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Méditerranée / L’histoire de Daniel, un immigré ivoirien en Algérie

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  • Méditerranée / L’histoire de Daniel, un immigré ivoirien en Algérie

    Son père voulait l’enrôler dans les milices favorables au président Gbagbo et lui avait peur d’être tué. Il voulait devenir un homme, mais ailleurs que sur les champs de bataille. Il ne rêvait plus que de partir. Son frère n’était-il pas un modèle de réussite pour la famille ? N’était-il pas installé, depuis des années, en Italie ? Alors, il a migré vers le Nord, avec pour destination l’Algérie. De ce lointain pays, il ne savait pas grand-chose. Il savait que c’était un Etat arabe où l’on parlait le français. Il savait, surtout, que l’Europe y serait plus proche que de la Côte ivoirienne.

    Il a quitté la Côte-d’Ivoire en septembre 2003. Il a traversé tout le Burkina, du sud au Nord, avant d’atterrir au Niger. A Niamey, il rencontré un compatriote qui l’a convaincu d’aller en Libye. La Libye est plus riche, lui disait-il, et le travail n’y manque pas. Pas plus que l’Algérie, il ne connaissait cet autre pays d’Afrique du Nord. Il savait seulement que de nuit, des embarcations chargées d’émigrés clandestins traversaient la Méditerranée pour quelque rivage du Continent blanc.

    A Arlit, dans l’Aïr, lui et d’autres jeunes de différentes nationalités africaines ont loué les services d’un passeur. Pour atteindre la frontière libyenne, il fallait voyager, pendant sept jours, dans ce pays de la soif qu’est le Ténéré. Ils ont passé deux nuits dans un village touareg, dont il ne sait toujours pas s’il est situé en Libye ou Niger. Ils ont payé chacun dix dinars libyens à un guide touareg qui devait les conduire à pieds, à travers le désert, vers le Nord.

    Mais à peine ont-ils quitté le village qu’ils ont été encerclés par un groupe de Touaregs armés de couteaux. Les agresseurs les ont mis face contre terre et, l’un après l’autre, ils les ont minutieusement dépouillés de leur argent. Lui a réussi à cacher le sien dans le sable. Lorsque les bandits encagoulés s’en sont allés avec leur butin, le guide, qui avait disparu dans la mêlée de l’attaque, est réapparu. Il était certainement de mèche avec ces voleurs modernes des grands chemins sahariens, conclura-t-il plus tard, éclairé sur sa mésaventure par les récits d’agressions similaires.

    La caravane pédestre a repris sa marche mais lui devait retourner sur les lieux de l’agression chercher son argent. Il l’a retrouvé mais, désormais, il était seul. Il a marché en suivant des traces de pas qui indiquaient un chemin récemment fréquenté et lorsque la miraculeuse piste s’est évanouie dans la poussière, il s’est senti perdu. Il avait peur. C’était la première fois qu’il se retrouvait aussi loin de sa famille, sans âme qui vive alentour sinon des oiseaux de proie peuplant les crevasses béantes à fleur de montagne. Sur son chemin, il le jure, il a vu des ossements humains, de quoi s’évanouir de terreur. Les restes, blancs et décharnés, d’émigrants illégaux, morts de soif et d’épuisement sans personne pour écouter leurs dernières volontés.

    Djanet, rafles et quolibets xénophobes
    Il a passé la nuit dans une grotte, comme une bête traquée. Au deuxième matin de son errance, il a repris sa marche pendant des heures. Et, bonheur de la fin du calvaire à travers dunes et cailloux, sous le soleil meurtrier de l’automne saharien, il a entendu une voix qui ne lui était pas étrangère, celle du muezzin. Et cette voix qui emplissait le ciel l’a revigoré. Il était 19 heures et il n’avait plus de forces. Il s’est traîné vers les lumières de cette ville qu’il voyait scintiller au loin.

    Il avançait péniblement et, miracle, personne de ces gens assis devant les cafés n’a remarqué son passage titubant. C’est d’un groupe de Nigériens rencontrés dans la rue qu’il a appris où il était, à Djanet, en Algérie, non en Libye. C’est d’eux qu’il a appris que les montagnes qu’il voyait que sur sa route, c’était ce massif en ruines appelé le Tassili. Ils n’avaient pas l’air étonné de son histoire. Ils en avaient déjà entendu d’aussi terrifiantes. L’un de ces Nigériens, un vénérable vieillard, a eu pitié de lui et l’a recueilli comme on recueille un orphelin. Il était fiévreux d’avoir tant marché durant plusieurs jours.

    Une fois rétabli, il a remercié son bienfaiteur et s’est mis à chercher du travail. Il en a trouvé dans une carrière, dans de ce quartier périphérique appelé Ifri. Il devait tailler des pierres de 7 heures du matin à 16 heures de l’après-midi pour 400 dinars/jour. En Côte-d’Ivoire, il n’avait jamais fait que des petits boulots pour gagner son argent de poche. Les ouvriers, en majorité des clandestins comme lui, logeaient à proximité, dans une petite maison sommaire en parpaings nus. La police faisait de fréquentes descentes dans le quartier et, quelques fois, dans la carrière, pour cueillir les moins dégourdis. Il a failli être arrêté une fois. Il a été sauvé par un jeune Nigérien qui avait vu débarquer les policiers et lui a demandé, juste à temps, de se cacher.

    Et pendant son laborieux séjour à Djanet, il voyait arriver d’autres Noirs-africains qui, probablement eux aussi, avaient manqué s’évanouir à la vue d’ossements humains sur leur route poussiéreuse. Comme lui, ils s’arrêtaient dans cette ville pour gagner de quoi continuer leur furtive pérégrination vers le Nord, où ils travailleraient tout en recherchant un moyen de passer en Europe. Alger, la vie entre dortoirs et chantiers
    A Djanet, il est tombé souvent malade. Il ne supportait pas le froid glacial de la nuit saharienne dans son dortoir de fortune, lui qui avait toujours vécu en Côte-d’Ivoire, dans un village de pêcheurs. La vie en Algérie était si différente de la vie dans son pays natal. On n’avait pas, par exemple, le droit de regarder une femme dans la rue: cela il ne le comprendrait jamais.

    Il se souvient que beaucoup d’Algériens se montraient ignobles envers les clandestins comme lui, qu’ils appelaient les «Africains», comme si l’Algérie était située en Amérique. Et, surprise, certains étaient des Noirs, comme lui! Comme lui, ils se faisaient rafler par la police et, au poste, ils n’étaient relâchés qu’après avoir exhibé leurs papiers. Ils devaient être furieux d’être confondus avec ces indésirables illégaux, simplement à cause de la couleur de leur peau. Les Touaregs blancs les traitent probablement avec mépris, pense-t-il. C’est pourquoi ils retournent contre les immigrés noirs leur colère d’être ainsi déconsidérés dans leur propre pays.

    Après quelques mois de cache-cache avec la police, il était temps pour lui de quitter Djanet. Pour arriver à Ouargla, 1100 km au nord-ouest, il fallait s’habiller en Touareg et, surtout, louer les services de chauffeurs qui savaient contourner les barrages de police ou tromper leur vigilance. A la gare routière de Ouargla, pour lui vendre un ticket de bus pour la capitale, on a exigé de lui un passeport en règle. On ne voulait pas de problème avec les policiers. Un faussaire lui a fourni, pour 7000 dinars, un faux passeport: désormais il était malien. Un autre faussaire, pour 1000 dinars, lui a imprimé dessus un cachet de la PAF. On aurait dit un vrai. Les policiers qui le contrôleront sur la route d’Alger n’y verront que du feu.

    Il se souvient d’être arrivé à Alger en mars 2004. Il a passé deux nuits à la belle étoile, en contrebas de Bab El Oued, sur une plage déserte. Il a fini par découvrir que dans la Vieille ville, à la Casbah, il existait des «dortoirs» où l’on pouvait passer la nuit pour 100 dinars. Et c’est dans un de ces dortoirs qu’il s’est installé. Il a cherché du travail pendant onze jours. Il a fini par en trouver, comme manœuvre, à Bois des Cars, quartier riche où, chaque mois, poussent de nouvelles villas plus cossues les unes que les autres. Pendant son séjour dans la Ville blanche, pour 400-500 dinars/jour, il a été employé un peu partout sur les chantiers des nouveaux quartiers. Il a travaillé comme peintre, manœuvre… Il s’est même découvert des talents de jardinier.
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  • #2
    L’Afrique du sida et de la guerre civile
    Ses employeurs n’étaient pas tous ce qu’il appellerait des «gens corrects». Certains le prenaient pour une machine. A la pause déjeuner, à peine a-t-il mordu dans son sandwich que déjà, ils le pressaient de se dépêcher parce que, maugréaient, le travail ne peut pas attendre. Les clandestins n’étaient, pour eux, qu’un tas de muscles inusables, corvéables à merci. Et lorsque ces nouveaux riches, grossiers et hautains, daignaient «discuter» avec leurs manoeuvres, c’était toujours à propos de la guerre civile et du sida en Afrique. Mais que pouvait-il contre ces regards qui n’étaient que crainte ou mépris? Il devait supporter les allusions malsaines et les remarques quasi-chauvines. Il était là pour gagner sa vie.

    Et pendant les neuf mois qu'il restera à Alger, son rêve européen s'évaporera peu à peu. Il ne pouvait pas avoir de visa régulier et d'Alger, il était difficile d'aller directement outre-Mediterrannée. Les harraga, candidats algériens à l’émigration clandestine, tentaient bien leur chance en se cachant dans les cales des bateaux en partance pour Marseille. Mais un Noir-africain ne pouvait faire de même; cette filière était réservée aux autochtones qui pouvaient plus facilement accéder à l’enceinte portuaire. Une solution était de partir à l’extrême Ouest, sur la frontière marocaine. De là-bas, on pouvait aller, semble-t-il, au Maroc bien que les frontières terrestres soient fermées depuis plus d’une décennie. Il avait entendu dire que les plus persévérants finissaient toujours par débarquer en territoire espagnol et qu'une fois là-bas, ils ne pouvaient être expulsés.

    Mais à Alger, pour vivre, il faut travailler dur. La vie est chère et le salaire journalier d'un clandestin lui permet à peine de manger et de payer son dortoir. Comment mettre de côté l'argent nécessaire à un voyage aussi coûteux lorsqu'on est payé de la journée 400 à 500 dinars? Beaucoup d'émigrés finissaient par renoncer à aller en Europe. Leur présence en Algérie, censée être pour eux un simple territoire de transit, s'éternisait. Certains y vivaient depuis des années. D’autres y attendaient, résignés, d'être refoulés.

    Et il sera refoulé. Deux fois pas une. Le refoulement est une expérience qu’il ne souhaiterait à personne, pas même à son pire ennemi. Tous les espoirs s’effondrent, la terre s’arrête de tourner. On se remémore le long chemin parcouru jusqu’à Alger, l’errance dans le désert et les longues journées de travail sous le soleil, dans les carrières. On a la chair de poule rien qu’à pensant aux 2500 kilomètres séparant l’extrême Nord de l’extrême Sud.

    La première fois, il a été arrêté à la Casbah. C’était en décembre 2004. Au poste, les policiers ont facilement confirmé que le cachet de la PAF sur son passeport était un faux. Le tribunal de Bab el Oued a ordonné son expulsion vers le Mali avec une trentaine d’autres illégaux. Au commissariat central, il a été photographié de face et de profil et ses empreintes relevées. Désormais il était fiché. Trois jours plus tard, les expulsés ont été transférés à Blida, à quelque 40 kilomètres de la Capitale. Ils ont passé deux jours dans les cellules d’un poste de police avant d’être embarqués pour le grand Sud.

    Plus le convoi s’enfonçait dans le désert, plus la qualité de la nourriture se dégradait. A In Salah, à quelque 1000 kilomètres de la frontière du Mali, le menu se résumait à du pain et du lait. Mais la qualité du traitement policier, elle, s’améliorait. Dans les villes du Nord, certains policiers se proposaient, certes, d’aller acheter des cigarettes aux refoulés, mais de nombreux autres, moins charitables, les ont dépouillés de leurs euros sous prétexte que c’étaient des faux billets. Dans le Sud, on lui a gentiment demandé s’il voulait vendre son Nokia avant de quitter le territoire algérien. On devait pourtant savoir que c’est avec l'argent du mobile qu’il tenterait de revenir.


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    • #3
      «Marchez tout droit, vous êtes au Mali!»
      L’étape la plus longue de ce terrible périple inverse a été In Salah. Dans cette ville, il est resté un mois dans un centre de regroupement en attendant, leur disait-on, que s’organise le grand convoi des expulsés vers les frontières maliennes. Le cortège s’est enfin ébranlé vers Tamanrasset, distante de quelque 600 kilomètres. A Tam, les clandestins ont passé 3 jours dans un commissariat avant d’être emmenés à Tinzaouatine.

      Il ne savait pas que le refoulement à proprement parler était aussi expéditif. On les a jetés à la sortie du village, derrière l’hypothétique frontière, et on leur a dit: «Marchez droit devant vous, vous êtes au Mali.» Dès que les policiers leur ont tourné le dos, lui et d’autres aussi tenaces ont rebroussé chemin vers Tinzaouatine. Ceux dont les rêves d’émigration s’étaient définitivement évaporés en Algérie, ont mis le cap, quant à eux, sur le sud. Ils ne voulaient plus entendre parler de l’Europe.

      Retourné à Tinzaouatine, lui et d’autres clandestins ont payé chacun 2500 dinars à un chauffeur touareg qui les a transportés sur quelque 400 kilomètres, jusqu’à l’entrée sud de Tamanrasset. A Tam, il a travaillé deux mois sur les chantiers. Il a acheté un passeport malien pour 2500 dinars et un ticket de bus pour In Salah. Trois jours plus tard, il était de nouveau à Alger. Il a retrouvé son dortoir à 100 dinars la nuit et s’est remis à chercher du travail. Il voulait gagner juste de quoi passer clandestinement au Maroc puis en Espagne.

      Mais ce deuxième séjour algérois sera très court, deux mois, car il sera arrêté une seconde fois. Les policiers avaient fait une descente dans un café Internet à la Casbah où ils soupçonnaient des clandestins de confectionner de faux documents. Et il se trouvait là. Il a été condamné à deux mois d’emprisonnement, assortis d’une décision d’expulsion vers le Mali. Il a été incarcéré à la prison d’El Harrach. La promiscuité était insupportable, 60 détenus par cellule, mais il a été réellement surpris que les gardiens se montrent aussi corrects avec les Noirs-africains. Ils leur permettaient de se rendre visite les uns les autres. L’expérience de la prison ne l’a pas trop traumatisé et il en est heureux.

      Après avoir purgé sa peine, il a été refoulé. Le même trajet, sinueux dans le Nord, droit et ennuyeux dans le Sud. Blida, Médéa, Djelfa, Laghouat, Ghardaïa ; la longue attente oisive à In Salah et le sinistre cortège pour Tamanrasset puis Tinzaouatine. Une fois derrière la ligne des frontières, il est parti jusqu’à Kidal, en pays touareg-malien. Là-bas, grâce à un passeur, il s’est retrouvé à Bordj Badji Mokhtar, quelque 300 kilomètres plus au Nord, en Algérie. Il restera dans cette petite ville frontalière presque cinq mois.

      Il ne désirait plus vraiment remonter vers le Nord. Il ne voulait plus refaire l’expérience de la prison, de l’expulsion et de leurs innombrables humiliations. En plus, se disait-il, dans la petite fabrique de parpaings où il était employé, il gagnait autant d’argent qu’à Alger et en dépensait beaucoup moins. Mais que dirait-on de lui dans son village ? Qu’il a traversé le Sahel pour s’échouer dans une bourgade obscure du désert algérien, si loin de l’Europe ? Le désir de «réussir» était plus fort que l’attrait de la vie plutôt paisible à Bordj, ville oublié de tous, si loin de la Méditerranée. Il a décidé de retourner à Alger. Un petit rêve ivoirien
      Lorsqu’il est arrivé dans la capitale, il a lu la presse qu’il ne lisait presque jamais à Bordj. Il a découvert que, depuis des semaines, des dizaines de clandestins algériens, les harraga, se noyaient ou étaient repêchés entre la vie et la mort en tentant d’accoster quelque part en Espagne ou en Sardaigne. Il était devenu difficile d’aller en Europe, quasiment impossible à partir de l’Algérie. On pouvait y laisser la vie et lui tenait à la sienne. Il a décidé d’oublier le Maroc. Même s’il devait essayer encore un jour de rejoindre son frère, il le ferait depuis un autre pays.

      Il est à Alger depuis cinq mois. Il habite, avec d’autres noirs-africains, une maison abandonnée à Dély Brahim, dans la banlieue ouest. Il fait tout pour ne jamais croiser de policiers. Il rase les murs. Il a déposé une demande d’asile au Haut commissariat aux réfugiés. Il sait qu’une demande d’asile est, légalement, une protection provisoire contre le refoulement, mais il ne se fait pas trop d’illusion sur le respect des lois dans les commissariats. Plusieurs candidats au statut de réfugiés ont été expulsés en même temps que lui. Ils n’ont eu droit à aucun traitement de faveur.

      Il a vécu à Alger plusieurs mois mais il ne connaît pas la ville. Elle l’intimide. Il ne connaît que les endroits où il a travaillé: Chevalley, Cheraga, Bouchaoui... Ne lui parlez pas du centre, il ne connaît que la place du 1er mai. La rue Didouche, il n’y a jamais mis les pieds, sauf une fois pour rechercher l’église protestante parce qu’il voulait assister à la messe dominicaine. Lorsqu’il ne travaille pas, il va au cybercafé lire son courrier ou regarder un film. C’est moins dangereux que de déambuler dans ces quartiers qu’il connaît mal et où une patrouille de police pourrait à tout moment le renvoyer au cauchemar de Tinzaouatine.

      Dans la rue, il se sent vaguement indésirable. Même quand il n’entend pas de quolibets ou de remarques désobligeantes, quelque chose dans les regards qui croisent le sien lui semble hostile. Il pense que si les clandestins sont mal perçus en Algérie, c’est aussi à cause des journalistes. Non seulement les journaux ne parlent des immigrés noirs-africains qu’en tant que «sidéens» ou «faux monnayeurs», mais, en plus, ils s'évertuent à révéler leurs petites combines pour survivre.

      A Alger, il y a des terrasses de cafés auxquelles il ne s’est jamais assis et des cinémas où il n’est jamais entré. Il ne le regrette pas. Il n’est pas là pour aller au cinéma ni pour tuer le temps en regardant les passants. Depuis quelques semaines, sa famille lui manque beaucoup, plus que jamais. Là-bas, dans son village, il y a beaucoup de maisons sur pilotis, des lagunes, et le climat est si agréable. On n’est jamais mieux que chez soi, se dit-il. L’Algérie n’est pas un pays où il ferait bon vivre pour un clandestin. Lui a quitté le sien pour l’argent et ce qu’il gagne ici est si dérisoire. Et lorsqu’il pleut et que les chantiers s’arrêtent, il lui arrive de ne pas avoir de quoi payer sa nourriture.

      Il est fatigué de l’errance, de la précarité. Il veut rentrer en Côte-d’Ivoire. L’Algérie, il ne la supporterait que s’il pouvait gagner autant d’argent qu’en Europe. Il y survit en attendant d’être refoulé. Il espère que cela n’arrivera pas de si tôt. Il a besoin d’amasser un peu d’argent avant de retourner au pays. Sa mère est une femme au foyer et son père un petit retraité de la Poste. Il a grandi depuis qu’il les a quittés. Il a 23 ans et personne ne comprendrait qu’il puisse vivre à leurs crochets. Lorsqu’il sera en Côte-d'Ivoire, avec l’argent qu’il espère gagner ici, il montera probablement une petite affaire. Il ne veut plus travailler pour autrui. Il l'aura assez fait en Algérie. Yassin Temlali
      (15/04/2007)
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