Ce matin, vous voulez nous parler d'Alain Juppé...
La catastrophe au Japon a légitimement relégué à l'arrière-plan les petits drames politiciens hexagonaux. N'empêche : Alain Juppé a failli démissionner du ministère des Affaires étrangères. Ça s'est passé il y a une semaine jour pour jour. Juppé était à Bruxelles quand Nicolas Sarkozy a reçu les émissaires libyens en compagnie de Bernard-Henri Lévy et les a autorisés à déclarer sur le perron de l'Élysée que la France reconnaissait la légitimité du Conseil libyen de transition. Cela sans même appeler Juppé pour le prévenir. Les commentateurs ont dit que ce vice de forme avait provoqué l'agacement de Juppé. C'est faux. Ce fut de la fureur. L'homme présenté depuis quinze jours comme le vice-Premier ministre et le sauveur de notre diplomatie s'est retrouvé court-circuité et ridiculisé par BHL, son ennemi historique chez les intellectuels. Pire qu'un affront : un soufflet, une humiliation, qui arrive au moment même où Juppé se sentait pousser des ailes. À se demander si Sarkozy n'est pas devenu mitterrandien...
Vous voulez dire qu'il l'aurait fait exprès ?
C'était facile de passer un coup de fil à son ministre. Ce n'est pas comme si Sarkozy n'appelait jamais Juppé. Il lui téléphone au moins une fois par jour pour le consulter à tout propos. Mais là, non. L'occasion était trop belle pour le président de rabattre son caquet au superhéros du moment. Et il a ciblé là où ça fait mal. Car ce qui avait conduit Juppé à refuser le Quai d'Orsay, en août, septembre et octobre dernier, c'est précisément la crainte de la diplomatie parallèle. Fin février, il a jugé que son poids politique le protégeait de ce risque. Eh bien, Sarkozy lui a offert un démenti cuisant. Mais attention, la réplique de Juppé n'a pas été moins cinglante : "C'est la première et la dernière fois, Nicolas. Si un autre incident de ce genre se produit, je m'en vais !" Juppé est le seul ministre à pouvoir menacer ainsi le président. Il est convaincu que Sarkozy ne peut pas se permettre de le voir claquer la porte du gouvernement.
Entre les deux hommes, c'est un rapport de force permanent ?
Pendant trente ans, ce fut carrément la guerre entre le fils préféré de Chirac et le rejeton rejeté. Juppé était programmé pour devenir président, et c'est l'autre qui l'est. Des mois avant l'élection de Sarkozy, il confiait : "Je ne serai ni son poignard ni son bouclier." Il n'a pas changé d'idée. Il n'a pas l'intention de se laisser "kouchnériser", surtout maintenant que les sondages, qui depuis quinze ans le vouent aux gémonies, commencent de lui sourire. Le baromètre Ipsos-Le Point publié aujourd'hui l'érige en personnalité la plus populaire du gouvernement. Il devance François Fillon, et le Premier ministre ne trouve pas ça drôle du tout. Il faut reconnaître à Sarkozy d'avoir su mettre les trois hommes forts de sa majorité - Juppé, Fillon et Copé - en situation de se détester et de se neutraliser... Le président a encore le sens de la triangulation.
le point
La catastrophe au Japon a légitimement relégué à l'arrière-plan les petits drames politiciens hexagonaux. N'empêche : Alain Juppé a failli démissionner du ministère des Affaires étrangères. Ça s'est passé il y a une semaine jour pour jour. Juppé était à Bruxelles quand Nicolas Sarkozy a reçu les émissaires libyens en compagnie de Bernard-Henri Lévy et les a autorisés à déclarer sur le perron de l'Élysée que la France reconnaissait la légitimité du Conseil libyen de transition. Cela sans même appeler Juppé pour le prévenir. Les commentateurs ont dit que ce vice de forme avait provoqué l'agacement de Juppé. C'est faux. Ce fut de la fureur. L'homme présenté depuis quinze jours comme le vice-Premier ministre et le sauveur de notre diplomatie s'est retrouvé court-circuité et ridiculisé par BHL, son ennemi historique chez les intellectuels. Pire qu'un affront : un soufflet, une humiliation, qui arrive au moment même où Juppé se sentait pousser des ailes. À se demander si Sarkozy n'est pas devenu mitterrandien...
Vous voulez dire qu'il l'aurait fait exprès ?
C'était facile de passer un coup de fil à son ministre. Ce n'est pas comme si Sarkozy n'appelait jamais Juppé. Il lui téléphone au moins une fois par jour pour le consulter à tout propos. Mais là, non. L'occasion était trop belle pour le président de rabattre son caquet au superhéros du moment. Et il a ciblé là où ça fait mal. Car ce qui avait conduit Juppé à refuser le Quai d'Orsay, en août, septembre et octobre dernier, c'est précisément la crainte de la diplomatie parallèle. Fin février, il a jugé que son poids politique le protégeait de ce risque. Eh bien, Sarkozy lui a offert un démenti cuisant. Mais attention, la réplique de Juppé n'a pas été moins cinglante : "C'est la première et la dernière fois, Nicolas. Si un autre incident de ce genre se produit, je m'en vais !" Juppé est le seul ministre à pouvoir menacer ainsi le président. Il est convaincu que Sarkozy ne peut pas se permettre de le voir claquer la porte du gouvernement.
Entre les deux hommes, c'est un rapport de force permanent ?
Pendant trente ans, ce fut carrément la guerre entre le fils préféré de Chirac et le rejeton rejeté. Juppé était programmé pour devenir président, et c'est l'autre qui l'est. Des mois avant l'élection de Sarkozy, il confiait : "Je ne serai ni son poignard ni son bouclier." Il n'a pas changé d'idée. Il n'a pas l'intention de se laisser "kouchnériser", surtout maintenant que les sondages, qui depuis quinze ans le vouent aux gémonies, commencent de lui sourire. Le baromètre Ipsos-Le Point publié aujourd'hui l'érige en personnalité la plus populaire du gouvernement. Il devance François Fillon, et le Premier ministre ne trouve pas ça drôle du tout. Il faut reconnaître à Sarkozy d'avoir su mettre les trois hommes forts de sa majorité - Juppé, Fillon et Copé - en situation de se détester et de se neutraliser... Le président a encore le sens de la triangulation.
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