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La maladie mentale parent pauvre de la santé en Algérie

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  • La maladie mentale parent pauvre de la santé en Algérie

    Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), quelque 450 millions de personnes sont atteintes de troubles mentaux ou neurologiques ou souffrent de problèmes psychosociaux. De la dépression à la schizophrénie, les troubles mentaux, en augmentation, seront la deuxième cause de mortalité et de handicap d’ici à 2020.

    Mais bien qu’elle touche de plus en plus de personnes, la maladie mentale demeure le parent pauvre de la santé en Algérie.

    C’est le constat amer dressé par le professeur Farid Kacha, chef de service à l’hôpital psychiatrique de Chéraga, l’EHS Mahfoud-Boucebci. Il est aussi président du Comité pédagogique national de psychiatrie, président de la Société algérienne de psychiatrie et auteur de nombreux ouvrages et recherche.

    Malgré l’importance croissante de ces pathologies, l’Algérie ne dispose pas de suffisamment d’infrastructures psychiatriques, dit-il : «Seuls deux hôpitaux existent dans la capitale, celui de Chéraga et de Drid-Hocine, ce qui est insuffisant. Si Alger comptait à l’indépendance quelque 600 000 habitants, on en est à quatre millions aujourd’hui, soit six fois plus d’habitants.» «Aucun hôpital psychiatrique n’a été construit à Alger, ni avant ni après l’indépendance», déplore-t-il. «Si l’on compte les deux hôpitaux d’Alger, on se retrouve avec une capacité d’accueil de 240 lits seulement pour toute la wilaya».

    Notre interlocuteur regrette le peu d’intérêt accordé à la santé mentale : «13 hôpitaux sont programmés à Alger, aucun d’entre eux n’est destiné aux maladies mentales», dit-il. «Pourtant, les troubles mentaux touchent de plus en plus d’Algériens, en raison d’un certain nombre de facteurs», explique le professeur.

    Le cumul d’un ensemble de facteurs socio-démographiques, notamment les graves traumatismes engendrés par le terrorisme, affecte sérieusement la santé mentale.

    La plus fréquente des maladies mentales est la dépression nerveuse, touchant 20% des femmes et 15% des hommes, à des degrés plus ou moins prononcés. «La dépression est une réponse aux déceptions que l’on peut rencontrer dans la vie», estime-t-il. Mais ce trouble psychiatrique est parfaitement curable grâce à la psychothérapie et à l’aide de l’entourage.

    Selon notre interlocuteur, «95% des dépressions sont guérissables».«Les femmes, notamment les célibataires, sont beaucoup plus exposées que les hommes aux épisodes dépressifs», souligne-t-il. Ainsi, les femmes sont plus susceptibles d’être confrontées à la dépression au cours de leur vie. La vie urbaine stressante et la solitude entraînent l’augmentation des troubles dépressifs. «Le risque évolutif le plus grave de cette pathologie est le suicide», précise-t-il.

    Après la dépression, la schizophrénie est la plus sévère des maladies mentales à prédominance masculine. Ce trouble, qui débute généralement à l’adolescence, se manifeste par une modification de la personnalité et la perte du contact avec la réalité.

    Dans l’imaginaire collectif, on parle souvent de dédoublement de la personnalité lorsqu’on évoque la schizophrénie, le cas du Dr Jekyll and mister Hyde a véhiculé cette image étrange. Mais cette image est fausse, explique le professeur Kacha, qui précise que «la schizophrénie peut se traduire par divers signes, comme un engouement pour la religion, les sciences ésotériques, la magie, la baisse du rendement intellectuel, les échecs successifs à un examen, le bouleversement de la personnalité, les réactions inappropriées, les obsessions, les phobies, le syndrome délirant […]».Selon lui, «il n’est pas possible de faire le diagnostic de la maladie, ni la prévenir. En revanche, on peut prévenir la rechute du malade par une bonne prise en charge, un traitement (des neuroleptiques) et un soutien familial». «L’envahissement schizophrénique peut se faire à bas bruit pendant de longues années, à une période où l’originalité des comportements n’est pas suspecte, d’où la difficulté d’en faire le diagnostic précoce», explique-t-il.

    Toutefois, il appelle les parents à consulter s’ils s’aperçoivent que leur enfant commence à présenter des troubles inhabituels ou qu’il éprouve de sérieuses difficultés cognitives révélées par une chute de la scolarité. Parfois, ajoute-t-il, «la consommation de la drogue déclenche les troubles de la schizophrénie».

    Malgré les progrès thérapeutiques, la prise en charge de cette maladie fait face à de nombreuses lacunes : «Leur prise en charge nécessite une organisation de soins complexe et pose le problème du rôle des institutions dans leur traitement, car plus de la moitié des lits hospitaliers de la spécialité sont occupés par des patients présentant ces affections».

    Selon l’OMS, les maladies mentales, comme la dépression et la schizophrénie, sont responsables du quart des invalidités. L’organisation onusienne estime que, d’ici à 2020, un habitant sur deux sera confronté à une pathologie mentale. Les statistiques ne manquent pas, mais quelle que soit leur interprétation, les troubles mentaux doivent constituer un des grands défis des responsables de la santé dans notre pays.Or, la situation telle qu’elle se présente montre que les pouvoirs publics n’accordent pas assez d’attention à ces pathologies redoutables. Résultat, ces troubles mentaux sont sous- diagnostiqués, mal traités et leur prise en charge connaît de nombreuses lacunes. Le professeur Kacha évoque également le problème du manque flagrant de services d’urgences psychiatriques. Selon les normes internationales, il faut un service des urgences pour 10 000 habitants, ce qui est loin d’être le cas en Algérie. «Chez nous, on attend que le malade soit gravement perturbé pour le placer dans un hôpital.» Le malade nécessite une hospitalisation de 45 jours avec un suivi régulier mais le rejet social, la discrimination et les négligences empêchent souvent les malades de bénéficier des traitements adéquats. «Pourtant, avec un traitement approprié, les personnes souffrant de troubles mentaux peuvent vivre des vies productives et jouer un rôle essentiel au sein de la société, bien que certaines de ces pathologies soient chroniques ou de longue durée», expliquent les spécialistes. Ainsi, les rechutes peuvent disparaître pour une grande majorité des schizophrènes après un an de traitement par des neuroleptiques associés à un soutien familial. Il faut également œuvrer à la réintégration des malades dans la société, ce qui les aidera inéluctablement à retrouver une vie quasi normale.

    A la tête de l’EHS de Chéraga depuis quatre ans, M. Farès a initié un programme de réhabilitation pour améliorer la prise en charge des patients. Il explique que cette ex-structure de la Casoral, rattachée au ministère de la Santé en 1985, assure la couverture médicale de la population d’Alger-Ouest (communes de Chéraga, Dely- Ibrahim, Ouled Fayet, Staouéli, Zéralda, Aïn Benian, Hammamet, Bouzaréah, El Biar, Bab El Oued, Oued Korich, Draria, Douéra.)Notre interlocuteur plaide pour la création d’une unité des urgences psychiatriques dans cet hôpital. «Nous allons soumettre un dossier au ministre de la Santé pour réclamer l’ouverture de cette unité.» Selon lui, «il est urgent de mettre en place cette unité car, actuellement, les urgences sont organisées au niveau de l’Unité psychiatrique de l’hôpital de Bab El Oued. Après un séjour de quelques jours, les patients sont transférés vers l’EHS de Chéraga».

    Par La Tribune
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