Chahine Sebiaa pour L'Express
Surpeuplement, promiscuité, chômage, débrouille... Le "printemps arabe" et ses rêves de lendemains qui chantent semblent loin, vus de la cité Climat de France, à Alger. Ici, depuis cinquante ans, les familles s'entassent de génération en génération.
Au mois de janvier dernier, alors que les images des manifestations dans la Tunisie voisine animaient chaque soir les écrans de télévision, quelques dizaines d'habitants de la cité Climat de France, sur les hauteurs d'Alger, ont décidé de prendre en main leur destin. Las d'attendre une solution de relogement mille fois promise mais jamais réalisée, ils ont commencé à construire eux-mêmes, sur un bout de terrain vague, des cabanes de parpaing et de tôle ondulée. Les premiers jours, ils n'ont pas été inquiétés, les autorités jugeant sans doute plus prudent de laisser faire. Encouragés, certains ont emprunté jusqu'à 2 000 euros - une petite fortune, dans ce pays... A l'aube du 23 mars, cependant, des agents de la mairie sont arrivés avec leurs engins. Et, en poche, l'ordre de tout détruire. Les affrontements ont très vite viré à l'émeute: jets de pierres et de cocktails Molotov contre gaz lacrymogènes. Plusieurs dizaines de manifestants et une cinquantaine de policiers ont été blessés. Aujourd'hui, des employés municipaux achèvent de déblayer les gravats.
Une véritable fièvre revendicatrice s'est emparée d'Alger. L'annonce, le 15 avril dernier, par le président Abdelaziz Bouteflika d'une prochaine réforme de la Constitution n'y a rien changé. Ces derniers mois, des dizaines de corporations ont réclamé une augmentation de leurs revenus : greffiers, magistrats, enseignants, médecins hospitaliers, pétroliers, gaziers... Même les employés de la présidence sont mécontents et le font savoir. Tous ont compris que le gouvernement a peur et qu'il est prêt, afin de désamorcer la contestation, à puiser dans le confortable bas de laine - 150 milliards de dollars - accumulé grâce à la hausse du prix du pétrole. Arrivé au pouvoir il y a tout juste douze ans, le 27 avril 1999, Bouteflika ne semble guère menacé pour autant. Alger n'est pas Tunis ni Le Caire... Personne, ici, ne veut revivre l'enchaînement des événements qui, des émeutes d'octobre 1988, réprimées dans le sang, a conduit aux élections de 1991, annulées en raison de la victoire annoncée des islamistes, puis à dix années d'une guerre civile meurtrière. La mécanique qui pourrait déboucher sur un soulèvement généralisé paraît cassée : la classe politique est décrédibilisée, et les Algériens, déprimés, ont cessé de croire, semble-t-il, aux lendemains qui chantent. Leurs priorités sont plus terre à terre : la plupart rêvent, d'abord, de conditions de vie meilleures. A commencer par un logement décent...
Surpeuplement, promiscuité, chômage, débrouille... Le "printemps arabe" et ses rêves de lendemains qui chantent semblent loin, vus de la cité Climat de France, à Alger. Ici, depuis cinquante ans, les familles s'entassent de génération en génération.
Au mois de janvier dernier, alors que les images des manifestations dans la Tunisie voisine animaient chaque soir les écrans de télévision, quelques dizaines d'habitants de la cité Climat de France, sur les hauteurs d'Alger, ont décidé de prendre en main leur destin. Las d'attendre une solution de relogement mille fois promise mais jamais réalisée, ils ont commencé à construire eux-mêmes, sur un bout de terrain vague, des cabanes de parpaing et de tôle ondulée. Les premiers jours, ils n'ont pas été inquiétés, les autorités jugeant sans doute plus prudent de laisser faire. Encouragés, certains ont emprunté jusqu'à 2 000 euros - une petite fortune, dans ce pays... A l'aube du 23 mars, cependant, des agents de la mairie sont arrivés avec leurs engins. Et, en poche, l'ordre de tout détruire. Les affrontements ont très vite viré à l'émeute: jets de pierres et de cocktails Molotov contre gaz lacrymogènes. Plusieurs dizaines de manifestants et une cinquantaine de policiers ont été blessés. Aujourd'hui, des employés municipaux achèvent de déblayer les gravats.
Une véritable fièvre revendicatrice s'est emparée d'Alger. L'annonce, le 15 avril dernier, par le président Abdelaziz Bouteflika d'une prochaine réforme de la Constitution n'y a rien changé. Ces derniers mois, des dizaines de corporations ont réclamé une augmentation de leurs revenus : greffiers, magistrats, enseignants, médecins hospitaliers, pétroliers, gaziers... Même les employés de la présidence sont mécontents et le font savoir. Tous ont compris que le gouvernement a peur et qu'il est prêt, afin de désamorcer la contestation, à puiser dans le confortable bas de laine - 150 milliards de dollars - accumulé grâce à la hausse du prix du pétrole. Arrivé au pouvoir il y a tout juste douze ans, le 27 avril 1999, Bouteflika ne semble guère menacé pour autant. Alger n'est pas Tunis ni Le Caire... Personne, ici, ne veut revivre l'enchaînement des événements qui, des émeutes d'octobre 1988, réprimées dans le sang, a conduit aux élections de 1991, annulées en raison de la victoire annoncée des islamistes, puis à dix années d'une guerre civile meurtrière. La mécanique qui pourrait déboucher sur un soulèvement généralisé paraît cassée : la classe politique est décrédibilisée, et les Algériens, déprimés, ont cessé de croire, semble-t-il, aux lendemains qui chantent. Leurs priorités sont plus terre à terre : la plupart rêvent, d'abord, de conditions de vie meilleures. A commencer par un logement décent...
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