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''Migrants Tunisiens en France:un aller simple Nord-Sud!" de Youssef Fennira

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  • ''Migrants Tunisiens en France:un aller simple Nord-Sud!" de Youssef Fennira

    Les migrants Tunisiens en France : un aller simple Nord-Sud !

    Lundi, 09 Mai 2011 08:02



    Voici près d’une semaine, que je rends visite à mes compatriotes échoués sur le sol parisien, un sol qui symbolise à lui seul le déclin d’un continent, d’un pays, d’un gouvernement, qui se laisse petit à petit entraîner dans l’obscurantisme. Par Youssef Fennira*

    Cet obscurantisme malsain qui se nourrit de la crédulité d’une majorité de Français qui se laissent avoir, encore une fois allais-je dire, un an avant les élections par de faux-problèmes, destinés à masquer le bilan d’un quinquennat catastrophique. Permettez-moi de partager avec vous mes impressions.

    Une belle prison à ciel ouvert au cœur de Paris
    Ils sont deux ou trois cents entassés au parc de La Villette dans le 19ème arrondissement de Paris. Tous arrivent de Lampedusa après un périple qu’ils ne cessent un par un de me conter et qui me laisse entrevoir l’horreur qu’ils ont eu à vivre pour en arriver là. C’est un parc verdoyant d’une superficie d’environ six cents mètres carrés en bordure de périphérique, loin de tout et en même temps si proche de leur but, de cette finalité qui a déjà un goût amer pour eux, à des années lumières de ce qu’ils avaient imaginé. Pour décrire réellement la perception que j’ai de ce parc, je dirais que c’est une belle prison à ciel ouvert. Dans leur malheur, ils ont une chance, celle de dépendre de la générosité et de la solidarité des Tunisiens résidants à Paris qui, jour après jour, se succèdent pour apporter vêtements, nourriture et surtout un soutien moral qui leur permet de tenir le coup. Beaucoup d’entre eux, faute de logement, passent la nuit dans le parc à même le sol dans des conditions d’hygiène plus qu’alarmantes, la voirie ayant décidé de contourner le lieu en question. Les quelques blessés et malades ne trouvent que très rarement un médecin, et lorsque ce dernier est présent, il n’y a aucune possibilité d’accéder aux soins. Les Crs (police française) rodent autour, contribuant à accentuer la nervosité au sein du groupe. Serait-ce fait exprès? Je vous laisse seuls juges.


    Une stratégie de pourrissement.
    Des migrants calmes, logés, nourris, et je ne parle toujours pas de papiers, sont plus difficilement «expulsables» que des migrants à bout de nerfs, victimes de provocations continues, et touchés dans leur dignité. Cette dignité même qui les a poussés à mener cette si belle révolution. La stratégie est claire, celle du pourrissement. On attend qu’ils craquent et au premier faux pas, on justifie leur expulsion. Abject!
    J’ai eu l’occasion de parler à une grande partie d’entre eux, des gens simples, braves, loin de se douter, qu’après avoir été les victimes collatérales de cette guerre en Libye (qui les a privés de toute ressource et les a forcés à partir), ils sont les victimes d’une autre guerre, sur le terrain politique cette fois. Car, entendons-nous bien, toute cette symphonie d’inhumanité à laquelle nous assistons depuis que nos compatriotes, que nos frères sont là ne marque que l’entrée en campagne d’une droite qui se radicalise.

    Au moment, où la vague bleu marine prend de l’ampleur, il n’y a pas d’autre choix pour M. Sarkozy et sa meute que d’aller récupérer ces voix perdues. Les «Tunisiens de Lampedusa» sont donc les victimes idéales de cette guerre de l’immoral qui se joue en ce moment. Cependant et peut-être suis-je naïf, je persiste à penser que ce gouvernement, que cette vague bleu marine, ne profitent que d’un instant d’égarement chez ce peuple pour lequel j’ai le plus profond respect et la plus grande affection. Je me refuse à penser que le peuple français puisse tolérer que l’on traite des êtres humains de cette manière.
    Dois-je rappeler ce qui se passe en ce moment de l’autre côté de la Méditerranée? Aujourd’hui, comme tous les jours depuis plus d’un mois, ce sont environ 4.000 réfugiés qui traversent la frontière tuniso-libyenne. Du Bangladeshi en passant par le Soudanais, le Somalien ou encore l’Egyptien, la Tunisie, qui est dans une situation économique plus difficile que jamais, accueille ces derniers les bras grands ouverts, les loge, les nourris et fait de son mieux pour scolariser les petits libyens qui sont partis pour rester un bon moment. Comment ne pas s’offusquer que la cinquième puissance mondiale épaulée par 26 autres Etats se comporte de cette manière?




    «Cette guerre en Libye, la France y est impliquée»

    Je vois venir cette question aussi légitime qu’agaçante: n’est-il pas paradoxal de quitter la Tunisie alors que la révolution vient d’avoir lieu? Il y a deux réponses que l’on peut apporter. Tout d’abord, ce paradoxe découle d’un autre paradoxe bien plus absurde et qui explique le départ d’une partie d’entre eux. Le peuple tunisien a fait une révolution pacifique, chassant un dictateur et une famille mafieuse, et, «paradoxalement», alors que les touristes adoraient bronzer chez nous sous Ben Ali, ils ont décidé de déserter nos plages, nos vestiges, notre soleil, alors qu’aux dernières nouvelles, le dictateur déchu n’a pas emmené ces derniers avec lui dans l’avion. N’est-ce pas là que réside le réel paradoxe? Ajouter à cela une forte dépendance, et encore je suis gentil, des régions du sud tunisien de la Libye. Un commerce très fructueux qui permettait à nombre de nos compatriotes de vivre décemment. Tous me l’ont martelé, «si la Libye n’avait rien eu, nous ne serions jamais parti» et encore je vous passe les «si j’avais su que la France, c’était ça, je ne serais jamais venu». Ils ne sont pas ignorants, ils comprennent beaucoup de choses. Hier encore, l’un d’eux me racontait son histoire: «Je viens de Ben Guerdane (frontière avec la Libye); je gagnais très bien ma vie en commerçant avec nos voisins libyens et maintenant qu’il y a la guerre, me disait-il, je ne peux plus subvenir à mes besoins, même les plus primaires». Avec beaucoup de lucidité, a-t-il ajouté: «Cette guerre en Libye, la France y est impliquée, elle est donc en partie responsable du fait que nous ne puissions plus travailler et pourtant elle n’assume pas sa responsabilité, elle et les autres pays de l’Union européenne (UE). Ils nous traitent comme des animaux». Et de finir sur un soupir: «Si j’avais su…».
    Mes chers amis, je conclus en formulant un souhait, plus que cela, en lançant un appel, un appel qui n’est que le relai de vos compatriotes venus de Lampedusa. Ne partez plus! Soyez patients, cherchez d’autres solutions, l’Europe est tout sauf l’Eldorado que vous décrivent ces passeurs sans scrupules qui veulent tout sauf votre bien. La majorité des migrants, pour ne pas dire tous, n’ont qu’un seul mot à la bouche: «Ghaltouni » (ils m’ont trompé).
    C’est en leur nom que je vous appelle à rester dans votre pays, car rien ne vaut les valeurs ancrées dans l’identité du peuple tunisien, celles-là même qui ont porté cette révolution et enflammé de la manière la plus positive le monde arabe. L’Europe est sur le déclin, elle vieillit mal, tandis que nous, nous venons d’éclore, nous avons une jeunesse exceptionnelle, fougueuse, désireuse de développer son pays. Je le reconnais, les temps sont durs, mais les belles années sont devant nous et dans un futur proche, nous continuerons d’éblouir le monde, cette fois-ci en accueillant, avec la plus grande des dignités, les migrants qui souhaiteront s’installer dans l’Eldorado, je parle du vrai, il se nomme Tunisie.

    * Youssef Fennira, Etudiant tunisien en ingénierie d’affaires internationales à Paris et fondateur de l’association Génération Jasmin.
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