Le Quotidien d'Algérie : 08 - 04 - 2011
par Djamaledine Benchenouf
Dès les premiers jours de la révolution libyenne, tous les observateurs, y compris des experts militaires, ont été unanimes. Kadhafi était fini. C'était une question de jours, peut-être d'heures, affirmaient les plus enthousiastes.
Ce verdict avait été prononcé bien avant que le Conseil de Sécurité ne donne son aval à une intervention armée contre les dernières troupes du dictateur. Personne ne donnait plus cher de l'avenir politique du dicateur, ni même de sa peau.
Kadhafi allait tout naturellement subir le sort de ses deux compères qui l'avaient précédé dans leur chute, le Tunisien Benali, et l'Egyptien Moubarak.
Des personnalités du régime, des Ministres, des généraux, des chefs de tribus et presque tous les diplomates accrédités à l'étranger, qui ne doutaient plus de l'issue du soulèvement, passaient massivement dans le camp des insurgés.
L'affaire était entendue, parce que les mêmes effets semblaient découler des mêmes causes. Le peuple libyen, comme ses voisins tunisien et égyptien, s'était soulevé contre une dictature atroce, qui s'était mué, avec le temps, et comme celle des voisins, en une sorte de « république familiale ». Pourtant, contrairement au voisin tunisien, Kadhafi n'avait pas été pris de court. Ils savait que la colère grondait, et que les exemples des voisins avaient ébranlé les murs de la peur, qu'il avait érigé autour de tous les libyens, pendant quarante deux longues années.
Le peuple lybien n'avait pas d'autre choix que de prendre les armes…
Des quatre coins de la Libye, la jeunesse envahissait la rue, criant des slogans de liberté, huant le nom des Kadhafi. Aux discours de menace de Kadhafi et de ses fils, le peuple libyen répondait par des quolibets, et des jets de chaussures contre les écrans géants des places publiques où apparaissaient le dictateur et son fils Seïf el Islam.
Puis ce fut la répression. Les libyens de Benghazi et d'autres villes de l'Est du pays entrèrent en résistance, et répondirent à la violence par la violence. Le peuple était en armes. Une répression sanglante et démesurée, s'abattit sans discernement sur les villes d'où étaient partie la contestation. Le dictateur lâcha des troupes lourdement armées, et étoffées de milliers de mercenaires africains contre les populations. Kadhafi voulut étouffer la contestation avant qu'elle ne se propage à l'ensemble de la population, avant que le Conseil de Sécurité ne donne l'aval pour une intervention.. Il ne ménagea aucun moyen. Bombardement aérien, artillerie lourde, exécutions sommaires, pour l'exemple, de centaines de personnes.
C'est dans ces conditions que le Conseil de Sécurité décida de mettre fin à ce carnage, pour protéger les populations civiles. Mais aussi pour s'assurer, et c'est de bonne guerre, que ce pays, grand producteur de pétrole et de gaz, ne devienne incontrôlable.
Les puissances occidentales savaient qu'il leur suffisait de priver les Kadhafi de leurs avions, de leur défense anti-aérienne et de leur artillerie lourde, pour que la messe soit dite. Le reste ne serait qu'une question de jours, au bout desquels les révolutionnaires feraient le reste de la besogne: Chasser les Kadhafi et installer une nouvelle république, à l'instar de la Tunisie et de l'Egypte. Une nouvelle République, 7eme producteur mondial de pétrole, qui serait invitée à témoigner sa gratitude à ceux qui s'étaient interposés entre une famille de monstres et le peuple qui leur servait de façade honorable.
Mais c'était compter sans certains éléments, particulièrement déterminants.
Aujourd'hui, les opinions publiques ne savent plus quoi penser de ce qui se passe. Pourquoi la dynamique qui devait bouter Kadhafi hors du pouvoir, et même le faire juger pour divers crimes de guerre, et contre l'humanité, a-t-elle été brusquement interrompue ?
Comment Kadhafi est-il ainsi revenu de la quasi certitude d'être balayé au stade d'interlocuteur à part entière, qui écrit au Président américain, qui se dit prêt à entreprendre un processus démocratique, et même qui promet de devenir le principal rempart de l'occident contre l'islamisme et l'immigration clandestine ?
Que s'est-il donc passé pour que ce retournement ahurissant ait pu se produire?
Pourquoi les décisions du Conseil de Sécurité ont-elles été stoppées à leur moment le plus décisif. ?
Pourquoi les pays intervenants ont-ils passé le relai à l'Otan, dont la lourdeur et la lenteur ne pouvait qu'arranger les Kadhafi, au point de leur permettre une vraie latitude de déplacements des troupes, voire des bombardements, à l'artillerie lourde, de villes entières, comme Masserata et Djdaïbia ?
Que s'est-il passé ?
Stopper la dynamique…
En réalité la situation a été renversée par un enchaînement d'évènements et de manipulations.
D'abord sur un plan maghrébin, puis sur un autre registre géostratégique, sous la houlette du Mossad.
Cela commença bien avant que le régime tunisien ne tombe. En pleine révolution de jasmin. Tous les régimes de la région avaient compris que cette révolte n'était pas comme les autres, et qu'elle risquait de se propager à tout le voisinage. Les plus inquiets, et qui commencèrent très tôt à préparer l'avenir, furent l'Algérie et la Libye.
Très tôt, dès que les prémices d'un grand bouleversement se firent sentir en Tunisie, une réunion sécuritaire de très haut niveau eut lieu entre les régimes Libyen et Algérien et Tunisien. L'Egypte qui ne croyait pas beaucoup à ce genre de coopération traînait les pieds, et le Maroc semble avoir décliné l'invitation. Entre l'Algérie, la Libye, et la Tunsie des promesses de soutien réciproque, en cas de soulèvements populaires, furent scellées. Les régimes algérien et libyen tinrent parole, puisque le Président Benali fut soutenu par ses deux voisins jusqu'à la fin. On ne sait pas ce que fut au juste la nature de l'aide qu'ils lui apportèrent, mais il ne fait aucun doute que celle-ci eut bien lieu. Comme l'accueil de plusieurs membres de la famille Trabelsi en Libye et en Algérie, qui avaient fui la Tunisie en emportant des fortunes considérables. L'Algérie et la Libye assurèrent la fourniture aux forces de la répression, jusqu'au dernier jour, et même après, d'équipements et de munitions. Il semble aussi qu'un plan visant à déstabiliser la Tunisie, après la fuite de Benali, qui consistait à faire régner le chaos, et qui a connu un début d'exécution, avant d'être déjoué par la vigilance de population tunisienne, allait être sérieusement relayé par les deux régimes voisins. Le DRS algérien, qui s'était spécialisé dans le « créneau », dans les années 90, aurait pu plonger la Tunisie dans une anarchie sanglante. Pour faire regretter au peuple tunisien le départ du régime Benali. Fort heureusement, il n'en eut ni le temps, ni le loisir.
Expérience mortifère…
En pleine débandade libyenne, et au moment où le régime algérien s'obstinait à interdire toute manifestation en Algérie, le Maroc, qui non seulement avait décidé de ne pas se compromettre avec les deux régimes, avait autorisé des manifestations à travers tout le royaume, et avait même fait des ouvertures politiques à l'endroit de l'opposition, dans lesquelles il envisageait toutes sortes de réformes constitutionnelles. Même si celles-ci restent très en deçà des attentes populaires, elles avaient le mérite de démarquer le royaume chérifien de ses voisins, qui s'emmuraient dans des logiques suicidaires. Ces derniers prirent très mal les initatives du Roi marocain, qu'ils considérèrent, comme une provocation, un geste inamical, en l'occurrence. C'est vraisemblablement ce qui convainquit les deux pays, l'Algérie et la Libye, d'inviter le Polisario à la table des complots contre les peuples. Car c'est de cela qu'il allait s'agir, désormais.
Le régime algérien, qui avait réussi, depuis plusieurs années, à dévoyer une infinité d'émeutes, qu'il dégonflait, qu'il manipulait de façon à les transformer en jacqueries. Il avait fini par se spécialiser dans la gestion de la manifestation permanente. Le tout, pour lui, était que ces manifestations populaires ne soient pas simultanées, ni généralisées. Grâce aux agents provocateurs qu'il infiltrait dans les rangs des manifestants, il réussissait toujours à les faire dégénérer en dévastation du mobilier urbain, et en pillage de magasins. Ce qui les rendait fatalement impopulaires, au moment où les « forces de l'ordre » passaient pour des sauveurs de la quiétude publique.
par Djamaledine Benchenouf
Dès les premiers jours de la révolution libyenne, tous les observateurs, y compris des experts militaires, ont été unanimes. Kadhafi était fini. C'était une question de jours, peut-être d'heures, affirmaient les plus enthousiastes.
Ce verdict avait été prononcé bien avant que le Conseil de Sécurité ne donne son aval à une intervention armée contre les dernières troupes du dictateur. Personne ne donnait plus cher de l'avenir politique du dicateur, ni même de sa peau.
Kadhafi allait tout naturellement subir le sort de ses deux compères qui l'avaient précédé dans leur chute, le Tunisien Benali, et l'Egyptien Moubarak.
Des personnalités du régime, des Ministres, des généraux, des chefs de tribus et presque tous les diplomates accrédités à l'étranger, qui ne doutaient plus de l'issue du soulèvement, passaient massivement dans le camp des insurgés.
L'affaire était entendue, parce que les mêmes effets semblaient découler des mêmes causes. Le peuple libyen, comme ses voisins tunisien et égyptien, s'était soulevé contre une dictature atroce, qui s'était mué, avec le temps, et comme celle des voisins, en une sorte de « république familiale ». Pourtant, contrairement au voisin tunisien, Kadhafi n'avait pas été pris de court. Ils savait que la colère grondait, et que les exemples des voisins avaient ébranlé les murs de la peur, qu'il avait érigé autour de tous les libyens, pendant quarante deux longues années.
Le peuple lybien n'avait pas d'autre choix que de prendre les armes…
Des quatre coins de la Libye, la jeunesse envahissait la rue, criant des slogans de liberté, huant le nom des Kadhafi. Aux discours de menace de Kadhafi et de ses fils, le peuple libyen répondait par des quolibets, et des jets de chaussures contre les écrans géants des places publiques où apparaissaient le dictateur et son fils Seïf el Islam.
Puis ce fut la répression. Les libyens de Benghazi et d'autres villes de l'Est du pays entrèrent en résistance, et répondirent à la violence par la violence. Le peuple était en armes. Une répression sanglante et démesurée, s'abattit sans discernement sur les villes d'où étaient partie la contestation. Le dictateur lâcha des troupes lourdement armées, et étoffées de milliers de mercenaires africains contre les populations. Kadhafi voulut étouffer la contestation avant qu'elle ne se propage à l'ensemble de la population, avant que le Conseil de Sécurité ne donne l'aval pour une intervention.. Il ne ménagea aucun moyen. Bombardement aérien, artillerie lourde, exécutions sommaires, pour l'exemple, de centaines de personnes.
C'est dans ces conditions que le Conseil de Sécurité décida de mettre fin à ce carnage, pour protéger les populations civiles. Mais aussi pour s'assurer, et c'est de bonne guerre, que ce pays, grand producteur de pétrole et de gaz, ne devienne incontrôlable.
Les puissances occidentales savaient qu'il leur suffisait de priver les Kadhafi de leurs avions, de leur défense anti-aérienne et de leur artillerie lourde, pour que la messe soit dite. Le reste ne serait qu'une question de jours, au bout desquels les révolutionnaires feraient le reste de la besogne: Chasser les Kadhafi et installer une nouvelle république, à l'instar de la Tunisie et de l'Egypte. Une nouvelle République, 7eme producteur mondial de pétrole, qui serait invitée à témoigner sa gratitude à ceux qui s'étaient interposés entre une famille de monstres et le peuple qui leur servait de façade honorable.
Mais c'était compter sans certains éléments, particulièrement déterminants.
Aujourd'hui, les opinions publiques ne savent plus quoi penser de ce qui se passe. Pourquoi la dynamique qui devait bouter Kadhafi hors du pouvoir, et même le faire juger pour divers crimes de guerre, et contre l'humanité, a-t-elle été brusquement interrompue ?
Comment Kadhafi est-il ainsi revenu de la quasi certitude d'être balayé au stade d'interlocuteur à part entière, qui écrit au Président américain, qui se dit prêt à entreprendre un processus démocratique, et même qui promet de devenir le principal rempart de l'occident contre l'islamisme et l'immigration clandestine ?
Que s'est-il donc passé pour que ce retournement ahurissant ait pu se produire?
Pourquoi les décisions du Conseil de Sécurité ont-elles été stoppées à leur moment le plus décisif. ?
Pourquoi les pays intervenants ont-ils passé le relai à l'Otan, dont la lourdeur et la lenteur ne pouvait qu'arranger les Kadhafi, au point de leur permettre une vraie latitude de déplacements des troupes, voire des bombardements, à l'artillerie lourde, de villes entières, comme Masserata et Djdaïbia ?
Que s'est-il passé ?
Stopper la dynamique…
En réalité la situation a été renversée par un enchaînement d'évènements et de manipulations.
D'abord sur un plan maghrébin, puis sur un autre registre géostratégique, sous la houlette du Mossad.
Cela commença bien avant que le régime tunisien ne tombe. En pleine révolution de jasmin. Tous les régimes de la région avaient compris que cette révolte n'était pas comme les autres, et qu'elle risquait de se propager à tout le voisinage. Les plus inquiets, et qui commencèrent très tôt à préparer l'avenir, furent l'Algérie et la Libye.
Très tôt, dès que les prémices d'un grand bouleversement se firent sentir en Tunisie, une réunion sécuritaire de très haut niveau eut lieu entre les régimes Libyen et Algérien et Tunisien. L'Egypte qui ne croyait pas beaucoup à ce genre de coopération traînait les pieds, et le Maroc semble avoir décliné l'invitation. Entre l'Algérie, la Libye, et la Tunsie des promesses de soutien réciproque, en cas de soulèvements populaires, furent scellées. Les régimes algérien et libyen tinrent parole, puisque le Président Benali fut soutenu par ses deux voisins jusqu'à la fin. On ne sait pas ce que fut au juste la nature de l'aide qu'ils lui apportèrent, mais il ne fait aucun doute que celle-ci eut bien lieu. Comme l'accueil de plusieurs membres de la famille Trabelsi en Libye et en Algérie, qui avaient fui la Tunisie en emportant des fortunes considérables. L'Algérie et la Libye assurèrent la fourniture aux forces de la répression, jusqu'au dernier jour, et même après, d'équipements et de munitions. Il semble aussi qu'un plan visant à déstabiliser la Tunisie, après la fuite de Benali, qui consistait à faire régner le chaos, et qui a connu un début d'exécution, avant d'être déjoué par la vigilance de population tunisienne, allait être sérieusement relayé par les deux régimes voisins. Le DRS algérien, qui s'était spécialisé dans le « créneau », dans les années 90, aurait pu plonger la Tunisie dans une anarchie sanglante. Pour faire regretter au peuple tunisien le départ du régime Benali. Fort heureusement, il n'en eut ni le temps, ni le loisir.
Expérience mortifère…
En pleine débandade libyenne, et au moment où le régime algérien s'obstinait à interdire toute manifestation en Algérie, le Maroc, qui non seulement avait décidé de ne pas se compromettre avec les deux régimes, avait autorisé des manifestations à travers tout le royaume, et avait même fait des ouvertures politiques à l'endroit de l'opposition, dans lesquelles il envisageait toutes sortes de réformes constitutionnelles. Même si celles-ci restent très en deçà des attentes populaires, elles avaient le mérite de démarquer le royaume chérifien de ses voisins, qui s'emmuraient dans des logiques suicidaires. Ces derniers prirent très mal les initatives du Roi marocain, qu'ils considérèrent, comme une provocation, un geste inamical, en l'occurrence. C'est vraisemblablement ce qui convainquit les deux pays, l'Algérie et la Libye, d'inviter le Polisario à la table des complots contre les peuples. Car c'est de cela qu'il allait s'agir, désormais.
Le régime algérien, qui avait réussi, depuis plusieurs années, à dévoyer une infinité d'émeutes, qu'il dégonflait, qu'il manipulait de façon à les transformer en jacqueries. Il avait fini par se spécialiser dans la gestion de la manifestation permanente. Le tout, pour lui, était que ces manifestations populaires ne soient pas simultanées, ni généralisées. Grâce aux agents provocateurs qu'il infiltrait dans les rangs des manifestants, il réussissait toujours à les faire dégénérer en dévastation du mobilier urbain, et en pillage de magasins. Ce qui les rendait fatalement impopulaires, au moment où les « forces de l'ordre » passaient pour des sauveurs de la quiétude publique.
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