Comme on pouvait s’y attendre l’intervention militaire de la coalition occidentale contre la Libye n’a pas été accueillie avec le même enthousiasme partout. Si les mobiles « humanitaires » invoqués officiellement pour justifier le recours à la force contre la Libye ne semblent pas convaincre tout le monde, il reste à examiner les conséquences politiques et diplomatiques de cette intervention militaire d’envergure.
Il faut d’abord rappeler que les ambiguïtés de la résolution 1973 du Conseil de sécurité autorisant l’usage de la force contre la Libye ne pouvaient qu’interférer gravement dans les modalités d’application sur le terrain comme le craignaient les puissances qui se sont abstenues lors du vote et les organisations internationales qui doutent que le recours à la force armée puisse résoudre la crise et diminuer les souffrances des populations civiles.
En effet, l’autorisation de l’usage de la force n’a manifestement pas été interprétée de la même manière par les puissances désireuses d’intervenir, chacune pour ses propres intérêts, qui ne correspondent pas nécessairement à ceux des autres alliés impliqués dans les opérations militaires. Dès le lendemain des frappes de la coalition occidentale contre des objectifs libyens, des fissures ont commencé à apparaître au sein de la dite coalition.
Alors même que la résolution stipule explicitement qu’elle vise à instaurer une zone d’exclusion aérienne en invitant certes les Etats membres à prendre toutes les mesures en vue de protéger les populations civiles, la France a décidé de lancer des frappes aériennes contre des véhicules blindés des forces gouvernementales dans la région de Benghazi. Ces frappes peuvent difficilement s’inscrire dans le mandat onusien contrairement aux frappes de la marine et de l’aviation américaines qui ont visé les défenses aériennes libyennes, ce qui constitue une condition technique indispensable à l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne sans danger pour les avions occidentaux.
Premières fissures dans le camp occidental
Pour éviter d’avoir à montrer leurs divisions dès les premiers jours de l’opération militaire commune, les alliés n’ont pas jugé utile de rendre publiques leurs divergences. Mais une lecture attentive des déclarations de leurs dirigeants politiques pourrait nous renseigner sur l’état de la question. Dès le premier soir de l’intervention militaire, La président Obama a déclaré qu’il a été contraint de donner l’ordre des frappes aéronavales et qu’il a pris cette décision en concertation avec ses alliés mais le plus important dans cette déclaration est que Washington « ne cherche pas à éliminer le régime de Kadhafi ». C’est un tout autre son de cloche que nous avons du côté français. Alain Juppé n’a pas caché que l’objectif de l’intervention militaire était d’aider le peuple libyen (entendez l’opposition de Benghazi) à imposer son choix (entendez la démocratie version Sarkozy).
Autre fissure d’importance pour le camp occidental. Il s’agit de la réaction officielle du secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa qui a déclaré au lendemain des frappes occidentales : « Ce qui s’est passé en Libye diffère du but qui est d’imposer une zone d’exclusion aérienne et ce que nous voulons c’est la protection des civils et pas le bombardement d’autres civils » (allusion faite aux victimes civiles du bombardement de Tripoli). L’Allemagne qui s’est abstenue lors du vote de la résolution 1973 a profité de la réaction de la Ligue arabe pour enfoncer le clou.
Son ministre des affaires étrangères, Guido Westerwelle a été direct : « Nous estimons qu’il y a des risques avec l’opération en cours en Libye et lorsque nous entendons ce que la Ligue arabe a dit hier (dimanche) malheureusement nous constatons que nous avons des raisons d’être préoccupés ». Il faut rappeler qu’une semaine avant le début des frappes occidentales, le ministre allemand des affaires étrangères a, dans une déclaration datant du samedi 12 mars, mis en garde contre ce qui pourrait s’apparenter à une « croisade » dirigée « contre des populations de confession musulmanes » ! C’est la première fois qu’un dirigeant occidental a le courage d’appeler les choses par leur nom !
La diplomatie allemande a toutes les raisons de se préoccuper de la position de la Ligue arabe dans la mesure où la coalition occidentale a utilisé les Etats arabes pour donner une plus grande légitimité internationale à l’opération et éviter de la faire passer aux yeux de l’opinion publique arabe et musulmane pour une « croisade ». Au sommet de Paris qui devait rassembler des Etats occidentaux, arabes et africains et qui a finalement été boycotté par les Etats de l’Union africaine, outre les alliés occidentaux, seuls cinq Etats arabes ont assisté et ont donné leur aval aux frappes aériennes qui ont été lancées dans la soirée de samedi 19 mars. Il s’agit du Qatar, des Emirats arabes unis, de la Jordanie, du Maroc et de l’Irak.
Les deux premiers Etats participent avec six Mirage chacun à la coalition occidentale contre la Libye. Les trois autres pays ne participent pas concrètement pour des raisons différentes : la Jordanie et l’Irak n’ont pas vraiment les moyens pour une intervention lointaine, le Maroc est excusé pour ne pas à froisser ses voisins maghrébins. Mais si l’opération militaires sort du cadre précis du mandat onusien comme le lui reproche explicitement le secrétaire général de la Ligue arabe, les Etats arabes qui se sont mouillés jusqu’au cou risquent de devoir trouver d’autres justificatifs pour légitimer leur position auprès de leur opinion publique.
La volte-face de la Ligue arabe pourrait d’autant plus poser problème qu’elle vient confirmer les positions de la diplomatie turque qui sort renforcée des derniers développements en rapport avec le conflit libyen. Dès le début, Ankara a manifesté son opposition à l’intervention militaire occidentale en Libye. Après les premières frappes, Ankara a appelé, par la voix de son premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, à « la cessation des opérations militaires en Libye ». Son représentant auprès de l’OTAN a estimé, quant à lui, que « l’intervention de la coalition a changé les paramètres pour l’OTAN, ce qui devrait se refléter dans sa planification…La Turquie n’est pas d’accord avec la zone d’exclusion aérienne, car elle suppose des frappes sur le sol libyen ».
Les implications militaires et politiques sur le terrain
Si l’opération militaire occidentale ne s’annonce pas sous les meilleurs jours d’un point de vue diplomatique, il reste à savoir quelles seraient ses implications militaires et politiques réelles sur le terrain en Libye même. Plusieurs scénarios peuvent être envisagés à court et moyen termes.
Il faut d’abord rappeler que les ambiguïtés de la résolution 1973 du Conseil de sécurité autorisant l’usage de la force contre la Libye ne pouvaient qu’interférer gravement dans les modalités d’application sur le terrain comme le craignaient les puissances qui se sont abstenues lors du vote et les organisations internationales qui doutent que le recours à la force armée puisse résoudre la crise et diminuer les souffrances des populations civiles.
En effet, l’autorisation de l’usage de la force n’a manifestement pas été interprétée de la même manière par les puissances désireuses d’intervenir, chacune pour ses propres intérêts, qui ne correspondent pas nécessairement à ceux des autres alliés impliqués dans les opérations militaires. Dès le lendemain des frappes de la coalition occidentale contre des objectifs libyens, des fissures ont commencé à apparaître au sein de la dite coalition.
Alors même que la résolution stipule explicitement qu’elle vise à instaurer une zone d’exclusion aérienne en invitant certes les Etats membres à prendre toutes les mesures en vue de protéger les populations civiles, la France a décidé de lancer des frappes aériennes contre des véhicules blindés des forces gouvernementales dans la région de Benghazi. Ces frappes peuvent difficilement s’inscrire dans le mandat onusien contrairement aux frappes de la marine et de l’aviation américaines qui ont visé les défenses aériennes libyennes, ce qui constitue une condition technique indispensable à l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne sans danger pour les avions occidentaux.
Premières fissures dans le camp occidental
Pour éviter d’avoir à montrer leurs divisions dès les premiers jours de l’opération militaire commune, les alliés n’ont pas jugé utile de rendre publiques leurs divergences. Mais une lecture attentive des déclarations de leurs dirigeants politiques pourrait nous renseigner sur l’état de la question. Dès le premier soir de l’intervention militaire, La président Obama a déclaré qu’il a été contraint de donner l’ordre des frappes aéronavales et qu’il a pris cette décision en concertation avec ses alliés mais le plus important dans cette déclaration est que Washington « ne cherche pas à éliminer le régime de Kadhafi ». C’est un tout autre son de cloche que nous avons du côté français. Alain Juppé n’a pas caché que l’objectif de l’intervention militaire était d’aider le peuple libyen (entendez l’opposition de Benghazi) à imposer son choix (entendez la démocratie version Sarkozy).
Autre fissure d’importance pour le camp occidental. Il s’agit de la réaction officielle du secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa qui a déclaré au lendemain des frappes occidentales : « Ce qui s’est passé en Libye diffère du but qui est d’imposer une zone d’exclusion aérienne et ce que nous voulons c’est la protection des civils et pas le bombardement d’autres civils » (allusion faite aux victimes civiles du bombardement de Tripoli). L’Allemagne qui s’est abstenue lors du vote de la résolution 1973 a profité de la réaction de la Ligue arabe pour enfoncer le clou.
Son ministre des affaires étrangères, Guido Westerwelle a été direct : « Nous estimons qu’il y a des risques avec l’opération en cours en Libye et lorsque nous entendons ce que la Ligue arabe a dit hier (dimanche) malheureusement nous constatons que nous avons des raisons d’être préoccupés ». Il faut rappeler qu’une semaine avant le début des frappes occidentales, le ministre allemand des affaires étrangères a, dans une déclaration datant du samedi 12 mars, mis en garde contre ce qui pourrait s’apparenter à une « croisade » dirigée « contre des populations de confession musulmanes » ! C’est la première fois qu’un dirigeant occidental a le courage d’appeler les choses par leur nom !
La diplomatie allemande a toutes les raisons de se préoccuper de la position de la Ligue arabe dans la mesure où la coalition occidentale a utilisé les Etats arabes pour donner une plus grande légitimité internationale à l’opération et éviter de la faire passer aux yeux de l’opinion publique arabe et musulmane pour une « croisade ». Au sommet de Paris qui devait rassembler des Etats occidentaux, arabes et africains et qui a finalement été boycotté par les Etats de l’Union africaine, outre les alliés occidentaux, seuls cinq Etats arabes ont assisté et ont donné leur aval aux frappes aériennes qui ont été lancées dans la soirée de samedi 19 mars. Il s’agit du Qatar, des Emirats arabes unis, de la Jordanie, du Maroc et de l’Irak.
Les deux premiers Etats participent avec six Mirage chacun à la coalition occidentale contre la Libye. Les trois autres pays ne participent pas concrètement pour des raisons différentes : la Jordanie et l’Irak n’ont pas vraiment les moyens pour une intervention lointaine, le Maroc est excusé pour ne pas à froisser ses voisins maghrébins. Mais si l’opération militaires sort du cadre précis du mandat onusien comme le lui reproche explicitement le secrétaire général de la Ligue arabe, les Etats arabes qui se sont mouillés jusqu’au cou risquent de devoir trouver d’autres justificatifs pour légitimer leur position auprès de leur opinion publique.
La volte-face de la Ligue arabe pourrait d’autant plus poser problème qu’elle vient confirmer les positions de la diplomatie turque qui sort renforcée des derniers développements en rapport avec le conflit libyen. Dès le début, Ankara a manifesté son opposition à l’intervention militaire occidentale en Libye. Après les premières frappes, Ankara a appelé, par la voix de son premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, à « la cessation des opérations militaires en Libye ». Son représentant auprès de l’OTAN a estimé, quant à lui, que « l’intervention de la coalition a changé les paramètres pour l’OTAN, ce qui devrait se refléter dans sa planification…La Turquie n’est pas d’accord avec la zone d’exclusion aérienne, car elle suppose des frappes sur le sol libyen ».
Les implications militaires et politiques sur le terrain
Si l’opération militaire occidentale ne s’annonce pas sous les meilleurs jours d’un point de vue diplomatique, il reste à savoir quelles seraient ses implications militaires et politiques réelles sur le terrain en Libye même. Plusieurs scénarios peuvent être envisagés à court et moyen termes.
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