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PAR JEAN ETIENNE DE LINARES, Délégué général ACAT-France, BERNARD PINAUD, Délégué général CCFD-Terre Solidaire, NICOLAS VERCKEN, Responsable de Plaidoyer «Conflits» Oxfam France
Tandis que l’attention du monde entier est tournée vers les « révoltes arabes » et la préoccupante situation en Libye, le Conseil de Sécurité des Nations Unies se prononcera le 27 avril sur le renouvellement et sur une éventuelle redéfinition du mandat de la Mission des Nations Unies pour l’Organisation d’un Référendum au Sahara Occidental (MINURSO). Face à la persistance de violations des droits humains dans cette région, la France se doit de ne plus empêcher le Conseil de Sécurité d’intégrer dans le mandat de la MINURSO la surveillance des droits humains, tant dans la partie sous contrôle marocain que dans les camps de réfugiés en territoire algérien. Un tel changement de cap constituerait une avancée importante vers la résolution politique du conflit.
Outre le contrôle du cessez-le-feu convenu entre le Maroc et le Front Polisario, la Mission fut chargée, lors de sa création en 1991, d’organiser un référendum d’autodétermination pour le peuple du Sahara Occidental l’année suivante. Jusqu’à ce jour, ce référendum n’a toujours pas été organisé, alors que la moitié de la population sahraouie vit depuis 1976 dans des campements de réfugiés en Algérie, attendant le règlement du conflit. Malgré les négociations sous les auspices des Nations Unies entre le Maroc et le Front Polisario, aucune solution ne semble émerger. Le Maroc propose un statut d’autonomie pour le Sahara occidental, sous souveraineté marocaine et interdit pratiquement toute tentative de débat public sur ce dossier. Le Front Polisario milite lui pour l’organisation d’un référendum comportant une option d’indépendance totale, conformément à l’accord initialement conclu entre les deux parties et entériné par les Nations Unies, selon lequel « le peuple du Sahara occidental choisira, librement et démocratiquement, entre l’indépendance et l’intégration au Maroc ».
En attendant, la situation des Droits humains au Sahara Occidental reste préoccupante. De nombreux rapports d’organisations internationales, de personnalités politiques, ainsi que de représentants des Nations Unies évoquent les conditions précaires dans lesquelles vivent les Sahraouis sous l’autorité de facto du gouvernement marocain : discrimination sociale, non-respect des libertés d’expression, de rassemblement et de mouvement, cas de détentions arbitraires, de disparitions forcées ou de torture affectent la vie de ces Sahraouis, séparés du reste de leur peuple par un mur de sable de 2 720 km édifié par le gouvernement marocain dans les années 80. Les autorités marocaines, de leur coté, accusent le Front Polisario de commettre des violations des droits humains contre la population habitant les camps de réfugiés en territoire algérien.
En octobre dernier, une grande mobilisation de protestation pacifique avait été organisée par des Sahraouis vivant sous contrôle marocain pour revendiquer leurs droits socio-économiques. Elle avait engendré des affrontements violents entre manifestants sahraouis et forces de sécurité marocaines, provoquant la mort de onze soldats, de deux civils marocains et d’au moins un mineur sahraoui, selon des déclarations officielles des autorités marocaines. Dans cette période, les autorités marocaines ont refusé tout accès à la région pour les diplomates, la presse et les ONG internationales, ce qui a rendu difficile l’obtention d’informations fiables. Dans les jours et semaines qui ont suivi, des organisations marocaines et internationales de défense des droits humains ont recensé des dizaines de cas de détention arbitraire et de tortures perpétrées par les forces de l’ordre marocaines. A ce jour, vingt militants sahraouis sont toujours incarcérés à la prison de Salé pour des motifs politiques et sont poursuivis devant une juridiction militaire, malgré leur qualité de civils. En l’absence d’un mécanisme de suivi des droits humains dans son mandat, la MINURSO n’a pas pu jouer de rôle d’observateur indépendant, ni au cours de ces événements ni jusqu’à maintenant.
Face à ce contexte, la MINURSO ne peut plus demeurer la seule mission de maintien de la paix de l’ONU à ne pas avoir une composante «droits de l’Homme» dans son mandat. Celui-ci doit être revu pour intégrer la surveillance des droits humains, tant sur le territoire algérien que marocain. Jusqu’à présent, la France a systématiquement rejeté cette possibilité lors des débats au sein du Conseil de Sécurité, dans la continuité de sa « relation privilégiée » avec le Maroc. Alain Juppé vient de déclarer ce samedi 16 avril que « trop longtemps, nous avons brandi le prétexte de la menace islamiste pour justifier une certaine complaisance à l’égard de gouvernements qui bafouaient la liberté et freinaient le développement de leur pays » et que « désormais, tous les gouvernements savent qu’ils doivent laisser leurs citoyens faire entendre leur voix. Tous savent qu’on ne réprime plus impunément les aspirations légitimes d’un peuple ». Le soutien de la France à l’Etat marocain et aux mesures positives de réforme constitutionnelle annoncées par le roi Mohamed VI, sous la pression de la société civile marocaine, ne doit pas occulter les revendications pour les droits et libertés fondamentales du peuple sahraoui. Celles-ci méritent les mêmes égards que celles des peuples tunisien, égyptien ou libyen.
PAR JEAN ETIENNE DE LINARES, Délégué général ACAT-France, BERNARD PINAUD, Délégué général CCFD-Terre Solidaire, NICOLAS VERCKEN, Responsable de Plaidoyer «Conflits» Oxfam France
Tandis que l’attention du monde entier est tournée vers les « révoltes arabes » et la préoccupante situation en Libye, le Conseil de Sécurité des Nations Unies se prononcera le 27 avril sur le renouvellement et sur une éventuelle redéfinition du mandat de la Mission des Nations Unies pour l’Organisation d’un Référendum au Sahara Occidental (MINURSO). Face à la persistance de violations des droits humains dans cette région, la France se doit de ne plus empêcher le Conseil de Sécurité d’intégrer dans le mandat de la MINURSO la surveillance des droits humains, tant dans la partie sous contrôle marocain que dans les camps de réfugiés en territoire algérien. Un tel changement de cap constituerait une avancée importante vers la résolution politique du conflit.
Outre le contrôle du cessez-le-feu convenu entre le Maroc et le Front Polisario, la Mission fut chargée, lors de sa création en 1991, d’organiser un référendum d’autodétermination pour le peuple du Sahara Occidental l’année suivante. Jusqu’à ce jour, ce référendum n’a toujours pas été organisé, alors que la moitié de la population sahraouie vit depuis 1976 dans des campements de réfugiés en Algérie, attendant le règlement du conflit. Malgré les négociations sous les auspices des Nations Unies entre le Maroc et le Front Polisario, aucune solution ne semble émerger. Le Maroc propose un statut d’autonomie pour le Sahara occidental, sous souveraineté marocaine et interdit pratiquement toute tentative de débat public sur ce dossier. Le Front Polisario milite lui pour l’organisation d’un référendum comportant une option d’indépendance totale, conformément à l’accord initialement conclu entre les deux parties et entériné par les Nations Unies, selon lequel « le peuple du Sahara occidental choisira, librement et démocratiquement, entre l’indépendance et l’intégration au Maroc ».
En attendant, la situation des Droits humains au Sahara Occidental reste préoccupante. De nombreux rapports d’organisations internationales, de personnalités politiques, ainsi que de représentants des Nations Unies évoquent les conditions précaires dans lesquelles vivent les Sahraouis sous l’autorité de facto du gouvernement marocain : discrimination sociale, non-respect des libertés d’expression, de rassemblement et de mouvement, cas de détentions arbitraires, de disparitions forcées ou de torture affectent la vie de ces Sahraouis, séparés du reste de leur peuple par un mur de sable de 2 720 km édifié par le gouvernement marocain dans les années 80. Les autorités marocaines, de leur coté, accusent le Front Polisario de commettre des violations des droits humains contre la population habitant les camps de réfugiés en territoire algérien.
En octobre dernier, une grande mobilisation de protestation pacifique avait été organisée par des Sahraouis vivant sous contrôle marocain pour revendiquer leurs droits socio-économiques. Elle avait engendré des affrontements violents entre manifestants sahraouis et forces de sécurité marocaines, provoquant la mort de onze soldats, de deux civils marocains et d’au moins un mineur sahraoui, selon des déclarations officielles des autorités marocaines. Dans cette période, les autorités marocaines ont refusé tout accès à la région pour les diplomates, la presse et les ONG internationales, ce qui a rendu difficile l’obtention d’informations fiables. Dans les jours et semaines qui ont suivi, des organisations marocaines et internationales de défense des droits humains ont recensé des dizaines de cas de détention arbitraire et de tortures perpétrées par les forces de l’ordre marocaines. A ce jour, vingt militants sahraouis sont toujours incarcérés à la prison de Salé pour des motifs politiques et sont poursuivis devant une juridiction militaire, malgré leur qualité de civils. En l’absence d’un mécanisme de suivi des droits humains dans son mandat, la MINURSO n’a pas pu jouer de rôle d’observateur indépendant, ni au cours de ces événements ni jusqu’à maintenant.
Face à ce contexte, la MINURSO ne peut plus demeurer la seule mission de maintien de la paix de l’ONU à ne pas avoir une composante «droits de l’Homme» dans son mandat. Celui-ci doit être revu pour intégrer la surveillance des droits humains, tant sur le territoire algérien que marocain. Jusqu’à présent, la France a systématiquement rejeté cette possibilité lors des débats au sein du Conseil de Sécurité, dans la continuité de sa « relation privilégiée » avec le Maroc. Alain Juppé vient de déclarer ce samedi 16 avril que « trop longtemps, nous avons brandi le prétexte de la menace islamiste pour justifier une certaine complaisance à l’égard de gouvernements qui bafouaient la liberté et freinaient le développement de leur pays » et que « désormais, tous les gouvernements savent qu’ils doivent laisser leurs citoyens faire entendre leur voix. Tous savent qu’on ne réprime plus impunément les aspirations légitimes d’un peuple ». Le soutien de la France à l’Etat marocain et aux mesures positives de réforme constitutionnelle annoncées par le roi Mohamed VI, sous la pression de la société civile marocaine, ne doit pas occulter les revendications pour les droits et libertés fondamentales du peuple sahraoui. Celles-ci méritent les mêmes égards que celles des peuples tunisien, égyptien ou libyen.
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