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Mort de Ben Laden : L'Etat et l'armée pakistanais sommés de se justifier

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  • Mort de Ben Laden : L'Etat et l'armée pakistanais sommés de se justifier

    LEMONDE.FR avec AFP | 04.05.11 | 11h32 • Mis à jour le 04.05.11 | 17h57


    Deux jours après l'opération militaire américaine qui a abouti à la mort d'Oussama Ben Laden au Pakistan, le degré de participation du gouvernement pakistanais et du renseignement militaire (ISI) est encore loin d'être clair. Les Etats-Unis ont laissé entendre qu'Islamabad avait transmis des informations, tout en soulignant que l'effort logistique était entièrement américain. Le directeur de la CIA, Leon Panetta, a publiquement souligné que le Pakistan n'avait pas été informé du lancement de l'opération afin d'éviter toute fuite, alors que celle-ci était en préparation depuis des mois et avait lieu au cœur de son territoire.

    Après l'annonce de la mort de Ben Laden, des critiques américaines, mais aussi françaises et britanniques, ont accusé le Pakistan de ne pas collaborer pleinement aux efforts de lutte contre les terroristes. Le même Leon Panetta, cité par plusieurs journaux, dont le quotidien pakistanais The News, aurait confié devant des parlementaires américains que les Pakistanais étaient "soit impliqués soit incompétents" dans cette affaire.

    "M. Panetta, bien sûr, a le droit d'avoir ses opinions, mais ce que je sais, c'est que nous avons une large coopération avec les Etats-Unis, et notamment avec la CIA", a répondu sur la BBC Salman Bashir, haut fonctionnaire du ministère des affaires étrangères, assurant que son pays avait signalé dès 2009 aux Etats-Unis comme une cache possible "parmi des millions d'autres" l'endroit où Ben Laden a été découvert à Abbottabad.

    LE PAKISTAN, "À LA FOIS UN ATOUT ET UN PROBLÈME".

    Une déclaration qui s'inscrit dans la stratégie adoptée depuis le debut de la semaine par les autorités pakistanaises : assurer que la lutte contre le terrorisme reste son "problème numéro un", comme l'a dit le premier ministre, Yousuf Raza Gilani, tout en soulignant que la présence de Ben Laden au Pakistan n'était pas la faute de son gouvernement, mais "l'échec du renseignement dans le monde".

    Le président pakistanais, Asif Ali Zardari, avait déjà souligné que même si la mort de Ben Laden "n'était pas le fruit d'une opération conjointe", elle représentait l'aboutissement "d'une décennie de coopération et de partenariat entre les Etats-Unis et le Pakistan". "Certains organes de presse américains ont suggéré que le Pakistan n'avait pas combattu le terrorisme avec dynamisme, ou pis qu'il avait protégé les terroristes qu'il affirmait vouloir combattre (...) Ce ne sont pas des faits", a-t-il assuré, en voulant pour preuve que les talibans avaient immédiatement promis de s'en prendre à son gouvernement.

    L'inconstance des réactions officielles, la non-participation à l'opération militaire et surtout le fait qu'Islamabad n'ait pas pu ne pas être au courant de la présence de l'"ennemi public n° 1" sur son propre territoire sont longuement analysés dans la presse pakistanaise. Pour The Nation, ce n'est rien d'autre que l'aboutissement "de la situation inconfortable dans laquelle se trouve le Pakistan depuis le 11 septembre 2001 à cause de sa politique pro-talibane des années 1990". Malgré plus d'une décennie de coopération antiterroriste, "les Américains continuent de nous considérer à la fois comme un atout et un problème". "Notre gouvernement doit maintenant expliquer au peuple comment un terroriste de premier ordre comme Oussama a pu se cacher à Abbottabad", poursuit le journal.

    Car Abbottabad, comme ne manque pas de le souligner The Tribune, n'est pas seulement une paisible et cossue localité à 100 kilomètres de la capitale, Islamabad. C'est aussi un lieu fréquenté par l'élite militaire pakistanaise où, une semaine avant l'assaut, le général Ashfaq Kayani, commandant des forces armées, avait prononcé un discours à l'Académie militaire du Pakistan, à moins d'un kilomètre de la villa où se terrait Ben Laden, annonçant que "la colonne vertébrale du terrorisme était brisée".

    "AUJOURD'HUI, LA HONTE DU PAKISTAN EST GRANDE"

    "A de nombreuses reprises, notre armée et notre gouvernement nous ont longuement assuré que Ben Laden n'était pas au Pakistan", rappelle The Tribune, avant de conclure : "Aujourd'hui, la honte du Pakistan est grande." "On peut se demander où étaient nos 'brigades Ghairat' pendant que quatre hélicoptères étrangers traversaient nos frontières, écrit le quotidien Dawn. On peut définitivement se demander où est notre amour-propre : maintenant que les Américains ont fait ce qu'ils ont toujours dit qu'ils feraient s'ils avaient les bons renseignements, c'est important de se demander pourquoi notre Etat, si confiant en lui-même, ne savait pas que Ben Laden vivait à Abbottbad."

    Et au-delà de la "honte" et de "l'amour-propre" anéanti, ce sont les conséquences politiques et militaires de cette opération qui inquiètent les éditorialistes. Dawn évoque "une augmentation à court terme des représailles" terroristes et se demande si la disparition de Ben Laden aboutira bien "à un monde meilleur ou plus sûr". Dans les mêmes colonnes, l'éditorialiste Kamran Shafi prédit que les Américains ne partiront pas plus rapidement d'Afghanistan, qu'ils refuseront de "laisser le pays aux loups" et, en conséquence, "demanderont davantage de coopération de notre part".

    Le journal The News, qui n'oublie pas de rappeler que l'opération militaire américaine "était une violation de la souveraineté du Pakistan, plus que les toujours plus importantes attaques de drone", s'attend à une hausse des attaques-suicides, ainsi que de la présence de drones américains sur son territoire. "Si les agences de renseignement avaient été compétentes, elles n'auraient pas justifié ainsi l'intervention des Américains à Abbottabad. Le peuple pakistanais se sent désormais plus vulnérable au terrorisme."

    "On se demande comment l'armée va répondre aux différentes questions en suspens", écrit enfin The Tribune, résumant en quelques mots le dilemme complexe auquel est confronté le pouvoir pakistanais : "Si l'armée et le gouvernement ne 'savaient absolument rien' de ce qui se tramait à Abbottabad, nous devons revoir nos priorités. Si nos forces étaient en revanche impliquées dans le raid, nous devons le dire haut et fort." Car la situation actuelle signifie que "les Etats-Unis peuvent mener des incursions dans les lieux délicats sans que nos systèmes de sécurité les détectent". "C'est une position qui va à l'encontre du but recherché, et qui n'est prise au sérieux par personne."
    Fortuna nimium quem fovet, stultum facit.
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