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«Les cultures européennes ont du mal à parler au reste du monde».

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  • «Les cultures européennes ont du mal à parler au reste du monde».

    Frédéric Martel revient sur le concept en vogue de «mainstream»
    «Les cultures européennes ont du mal à parler au reste du monde»





    La culture «Mainstream» (courant principal en anglais) est d’abord américaine. Le constat a été établi, mardi soir, lors d’une conférence au Centre culturel français (CCF) à Alger, par Frédéric Martel, sociologue.


    Et le Mainstream s’exprime par «la mondialisation» de la culture et des arts. Frédéric Martel a publié en 2010 à Paris, Mainstream, enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde. Pour les besoins de sa recherche et «pour affronter le réel», le chercheur est allé dans une trentaine de pays réaliser 1200 interviews. «Il fallait essayer de ne pas être dans l’idéologie mais présenter des hypothèses concrètes», a-t-il précisé, disant avoir la légitimité du travail du terrain. Résultat : son enquête, détaillée sur 450 pages, a fait l’objet d’au moins 180 articles de presse. Il a remarqué, lors d’un voyage en Iran, que GTA 4 (Grand theft auto 4), le célèbre jeu vidéo américain, était en vente dans les boutiques de Téhéran. «J’ai rencontré des filles qui regardaient le dernier clip de Lady Gaga sur le téléphone. C’est cela le Mainstream. C’est-à-dire des vidéos mondialisées, Batman, ce qui plaît à tout le monde, de la culture populaire», a-t-il noté.

    Dans son livre, le chercheur a expliqué pourquoi Avatar, film de James Cameron, Desperate Housewives, série américaine, ou Google sont des phénomènes mondiaux. L’auteur a évité le débat, classique en Europe, sur l’art et le divertissement ainsi que sur le global et le local. «Je ne me pose pas ces questions. J’essaie de raconter une histoire, celle de la culture aujourd’hui, à l’âge numérique», a-t-il argué. Selon lui, la mondialisation ne s’est pas traduite par la disparition des cultures nationales. «Où que vous allez, vous allez constater que les identités culturelles nationales sont présentes. En Amérique latine, par exemple, les jeunes écoutent toujours la musique brésilienne au Brésil, mexicaine au Mexique, etc. Idem au Japon, en Corée et à Hong Kong pour la pop. Cela est valable pour la littérature, le théâtre et le cinéma», a-t-il relevé.

    Citant la Tchéquie et l’Algérie, il a estimé que l’intérêt est toujours porté sur la littérature locale. Il dit connaître la production romanesque de Nina Bouraoui, Maïssa Bey et Rachid Boudjadra, entre autres. Le chercheur a relevé que tout le monde connaît Al Jazeera ou CNN aujourd’hui. Mais cela ne veut pas dire que la télévision est mondialisée. «Tout le monde ne regarde pas les mêmes émissions américaines. En Chine, il existe plus de 2000 chaînes de télévision essentiellement régionales. Les télénovelas au Mexique ne sont pas les mêmes qu’en Argentine. Les dramas taiwanais sont différents de ceux d’Indonésie», a-t-il observé. Il a évoqué l’émergence des feuilletons syriens et turcs (doublés) dans le monde arabe et a estimé que les groupes médiatiques MBC, Al Jazeera, Rotana, Reliance et Karoui and Karoui ne passent pas par les Etats-Unis ou la France pour exister.

    Selon lui, 50% du box-office au Japon est assuré par le cinéma japonais, alors qu’il est de 80% en Inde pour les films de Bollywood (chaque année, Bollywood vend 3,6 milliards de billets d’entrée aux salles !). «Il est faux de dire donc que la mondialisation a imposé une sorte d’uniformisation qui ferait perdre les identités», a-t-il insisté. L’exception serait, selon lui, les jeux vidéo qui sont «très américanisés» ou les mangas «très japonais». Il a annoncé que les Etats-Unis produisent actuellement 50% des contenus culturels mondiaux. «Des contenus formatés, internationaux. Lorsqu’un film sort de Hollywood, il est dans les écrans dans 120 pays», a-t-il relevé. Il a pris soin de noter que les Américains comptent surtout sur sept pays pour la rentabilité en dollars des longs métrages qui sortent de Hollywood : le Japon, l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne, le Mexique et l’Australie. «Ces pays font 80% des rentrées du box-office américain. Le Canada est considéré comme un ‘‘domestic market’’. Et, depuis deux ans, la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud sont arrivées. Il y a aussi le Mexique, le Brésil et l’Indonésie qui commencent à apparaître», a-t-il souligné.

    Aussi, les Américains se sont-ils mis à s’intéresser à la présence de leur cinéma dans les pays émergents. «On avait oublié que ces pays émergeaient aussi avec leurs cultures et leurs médias», a-t-il noté citant l’exemple du Qatar avec Al Jazeera. «Al Jazeera est devenu un modèle pour le monde entier», a-t-il observé. Et il prévoit une multipolarité de la production culturelle. A ses yeux, les jeunes Européens sont de culture nationale, spécifique à leurs pays, et américaine. «La culture française a du mal à s’exporter en Europe et les cultures européennes ont du mal à parler au reste du monde. Quand les Américains font un film, ils cherchent d’abord à s’adresser à la planète», a-t-il noté, suggérant que la culture européenne «anti-Mainstream» n’est pas en phase avec le monde d’aujourd’hui. Journaliste à France Culture et à NonFiction.fr, Frédéric Martel est également chercheur associé à l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et enseignant à l’Institut d’études politiques de Paris.


    Fayçal Métaoui, El Watan
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    Ce n’est pas un homme, c’est un champignon.
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