« Permettez-nous, écrivent ces jeunes, Monsieur le président de vous dire, avant de nous séparer, que nous voulons notre Algérie à nous, puisque vous nous empêchez d’accéder à votre France ! »
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Au moment où les passions se déchaînent outre-mer au sujet des « bienfaits de la colonisation de l’Algérie », et devant les réactions légitimes de notre pays sur la falsification de l’histoire, il est important de publier une lettre émanant d’un groupe de « militants nationalistes de Relizane(2) envoyée au président Edouard Herriot président du conseil des ministres à Paris en janvier 1925.
Cette longue lettre manuscrite (deux grandes pages), biens écrites, où l’audace de ses auteurs et leur courage dressent un vaste tableau noir de la situation politique, économique et sociale des indigènes et expriment le ras-le-bol des populations. Très au fait du sort de leurs compatriotes, ils dénoncent avec minutie et détails la politique de la France en Algérie. Rien n’est laissé au hasard ou à la complaisance. La lettre est une page du vécu, et un récit lugubre du quotidien des musulmans vus et traités comme des sujets par le vainqueur. Oppression, injustice, ignorance, souffrances, misère... Tel était le lot des autochtones. Le code de I’lndigénat (1881), néfaste et inhumain tel un rouleau compresseur, détruisit les hommes, les tribus, la société et les traditions. Les agents de la colonisation agissaient sans pitié : Les caïds « ces requins rouges », allusion faite a la couleur de leur burnous, dominaient par « la terreur et le bon plaisir ».
Les administrateurs croyaient civiliser les musulmans par la cravache « comme s’il s’agissait pour eux de dompter des fauves ». Les colons insatiables avaient tous les droits et tous les crédits, ils s’emparaient des terres fertiles, alors que les musulmans subissaient le même sort que les paysans français du temps de Richelieu(3). Le manque flagrant d’écoles (1929, le nombre de petits musulmans dans une école primaire ne dépassait guère 5 à 6%), alors que les musulmans payaient des impôts qui ne leur profitaient nullement On dépouillait, on séquestrait, on minait sans retenue. « Les journaux subventionnés, écrivent les auteurs de cette lettre, nous calomnient et nous traitent d’ingrats.
Ah nous sommes des ingrats parce qu’on nous a spolié nos riches plaines et refoulés dans les montagnes incultes et infertiles... Parce que nos pères et frères n’ont pas hésité à aller trouver la mort pour sauver la France (allusion à la guerre 1914/18). Devant cette condamnation unanime et ce procès sans appel du fait colonial adressé au président Herriot par les victimes d’une répression généralisée, étouffante et barbare, sans espoir d’un avenir meilleur, il s’en trouve aujourd’hui, parmi toute une classe en France, un député pied-noir des Alpes-Maritimes, le sieur L. Luca de l’UMP pour parler encore d’une colonisation bienfaisante défiant une réalité criante. Frappé d’une cécité incurable, il ne veut pas admettre l’horreur de la conquête et ses conséquences et choisit une polémique stérile et dépassée que des historiens objectifs et des Algériens meurtris n’écoutent même pas.
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