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Quand on ne peut pas tuer un peuple, on tue le temps

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    Quand on ne peut pas tuer un peuple, on tue le temps

    par Kamel Daoud

    Les promesses de réformes : comment les dissoudre dans les airs ? Avec des dates. Révision de la Constitution ? Elle se fera par Lui, selon lui avec des hommes à Lui. La loi sur les partis politiques ? Pas avant 2012. C'est-à-dire qu'il faut attendre ce qui va se passer en Libye, en Syrie, en Irak, au Yémen ou au Maroc. Si les révolutions y réussissent et que la menace se précise, on fera un peu mieux que la formule actuelle du parti unique à trois. Si les révolutions échouent, un Moubarak sera élu en Algérie sous le contrôle du Tantaoui local. C'est aussi valable pour la liberté de la presse, le véritable mouvement associatif, les mairies et, enfin tout ce qui reste à faire en démocratie. Le Pouvoir a ceci de magnifique qu'il gagne toujours du temps en perdant le temps du pays. La technique est celle de la dissolution de l'urgence dans la bassine des heures à venir. Cette capacité à gagner du temps en perdant du temps frise le génie : dates floues, commissions anonymes, mise en garde contre le changement, troubles de dérivations de l'opinion, pénuries alimentaires et menaces sécuritaires.

    D'ailleurs, le Pouvoir a un flair extraordinaire : si on ne peut tuer des Algériens comme en Libye, à la place Tahrir ou à Derra, on peut toujours tuer le temps. Du coup, les Algériens s'en retrouveront perturbés, avec des montres inutiles, un calendrier qui ressemble à un rêve de ralentissement et retenant à peine en mémoire ce qui leur a été promis, par qui, comment et d'ailleurs même pourquoi. Dans un an, on va se poser la question du «qu'est-ce que le changement ?» à la place du «Pourquoi le changement ?» qui remplace déjà celle de «A quand le changement ?». D'ailleurs, l'état des lieux est des plus bizarres sans que cela ne dérange le dormeur du Val : Bouteflika a annoncé qu'il va changer la Constitution mais selon lui-même et avec ses hommes, la loi sur les partis et sur la vie va être changée par… le ministère de l'Intérieur comme il vient de l'annoncer lui-même sans provoquer l'hilarité, l'ENTV restera enfant unique et les autres moyens d'expression resteront des enfants illégitimes du mariage d'octobre 88. Le chroniqueur parie que dans le vaste monde du monde panarabe, le cas algérien est regardé comme une utopie par les dictateurs encore en poste ou déjà en fuite : voici un pays le rêve se réalise : celui où un système est cru sur parole parce qu'il a juré de changer le système par le système. Tout ce qui n'a pas été accepté ailleurs, passe chez nous : Ali Salah demande trente jours, on lui accorde une semaine, Moubarak explique qu'il veut seulement six mois et ne se présentera pas à la prochaine, on lui donne un week-end, Benali jure qu'il va divorcer avec Leïla et «ouvrir» les médias et « comprendre le peuple », on lui donne un avion. Chez nous, le régime dit qu'il veut deux ans, changer la Constitution comme il veut et sélectionner qui il veut dans le cadre Hadj/Moussa hadj et c'est à peine si on réclame. C'est le pays de la seconde chance et de la vie après la mort doivent se dire les premiers dictateurs arabes tombés. On peut y tuer un peuple rien qu'en tuant le temps.


    Le quotidien d'Oran

    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
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