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Philippe Douste-Blazy, "Mister Bluff" au Quai d'Orsay

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  • Philippe Douste-Blazy, "Mister Bluff" au Quai d'Orsay

    Je reviens de la bibli municipale. J'ai lu cet article.
    Je ne résiste pas à vous le faire partager.
    Ah, ces princes qui nous gouvernent...

    Philippe Douste-Blazy, "Mister Bluff" au Quai d'Orsay
    LE MONDE | 27.04.06 | 15h25 • Mis à jour le 27.04.06 | 15h25
    Le ministre des affaires étrangères ne parle pas l'anglais, ni l'espagnol, ni aucune autre langue que le français. Il ne pratique pas non plus le langage diplomatique qui oblige à peser la moindre virgule avant d'évoquer les affaires du monde.

    Ce n'est pas forcément un mal de s'affranchir de la norme technocratique. Mais cela terrifie les ambassadeurs, le Quai d'Orsay, Matignon, et l'Elysée, qui ont pris l'habitude de le faire suivre à la trace par un fonctionnaire armé de dossiers et d'un magnétophone.


    Le ministre n'a pas toujours une vision très claire de la géopolitque. Il s'est laissé plusieurs fois surprendre à confondre Taïwan et la Thaïlande, la Croatie et le Kosovo. Lorsqu'une catastrophe aérienne a endeuillé la Martinique, le 16 août 2005, il a voulu aussitôt se rendre à Fort-de-France. Il a fallu que l'Elysée intervienne pour rappeler que les Antilles ne sont pas un territoire étranger. Quand il s'ennuie dans une réunion, même devant les plus grands directeurs du Quai d'Orsay, il peut ostensiblement sortir son téléphone portable et pianoter des SMS sans plus rien écouter.

    Il y a quelques mois, Condoleezza Rice a fait appeler son cabinet. La conseillère du président américain avait joint tous ses homologues et souhaitait parler à Philippe Douste-Blazy. C'était un vendredi. Le ministre était dans sa circonscription de Toulouse. Sans traducteur ni conseiller diplomatique auprès de lui. Selon des sources diplomatiques, le Quai, à la grande surprise de Washington, a préféré dire à l'Américaine de rappeler après le week-end.

    Les premiers mois après son arrivée, en juin 2005, les diplomates français vivaient dans la terreur de ses gaffes. En visite à Gaza, en septembre, on le vit assurer que les Israéliens étaient prêts à embaucher de jeunes Palestiniens, alors même que les permis de travail, déjà en nombre très réduit, sont seulement attribués aux hommes mariés de plus de 35 ans depuis plus de dix ans. La presse israélienne, éberluée, l'a suivi jusqu'au musée Yad Vashem de la Shoah, à Jérusalem. Long arrêt devant une carte d'Europe qui présente chaque pays en deux colonnes figurant l'importance des communautés juives "avant et après" la seconde guerre mondiale. Le ministre français : "Il n'y a pas eu de juifs tués en Angleterre ?" Réponse gênée du conservateur du musée : "Mais, M. le ministre, l'Angleterre n'a pas été occupée par les nazis." M. Douste-Blazy n'a pas sourcillé et a repris : "Mais il n'y a pas de juifs expulsés d'Angleterre ?"

    A New York, après un dîner important à l'ONU entre ministres, sans les conseillers, les diplomates français réclament, comme c'est l'usage, un débriefing. Le ministre se montra si flou qu'il fallut réclamer un compte rendu... à son collègue britannique. Dominique de Villepin, qui l'aime pourtant bien, s'agace souvent de ses déclarations à contretemps. Et Jacques Chirac a peu apprécié les propos très catégoriques de son chef de la diplomatie quant aux aspects "militaires" présumés du nucléaire iranien, propos qui ont valu au ministre une place de choix dans le New York Times du lendemain.

    La communication est l'un des dadas de Philippe Douste-Blazy. Il l'a d'ailleurs annoncé aux diplomates dès son arrivée. Aujourd'hui encore regrette-t-il devant nous, "les autres ministères sont sous le regard permanent des médias. Ici, la moindre phrase doit être travaillée pendant des heures, mais cela n'intéresse personne. TF1 ne fait jamais rien."

    Autant dire que son arrivée au Quai d'Orsay a désorienté bon nombre de fonctionnaires. "Tenir" ce ministère est difficile. Les dossiers sont multiples, complexes, mouvants. Les voyages sont nombreux. Tout dérapage peut provoquer un incident. Ici, un ministre faible est vite accusé de tous les maux : le déclin de la France dans le concert des nations, les réductions budgétaires qui affectent le ministère depuis déjà quatre ans. Mais au fond, on reproche surtout à "Douste" d'être le syndrome de cette fin de règne élyséenne qui n'en finit pas.

    Le jugement est sévère. Il n'est pas toujours partagé par ses prédécesseurs. Alain Juppé l'encourage à persévérer. Le socialiste Hubert Védrine montre une certaine indulgence, en privé. Mais dans le sérail, on ne lui passe rien ou presque. A ses surnoms de toujours dans le monde politique, "Douste-Blabla" et "Docteur Douste et Mister Bluff", sont venus s'ajouter ceux de "Mickey d'Orsay" et "Condorsay" que les diplomates se susurrent entre eux d'un air déprimé.

    Philippe Douste-Blazy n'ignore rien de tout cela. Depuis vingt ans qu'il fait de la politique, il a toujours suscité l'engouement, puis le doute. "Avec lui, dès qu'on gratte un peu, on sent tout de suite le Formica", a souvent dit le député des Hauts-de-Seine André Santini, qui l'a côtoyé des années à l'UDF. "Douste" est malin, rapide, drôle souvent. Mais il a une incroyable légèreté intellectuelle qui fait à la fois son charme et sa limite. Lui-même explique les choses franchement : "Quatre ou cinq jours avant d'être nommé à Matignon, Dominique (de Villepin) m'a demandé ce que je souhaitais. Je voulais un ministère régalien pour compléter mon parcours. L'économie ou l'intérieur." L'exigence était ambitieuse. Certes, Philippe Douste-Blazy a mené en 2002 une partie de l'UDF dans le giron de l'UMP, alors chiraquien, et a pris fait et cause pour Dominique de Villepin contre Nicolas Sarkozy.

    Ancien médecin, il s'est plutôt bien débrouillé au ministère de la santé et a amorcé un début de réforme de l'assurance-maladie. Mais, en ce printemps 2005, il n'a pas de compétences pour ce qu'il réclame. Bercy paraît trop gros pour lui. François Pinault, l'un des rares grands patrons à côtoyer régulièrement Jacques Chirac, a mis en garde le président : les finances publiques et la relation aux entreprises ne s'improvisent pas. Quant à l'intérieur, ce n'est qu'à condition d'y être nommé que Nicolas Sarkozy est prêt à revenir au gouvernement.
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