis réellement fatiguée. La charge de mes deux filles ainsi que mon cabinet d’avocat m’épuisent. Je fais tout, toute seule, mais je m’assume, car je ne voulais pas aller à Sétif, où mon mari a installé son commerce. D’origine sétifienne, il voulait retourner chez les siens. A Alger, il me disait toujours qu’il était difficile de réussir. J’étais avocate avant même mon mariage et maintenant que j’ai une bonne clientèle et suis engagée dans plusieurs affaires, il m’est devenu impossible de me déplacer. L’arrivée de mes deux filles a encore compliqué la situation. Réellement, j’en souffre de plus en plus. L’un de nous doit se déplacer une fois par semaine pour passer le week-end ou d’autres occasions ensemble.»
La perspective de voir grandir les filles et de les laisser faire d’elles-mêmes le déplacement entre les deux parents apporte un peu de réconfort à Souad. «Qui sait ? Peut-être que mon mari deviendra un jour millionnaire et installera d’autres filiales à Alger ! Ou peut-être il déclarera faillite et acceptera de vivre en famille dans la capitale ? L’avenir nous réserve des surprises», lance la jeune femme en riant. L’infidélité ? Elle avoue ne pas se sentir plus à l’abri qu’une autre femme. «Possible, répond-elle. Mais de toute manière, l’infidélité menace même les couples qui ne sont pas séparés. Et c’est pour cette raison que je ne lâche pas mon métier, c’est grâce à lui que je continuerai ma vie en toute dignité et l’éducation de mes filles. D’ailleurs, j’apprends de plus en plus à vivre toute seule et à me prendre en charge.»
Nassima Oulebsir
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