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Emmanuel Painchault : Nous devrions terminer l'année 2011 avec un baril à 100 dollars

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  • Emmanuel Painchault : Nous devrions terminer l'année 2011 avec un baril à 100 dollars

    Emmanuel Painchault

    Gérant matières premières au sein d'Edmond de Rothschild AM
    Nous devrions terminer l'année 2011 avec un baril à 100 dollars

    Publié le 14 Avril 2011




    De nombreux rapports ont été publiés par l’AIE ou encore la Coface, autour du pétrole faisant état du fait que nous aurions atteint sur le prix du baril un seuil de tolérance ayant pour conséquence une réduction de la demande et un ralentissement de la croissance mondiale. Qu'en pensez-vous ?
    Nous sommes certainement sur un niveau qui commence potentiellement à impacter la demande.
    L’ensemble des dépenses liées à l’énergie (pétrole, gaz, nucléaire, charbon, hydraulique) en pourcentage du PIB au niveau mondial se situe au niveau de1980 et de 2008, soit 9%. Si l’on isole le pétrole, on se rapproche de 6%, poids que la matière première avait atteint il y a trois ans.

    Cependant il est difficile de donner avec précision un seuil de tolérance. . En 2008, c’était la première fois que les prix à la pompe atteignaient un niveau aussi élevé. Psychologiquement nous sommes préparés, et nous devrions plus facilement nous adapter.

    Le seuil de douleur ne serait pas le même pour tout le monde aux Etats-Unis et en Europe ?
    Le seuil en Europe se situerait plus vers 120-130 dollars.
    L’essence aux Etats-Unis représente 4% du budget des ménages américains, soit le même niveau qu’en 2008, mais plus faible qu’en 1980. Théoriquement, il existerait encore de la marge de manœuvre outre Atlantique. Qui plus est, le prix du gaz reste encore très bas dans le pays et aide en cela les ménages et les industries à supporter leur facture énergétique. Il faudrait que le prix du baril monte à 130-140 pour ressentir davantage d’impact.

    Quelle analyse faite vous de la récente correction du prix du baril?
    La correction est d’avantage technique. Les positions spéculatives des traders étaient sur un niveau historiquement élevé, et ils ont été surpris par la baisse des perspectives de croissance de la part de certaines agences. La correction a eu le mérité d’enlever une partie de la surchauffe. Nous sommes sur un niveau de baril qui amène à des questions sur la demande. Les répercussions sur la demande supposent de facto une correction.

    Certains font le lien entre cette correction et la note récente de Goldman Sachs ?

    Cette note aura peut-être eu son effet, mais le fléchissement s’explique davantage par le rapport du FMI qui a révisé à la baisse ses perspectives de croissance dans les pays occidentaux, et au niveau mondial.
    Dans le même temps, l’autorité japonaise a relevé le degré de gravité de l’incident de Fukushima. La demande japonaise devrait prendre un peu de temps avant de redémarrer.
    Qui plus est, nous avons eu des commentaires de cessez le feu en Libye.

    A quelle évolution du prix vous attendez-vous en conséquence au cours des prochains mois?
    Nous devrions rester entre 110 et 120 dollars tant que nous n’avons pas de nouvelles positives en provenance de la Libye. Je ne table pas sur un autre pays arabe producteur en difficulté.
    Lorsque la situation se sera améliorée en Libye, nous devrions nous rapprocher des 100 dollars.

    Vous ne pensez donc pas que le prix du baril a vocation à demeurer à un niveau élevé un peu plus de temps qu’il y a trois ans ?

    En 2008, l’équilibre offre demande était beaucoup plus tendu qu’aujourd’hui. On avait moins de marge de manœuvre au niveau de l’offre. Les stocks étaient plus bas. L’économie mondiale tournait à plein régime partout. Les conditions justifiaient une remontée rapide des prix.
    Les prix ne devraient pas monter aussi vite dans la configuration actuelle sauf si nous avons un autre important pays producteur en difficulté.

    De quelle manière interprétez-vous la volonté de l'Arabie Saoudite de ne pas augmenter davantage sa capacité de production?
    L’Arabie Saoudite avait augmenté sa production pour compenser le déficit d’offre provenant de la Libye. Cependant, le pétrole saoudien mis sur le marché est de moins bonne qualité que le pétrole libyen et de ce fait moins sollicité par les raffineries européennes. Aussi, le pays ne veut pas produire pour rien.

    Pour certains, l'Arabie Saoudite ne sera pas encline à augmenter sa capacité de production sous la pression des Etats-Unis en raison à l'appui de ces derniers dans l'éviction du président Moubarak en Egypte?

    Il est vraisemblable que l’Arabie Saoudite ait été choquée que M Moubarak puisse être évincé du régime aussi rapidement.

    Ceci étant, l’Arabie Saoudite a très bien mesuré l’impact en 2008 d’une forte envolée du prix du baril sur la demande. Le pays ne veut pas revivre le même scénario. Pour financer ses projets et ses réformes, l’Arabie Saoudite a besoin de gonfler son budget et ainsi d’assurer la poursuite d'une rente pétrolière sur le long terme. Le pays n’hésitera pas à intervenir pour ajuster l’offre par rapport à la demande.
    Si les prix s’emballent à nouveau, si l'Arabie Saoudite n'intervient pas pour augmenter sa production, l’ Arabie Saoudite sera perdante au bout du compte.
    Les marchés joueront une nouvelle récession parce que la croissance mondiale est fragile. L’effondrement de la demande conduira à un net recul du prix du baril et desservira les intérêts du pays.

    Ainsi, le mécontentement de l’Arabie Saoudite face à ce qui s'est passé dernièrement en Egypte ne sera pas tel qu’il conduira les dirigeants à geler leur niveau de production.

    Certains craignent un embrasement dans le pays?
    Le gouvernement saoudien a signalé le lancement de deux importants plans financiers en février et mars prévoyant notamment l’augmentation des salaires pour éviter un dérapage de la situation intra muros, même s’il convient d’observer l’évolution d’éventuels mécontentements dans ce pays.

    Quelle lecture faite vous de l'annonce par les Etats-Unis de leur intention de recourir à leurs réserves stratégiques?
    Ces réserves stratégiques sont des réserves que les Etats-Unis ne touchent pratiquement jamais. Si effectivement les dirigeants américains envisageaient une détérioration de la situation, ils ne toucheraient pas à ces réserves, au contraire, ils les renforceraient. Ces réserves représentent actuellement 70 jours d’importation de pétrole.

    Selon vous donc, c’est surtout la Libye qu’il faudra regarder de près ?
    Je pense effectivement que c’est la suite des évènements dans ce pays qui conditionnera l’évolution du prix du baril.

    Au demeurant, si un autre pays producteur de la taille de la Libye connait le même type de problème, l’Algérie, le Nigéria, l’Iran…le prix du baril montera encore plus haut à court terme et se s'effondrera encore plus après. L’économie mondiale ne pourra jamais supporter un baril à 200 dollars.
    On est déjà sur un niveau de prix qui commence à affecter la demande

    Quel est le laps de temps en général nécessaire entre l’envolée du prix du pétrole et l’ajustement qui se fait à la suite d'une contraction de la demande ?
    Cela dépend du niveau de départ. Si l’on avait une augmentation brutale à partir d’un faible niveau, nous aurions une plus grande marge de manœuvre. Aujourd’hui, nous sommes sur un point haut. Toute augmentation supplémentaire impactera davantage la demande et le laps de temps qui devrait s’écouler avant de voir le prix s’infléchir devrait être réduit.



    Propos recueillis par Imen Hazgui
    Copyright © 2011
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