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Le coup de gueule de l' écrivain algérien Boualem Sansal

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  • Le coup de gueule de l' écrivain algérien Boualem Sansal

    Ancien haut fonctionnaire devenu romancier et aujourd'hui pamphlétaire, l'auteur du Serment des barbares et de Poste restante : Alger dresse contre son pays un impitoyable réquisitoire dicté autant par la colère que par l'espoir. Pouvoir, islamistes, société civile ou intellectuels, personne n'échappe à ce jeu de massacre.

    Il y a dans la vie et la carrière de Boualem Sansal (57 ans) un avant et un après. Tout bascule à la fin des années 1990. Jusque-là, il s'est exclusivement passionné pour les théories économiques et les turboréacteurs. Il est haut fonctionnaire au ministère algérien de l'Industrie. Et puis, à près de 50 ans, sous le choc de l'atroce guerre civile qui dévaste son pays, il se lance dans l'écriture. En 1999, il adresse par la poste à l'éditeur français Gallimard le manuscrit d'un roman. Le Serment des barbares - c'est le titre de cet ovni littéraire - est aussitôt accepté et connaît un succès considérable. En France et dans le monde entier. Il sera suivi de trois autres ¦uvres de fiction : L'Enfant fou de l'arbre creux (2000), Dis-moi le Paradis (2003) et Harraga (2005), qui sont autant de témoignages impitoyables sur la société algérienne d'aujourd'hui. On imagine aisément qu'en découvrant l'¦uvre littéraire de ce grand commis de l'État sa hiérarchie n'ait pas été transportée d'enthousiasme. En 2003, à la suite d'une énième interview, il est limogé de la fonction publique.

    Avec la publication, toujours chez Gallimard, de Poste restante : Alger. Lettres de colère et d'espoir à mes compatriotes, Boualem Sansal s'essaie aujourd'hui à un nouveau genre, le pamphlet. Nouveauté relative, d'ailleurs, puisque ses romans ne sont évidemment pas dépourvus de cette dimension.

    Poste restante - c'est la loi du genre - ne fait pas dans la dentelle. Sansal s'y livre à un véritable jeu de massacre contre les mythes fondateurs de la République algérienne démocratique et populaire, des « constantes nationales » à la « famille révolutionnaire ». Il n'épargne ni les jeunes émeutiers d'aujourd'hui, ni la passivité - pour ne pas dire la complicité - d'une large fraction des intellectuels et de la société civile. Bref, c'est le coup de gueule d'un écrivain tout à la fois contre le pouvoir et contre les islamistes. Contre la télé et contre la mosquée. Contre l'arabité et contre le pétrole. Contre l'amnistie et contre l'oubli.

    À peine sortie d'un conflit qui a officiellement provoqué la mort de deux cent mille de ses ressortissants, dont vingt-cinq mille insurgés islamistes, l'Algérie aborde une période cruciale de son histoire avec l'entrée en vigueur, le 1er mars, de la Charte sur la paix et la réconciliation, cette sorte de « paix des braves » à l'algérienne. Solution politique pour les uns, consécration de l'impunité pour les autres, la réconciliation nationale n'a jamais été sérieusement débattue dans le pays. Raison de plus pour y revenir avec Boualem Sansal, qui improvise ici sur une série de thèmes que nous lui avons proposés.


    Le coup de gueule d'un écrivain
    par Boualem Sansal


    L'islamisme, c'est comme un gaz. Il occupe tout le volume disponible. Par effet de pression, il chasse tout ce qui est différent de lui. Les islamistes prennent peu à peu le contrôle de tous les domaines : l'économie, le culturel, le social... Depuis le retour de Bouteflika de l'hôpital militaire du Val-de-Grâce, à Paris, ils multiplient les demandes comme s'ils voulaient achever rapidement on ne sait quelle course. Ces derniers jours, ils paraissent pris de folie et ça leur réussit ! Ils ont réclamé la fermeture des écoles privées qui enseignent en français, et ils l'ont obtenue. Ils ont réclamé la suppression de la Star Ac', et ils l'ont obtenue. Ils ont exigé que la télé et la radio diffusent les appels à la prière, et ils l'ont obtenu. Ça marche d'autant mieux que la société civile qui se réclame de la démocratie reste remarquablement silencieuse. Dès lors, la question qui se pose est la suivante : le président Bouteflika est-il dans l'incapacité de s'y opposer, lui qui s'est tant démené pour donner de lui à l'étranger l'image d'un démocrate fort et intransigeant ? Ou est-il en train de passer discrètement la main aux islamistes, comme on fait une donation à ses héritiers ? La télé est devenue une annexe de la mosquée. Je veux dire par là que l'Algérie est déjà une immense mosquée et que le gouvernement se comporte désormais comme un imam en chef.

    Le mot « religion » renvoie à la foi, à la spiritualité, aux grandes angoisses de l'humanité, à ses doutes immémoriaux, à ses pathétiques tentatives pour parvenir à quelques certitudes qui lui permettent de tenir le coup. Est-ce le cas en Algérie ? Non, la religion y est dévoyée, elle n'est plus qu'une idéologie de bazar, un poison qui a ruiné notre pays, détruit ses valeurs morales et compromis son avenir. Regardez notre télé, écoutez les prêches des imams, lisez les discours des responsables politiques et vous comprendrez la nature de cette religion qu'on nous force à ingurgiter avec tant d'arrogance. Favoriser l'acculturation, c'est ainsi que les fascismes ont toujours procédé.


    Cette paix qui nous dépouille de notre citoyennetéŠ


    La religion n'est pas seule à avoir été dévoyée. Les mots, qui, comme chacun sait, sont trompeurs, l'ont été eux aussi. Qu'est-ce que c'est que cette réconciliation entre malfaiteurs qui se fait sur le dos des victimes ? Qu'est-ce que c'est que cette paix qui nous dépouille de notre citoyenneté et nous promet l'humiliation pour le restant de nos jours ? Qu'est-ce que c'est que cette justice qui interdit à la victime de lever ne serait-ce que le regard sur son ancien bourreau ? Au nom de la réconciliation, le droit, la justice, la vérité ont changé de camp, ils sont du côté des tueurs et des malfaisants.

    Hier, les intellectuels étaient la cible des terroristes islamistes. Hier, on leur coupait la tête. Aujourd'hui, on leur coupe la langue et les vivres, on les marginalise, on les culpabilise, on les traite de hizb frança [parti de la France] et de traîtres à la nation. Bref, on les accuse de tous les maux. Que faire quand n'existe plus aucune issue et que la surveillance autour de vous se renforce de jour en jour ? Vous vous taisez ou vous vous exilez. Notre élite est partie à l'étranger, en France et au Canada principalement. Ceux qui sont restés vivent un exil intérieur sans fin, qui les stérilise et en fait des aigris. Il ne fait pas bon être un intellectuel sous le soleil d'Alger.

    Mais le silence des hommes de culture est quand même assourdissant. Ils ne parlent plus, ils n'écrivent plus, on se demande même s'ils respirent.
    Contrairement a la douleur, le bonheur ne s'écrit, pas il se vit... Moi je ne sais qu'écrire

  • #2
    L'imposture arabo-musulmane


    Le pouvoir algérien a une définition définitive et intemporelle, c'est-à-dire totalitaire, de l'identité algérienne. « Nous sommes arabes et musulmans, nous l'avons toujours été et le resterons jusqu'à la fin des temps », point. Voilà ce qui est dit et répété à longueur de discours officiels, avec une véhémence qui frise l'insulte. Cela devrait suffire à clore le débat, mais il n'en est rien : l'Algérien ne cesse de se demander ce qu'il a été, ce qu'il est devenu et ce qu'il sera à l'avenir. Plus il découvre son histoire et la place de son pays dans le monde - un vaste village ouvert aux quatre vents -, et plus il s'interroge. Hélas ! à un excès dans un sens répond un excès dans le sens opposé. On se souvient des revendications berbéristes radicales qui ont secoué certaines régions d'Algérie - la Kabylie, les Aurès, le Mzab - et de la répression qui s'est ensuivie. Au choc des idées nous avons préféré le choc des ignorances. Résultat : nous voilà embarqués dans un processus bête et méchant qui sera fatal à l'unité nationale, par ailleurs fortement mise à mal par les politiques économiques, sociales et culturelles du gouvernement.

    Comme tous les pays de la Méditerranée, et singulièrement le Maghreb, l'Algérie a toujours été un carrefour où se sont croisés l'Orient, l'Occident et l'Afrique. La ramener à une seule dimension revient à la mutiler, à faire de la répression le mode de gestion des revendications légitimes des populations.

    Pourrons-nous un jour aborder tranquillement ces thèmes (l'identité, la religion, la langue, la culture) sans nous renier, sans nous anathématiser les uns les autres, sans prendre les armes ? Oui, sans doute, un jour, lorsque l'Algérie aura pleinement accédé à la démocratie.


    Le FLN a privatisé la mémoire collective


    « Dormez tranquilles, bonnes gens, on s'occupe de tout ! » Voilà ce que nous répète le FLN depuis ce jour fameux où l'Algérie a enfin accédé à l'indépendance. L'enthousiasme était grand, à l'époque, nous pouvions nous permettre d'être naïfs : nous l'avons cru.

    Le Guide a si bien fait son travail que nous voilà confrontés à une atroce guerre civile, à la ruine économique, au désordre institutionnel et, pour les plus atteints d'entre nous, à la démence pure et simple. En ne comptant que les terroristes islamistes présents dans les maquis et ceux qui viennent d'être graciés, l'Algérie compte aujourd'hui l'un des taux de criminels et de racketteurs au kilomètre carré parmi les plus élevés au monde. Et il faut y ajouter les criminels de droit commun, de plus en plus nombreux. Le pays réel est dans un état de délabrement indescriptible.

    En vérité, le mal est plus profond. À elles seules, la mauvaise gestion et l'incompétence du Guide n'auraient pas abouti à un tel résultat. Nous y avons massivement contribué. En s'emparant de notre conscience et de notre mémoire, le FLN a fait de nous des militants enragés qui répondaient au doigt et à l'¦il à ses directives. Se libérer du FLN, c'est d'abord se libérer du clone qu'il a réussi à installer en chacun de nous. La partie n'est pas gagnée. Le président a parfaitement su renouveler le discours primitif du FLN. Aujourd'hui, les nouvelles élites boivent ses paroles comme on déguste un nectar.


    Un mythe chasse l'autre


    Le mythe du million et demi de martyrs de la guerre de libération est loin, très loin d'être le seul. Le pouvoir en a inventé pour toutes les circonstances. Souvenez-vous de la « Démocratie responsable », du « Combattant suprême », de l'Algérie « championne du Nouvel ordre mondial », de la « Famille révolutionnaire », des Constantes nationales, etc.

    J'aimerais savoir qui a décrété que la guerre d'Algérie a fait 1,5 million de morts. Est-ce que les Algériens abattus par le FLN pour avoir fumé, chiqué, bu, fréquenté des Français ou refusé de payer l'impôt du djihad sont comptabilisés ? Si tel n'est pas le cas, le bilan est incomplet. Nous connaissons à peu près le nombre des victimes de l'armée française et celui des Français tués par le FLN/ALN, mais quid des autres ? Pertes et profits ? Ou s'agit-il, comme aujourd'hui, de simples « disparus » ?

    Il appartient aux historiens de nous dire ce qu'il en est. Quoi qu'il en soit, la guerre d'Algérie a fait beaucoup trop de morts. Les dégts et les traumatismes ont été considérables. La preuve est là : quarante-quatre ans après l'indépendance, l'Algérie et la France ne sont toujours pas parvenues à instaurer entre elles des relations apaisées. Seule la parfaite connaissance de notre histoire commune nous permettra d'atteindre ce but. Les mensonges, les faux-semblants et les contrevérités ne sont d'aucune utilité.

    Voulez-vous un autre mythe ? En 1962, il y avait quarante mille anciens combattants vivants. En 2006, alors que la guerre est finie depuis près d'un demi-siècle, nous en avons dix fois plus, quatre cent mille, dont la plupart sont nés un peu avant ou un peu après le cessez-le-feu. Ils forment ce que le discours officiel désigne sous le vocable de « Famille révolutionnaire ». Après une guerre, il y a toujours une bataille de chiffres. Est-ce affaire de statut et d'indemnisation ? Une manière de se dédouaner ? Est-ce pour mieux culpabiliser l'autre ? Dieu seul le sait.


    Le pétrole, bénédiction ou malédiction ?


    Le pétrole est une richesse naturelle comme les autres. C'est ce que l'on en fait qui compte. Si l'argent qu'il procure est mis au service d'un vrai développement, le pétrole est une bénédiction. S'il est utilisé pour infantiliser le peuple et l'asservir, c'est une terrible malédiction. Nous sommes, hélas ! dans ce dernier cas de figure. L'Algérie est riche, son peuple est pauvre, et l'écart s'agrandit de jour en jour. Chaque fois que le prix du baril monte d'un point à la Bourse, le peuple descend d'une marche l'escalier de la misère. La classe moyenne est la plus durement touchée. À cela s'ajoute la mauvaise gestion : plus aucun mécanisme d'amortissement ne fonctionne. Le gouvernement ne réagit même plus, sinon par la répression, devant les émeutes qui se multiplient dangereusement dans tout le pays et jusque dans les faubourgs de la capitale.

    Les conséquences sont parfaitement visibles : remontée de l'islamisme militant, accroissement vertigineux de la délinquance, du grand banditisme, du suicide, de la corruption, etc.

    Il n'y a pire malédiction pour le peuple que de vivre sous la férule d'une caste dirigeante aveugle et insensible ayant sous la main un pactole faramineux.


    Les Algériens ? Un peuple de râleurs


    Oui, je le dirais comme ça : on râle pour raler. Nous n'avons pas atteint le stade de ces peuples qui ont appris à mettre leur colère au service d'une refondation des rapports sociaux, au profit de tous. Nos réactions restent très primaires. On s'énerve, on déborde aussitôt, on casse tout, on brûle et on rentre chez soi, la queue entre les pattes. Et puis, on accumule de nouvelles frustrations qui alimenteront de futures colères. C'est assez peu productif. D'autant que la police est maintenant bien équipée et qu'elle a appris à mater ces mouvements de foule spontanés et désordonnés. L'étape suivante devrait nous permettre de capitaliser nos démarches, de les organiser dans un processus positif : on râle, puis on se regroupe, on parle, on analyse les tenants et les aboutissants, on hiérarchise nos actions, on revendique, on manifeste, on maintient la pression sur les décideurs jusqu'à obtention de nos droits.
    Contrairement a la douleur, le bonheur ne s'écrit, pas il se vit... Moi je ne sais qu'écrire

    Commentaire


    • #3
      Réponse au « coup de gueule de l' écrivain algérien Boualem Sansal »

      par Mehdi Mosbah, réfugié politique algérien, porte-parole de Justitia Universalis, 7 avril 2006



      Ce passage relève de la pure désinformation, dans la mesure où il sous-entend que le reste des victimes sont de couleur politique différente... Ce qui reviendrait à dire les victimes de ces dits insurgés islamistes. De la désinformation par l'emploi double et simultané de l'approximation et de l'omission !
      Si le chiffre de 200 000 victimes est celui de la plupart des observateurs de la crise, celui de 25000 islamistes insurgés est celui du seul ministère de la Défense algérien. Il est fortement contestable dans la mesure où la propagande, la désinformation et la manipulation font partie des attributs des militaires, partie prenante de la guerre. Les autorités militaires ont toujours refusé qu'une commission internationale puisse enquêter pour faire la lumière sur la réalité des crimes contre l'humanité commis en toute impunité contre les populations civiles désarmées. Ceci, même alors que, jusqu'à récemment, le premier ministre Ouyahia a estimé à 1000 morts en une seule nuit le carnage de Had Chekala du mois de Ramadan de 1998. « Nous avons gardé le chiffre secret parce que nous ne voulions pas compliquer davantage la situation. » (L'_Expression du 22 mars 2006).
      Quelle enquête ? Quelle reconstitution des faits ? Quelle recherche des responsabilités dans ce Sebrenica algérien ? Quelle position de la communauté internationale ? Celle-ci, qui avait envoyé un panel pour enquêter sur les massacres en Algérie, à laquelle le Premier ministre avoue avoir menti ? Quelle réaction des Sansal et autres ? Quelle forme de courage littéraire ? Quelle honnêteté intellectuelle ?
      M. Sansal est peut être un fin romancier à l'image de Yasmina Khadra (ex commandant militaire), mais il reste qu'il n'a rejoint l'opposition au système politique qui a conduit à la crise qu'un peu tardivement... un peu trop ! Les massacres avaient déjà fait un long chemin... Et voilà que, réveillé -nous suggère-t-il - par l'impensable, il met en branle son amertume, pour accoucher d'un nihilisme bien à lui... Cela s'appelle la poudre de perlimpinpinŠ Emmener le regard ailleurs pour le rendre aveugle à la réalité !
      Pour attirer les regards, Yasmina Khadra, en fin stratège a usurpé le nom d'une femme au vocabulaire aussi vulgaire que brut et brutal, en parfaite fidélité au kaki (Khardra : traduisez la verte, synonyme de tenue militaire, de « l'armée algérienne »)Š En fin stratège pour se faire « la » porte-parole de « la femme algérienne » qui se fait égorger par « des barbares », « islamistes » de surcroît, et rameuter les soutiens que peut susciter le jeu de l'émotion sélective. Cette même Femme algérienne que les militaires ont pourtant massacrée, fait disparaître, enterrée à la hâte dans les charniers avec pères, maris, filles et filsŠ
      Sansal n'est peut être pas Khadra, mais tous les deux ont cette similitude de s'ériger, comme de vertueux donneurs de leçon à « El ghachi » (La masse, c'est ainsi que les apparatchiks et leurs suppôts de faux intellectuels désignent le peuple) ! Alors, qu'ils sont (ou ont été) eux-mêmes, ces intellectuels, docilement sous la botte de la bande de militaires qui meurtrit le pays par la corruption et par le crime.
      Les différentes oppositions -aussi violentes furent-elles ou contraires aux valeurs de M. Sansal et de ses éditeurs- au régime en place avaient, au moins, pour vertu de refuser de se laisser corrompre par l'ordre établi des généraux. Mais après qu'un long chemin dans la lutte contre la tyrannie eut été parcouru, voilà que M. Sansal, comme tant d'autres, se découvre des idées dissidentes. Mais où était-il jusque-là ? Et qui sont ces « intellectuels du système » qu'il enflamme, ou qui furent-ils ? Cette dissidence-là, me rappelle curieusement la qualification de "dissidente de toujours " dont Rachid Boudjedra, défendant le général Nezzar, osa décorer Mme Khalida Messaoudi, alors porte-parole du gouvernement (L'honneur de l'armée algérienne, Le Monde du 6 juillet 2002). Cette dissidence-là empeste la récupération, la déformation du sens et la construction sémantique sur des bases sciemment faussées articulées autour de témoignages sur le pays et sur sa réalité qui ne reflètent de cette réalité que ce que font les circuits touristiques bien guidés et pas moins intéressés.
      Sansal a occupé, jusqu'à peu, la fonction de Directeur général de l'industrie (voir : Boualem Sansal n'est pas à une contradiction près! Fatiha Talahite, 2 octobre 2000 ; http://www.algeria-watch.org/farticl...une/sansal.htm), au moment ou celle-ci est bradée pour un dinar symbolique et à l'avantage des généraux et de leurs progénitures en respect du traditionnel rituel de la mafia : « lik lya » [A toi, à moi]. Tandis que Khadra commandait les troupes des généraux dans la dite « lutte anti-terroriste », dont on connaît les « méthodes aussaressiennes ».
      Victime de la torture, je passais des vacances (pour ne pas dire une convalescence !) en Ariège dans la maison d'une ami militante des droits de l'homme, lorsqu'elle me proposa la lecture de « Morituri », le roman de Khadra. « Mort et tu ris ! », avais-je conclu de la lecture ! Pas une baffe dans le commissariat de l'inspecteur Lob, alors que les cris des suppliciés y résonnaient encore et que de l'aveu de tous les avocats des droits de l'homme algériens, soutenu par les enquêtes des ONG : les commissariats s'étaient transformés en chambres de torture et de disparition et les casernes en usine dédiées au même usage !
      Il eut été vigoureusement respectable venant de la part de dits intellectuels, qui ont occupé de hautes fonctions dans l'administration du pays, et qui plus est se font romanciers, dans leur « souci » de décrire « la tragédie » algérienne de prêter un tant soit peu l'oreille aux cris et gémissements des suppliciés ! De défendre, avec ce verbe qui leur est tant facile, si peu que ce soit, les milliers de familles de disparus, victimes vivantes du crime des crimes : la « disparition » ! Disparition de leurs progénitures, leurs maris ou femmes, pères ou mères.
      La Coordination Nationale des Familles de Disparus (CNFD) a déposé un millier de dossiers de disparitions forcées en Algérie, auprès de la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies à Genève. « La totalité de ces cas de disparitions forcées, imputables aux services de sécurité algériens (DRS, Gendarmerie Nationale et Police), ont été documentés en collaboration avec la Coordination Nationale des Familles de Disparus (CNFD). Jusqu'ici, plus de mille cinq cent plaintes avaient déjà été déposées devant le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées, et des milliers d'autres cas sont encore en cours de documentation. Avec les cas déposés aujourd'hui, l'Algérie devient ainsi le pays où le plus grand nombre de disparitions forcées est enregistré, loin devant le Chili et l'Argentine.» (http://www.justitia-universalis.net/...%E9s_de_presse).
      Pour m'être consacré, depuis tout jeune, à la lutte pour les droits de l'homme et pour la liberté dans mon pays, je m'estime en droit d'apporter ces vigoureuses critiques à ces dits hommes de lettres. Parfaitement comme, il n'y a pas si longtemps, des militants de la dignité humaine marocains ont reproché à l'écrivain Tahar Benjelloun de faire son beurre sur la prison de Tazmamart. Alors que jusqu'à ce que leur lutte vint à aboutir, sa langue était on ne peu plus douce et ignorante de ce goût de la mort qui collait encore insatiablement à la gorge de ses compatriotes. Mais au moins, lui, quand il s'attaqua à la narration du drame, il eut l'honnêteté de ne pas travestir la réalité !
      Des intellectuels non impliqués, il y en a, Dieu merci, encore en Algérie ! Mais à ceux-là, rarement la parole est donnée. Les manuscrits de ceux qui décrivent réellement les crimes et les dénoncent, partent automatiquement à la corbeille, dans ces dites « grandes maisons d'édition » ! Car derrière ces langues de guerre, retransmise dans ces dits romans, qu'on nous force à ingurgiter, se cache une véritable guerre des langues, dans laquelle la partialité est de règle !
      Contrairement a la douleur, le bonheur ne s'écrit, pas il se vit... Moi je ne sais qu'écrire

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