Le souverain chérifien tente de répondre aux aspirations des jeunes qui continuent à manifester dans le pays.
De notre envoyé spécial à Rabat et Marrakech.Thierry oberté ( Le Figaro)
Ils tiennent d'interminables happenings dans des locaux prêtés par de petits partis politiques ou des organisations de défense des droits de l'homme. Apparus sur le devant de la scène au lendemain de la chute de Moubarak, à la suite d'un appel lancé sur Facebook, les marcheurs du «printemps marocain» ont pris l'habitude de défiler tous les mois.
Les jeunes du Mouvement du 20 février réclament des changements radicaux. Ils dénoncent les passe-droits, réclament le départ de membres de l'entourage de Mohammed VI qu'ils jugent corrompus, défendent la liberté d'expression et demandent, pour certains, un débat sur l'article 19 de la Constitution qui déclare le roi Amir al-Mouminine, c'est-à-dire Commandeur des croyants et affirme la sacralité de sa personne.
Dialogue difficile
Le mouvement draine, lors de ses pics, plusieurs dizaines de milliers de personnes à travers le pays. Les manifestants qui sont encore descendus dans la rue dimanche ne sont pas assez nombreux pour faire une révolution, mais assez déterminés pour réveiller une partie de la société en quête de nouvelles libertés et de transformations sociales. Il y a dans cette sorte d'auberge espagnole qu'est le Mouvement du 20 février des déçus des partis politiques traditionnels, des «facebookistes» qui veulent briser les tabous sur le sexe ou la religion, des gauchistes et des partisans du cheikh Yassine, le vieux chef d'une secte islamiste, des gosses de riches et des enfants des classes moyennes occidentalisées. On les appelle parfois la «génération Danone», une marque symbolisant la mondialisation très présente sur les tables marocaines.
Le «dialogue» avec le régime est difficile. Le palais royal, qui détient le véritable pouvoir, ne réprime pas les contestataires. Les rassemblements sont autorisés et les coups de matraque plutôt rares. Rien à voir avec Alger. Le 9 mars, il lance une révolution tranquille. Mohammed VI montre qu'il est à l'écoute des revendications en annonçant des transformations institutionnelles avec, en filigrane, l'instauration d'une monarchie parlementaire. Il promet une réforme de la justice, un renforcement de la lutte contre la corruption.
«Le discours du 9 mars montre que ce roi n'est pas un raïs. Il a dans les gènes du sang démocratique. La violence n'est pas dans sa nature. Une part de lui veut préserver la grandeur de la monarchie et l'autre voit que ce n'est possible qu'en jouant l'ouverture», commente Mohammed Nabil Benabdallah, le patron du Parti du progrès et du socialisme (PPS), une formation qui participe au gouvernement. «Ce qui est remis en cause aujourd'hui, ce n'est pas les valeurs de la monarchie» poursuit cet ancien ministre. «On n'entend pas de “Mohammed VI dégage!” dans les manifestations ou de slogans contre sa *famille.»
Si à l'intérieur du pays comme à l'étranger, beaucoup applaudissent la volonté de changement exprimée par Mohammed VI, la crise n'est pas, pour autant, dénouée. Le roi en fait trop, s'inquiètent en sourdine les milieux conservateurs qui craignent pour leur rente. Il n'en fait pas assez, se lamentent les réformateurs à tout crin. «Ce discours aurait eu un impact considérable s'il avait été prononcé au début du règne, mais là il arrive tard et apparaît comme une riposte tactique», assure un proche du prince Moulay Hicham, le cousin du roi, qui vit à l'étranger. Les jeunes, eux, maintiennent la pression.
«Mai 68 à la marocaine»
Sceptique, le Mouvement du 20 février refuse de participer aux auditions de la commission de réforme de la Constitution. «Les jeunes ne veulent pas être récupérés. Ils se méfient. On nous a toujours promis des changements mais ils ne sont pas venus ou alors ont conduit au pire», assure Iman, une jeune fille de 31 ans, professeur de français dans une école privée de Marrakech. Quelques militants acceptent cependant, à titre personnel, de s'exprimer devant leurs aînés. «Cela nous a permis de prendre le pouls de ce mouvement», explique Omar Azziman, membre de la commission de réforme de la Constitution et ex-ambassadeur du Maroc à Madrid. «Les jeunes ont remis le changement au goût du jour. Ils provoquent une onde de choc qui bouscule le pouvoir politique et les syndicats. Leurs revendications sont gérables. Leurs propos sur la corruption, la mauvaise gouvernance et la dilapidation des fonds publics sont justifiés », estime cet ancien ministre de la Justice. «Il ne faut pas toutefois s'imaginer que la nouvelle Constitution est une baguette magique qui va régler tous problèmes », prévient-il.
Omar Azziman et ses collègues vont remettre leur copie au roi en juin, puis un référendum va être organisé en juillet ou en septembre. Des élections législatives devraient suivre pour rebattre les cartes politiques et, peut-être, faire oublier celles de 2007 marquées par des achats de voix et une forte abstention. «Nous vivons un Mai 68 à la marocaine. Les jeunes font comme si rien n'avait existé avant eux. D'un autre côté, les pratiques politiques douteuses ont causé de telles cassures que nous ne sommes plus écoutés. Nous devons nous remettre en question», commente Mohammed Nabil Benabdallah, le secrétaire général du PPS, qui veut croire à une rénovation d'une classe politique à bout de souffle.
De notre envoyé spécial à Rabat et Marrakech.Thierry oberté ( Le Figaro)
Ils tiennent d'interminables happenings dans des locaux prêtés par de petits partis politiques ou des organisations de défense des droits de l'homme. Apparus sur le devant de la scène au lendemain de la chute de Moubarak, à la suite d'un appel lancé sur Facebook, les marcheurs du «printemps marocain» ont pris l'habitude de défiler tous les mois.
Les jeunes du Mouvement du 20 février réclament des changements radicaux. Ils dénoncent les passe-droits, réclament le départ de membres de l'entourage de Mohammed VI qu'ils jugent corrompus, défendent la liberté d'expression et demandent, pour certains, un débat sur l'article 19 de la Constitution qui déclare le roi Amir al-Mouminine, c'est-à-dire Commandeur des croyants et affirme la sacralité de sa personne.
Dialogue difficile
Le mouvement draine, lors de ses pics, plusieurs dizaines de milliers de personnes à travers le pays. Les manifestants qui sont encore descendus dans la rue dimanche ne sont pas assez nombreux pour faire une révolution, mais assez déterminés pour réveiller une partie de la société en quête de nouvelles libertés et de transformations sociales. Il y a dans cette sorte d'auberge espagnole qu'est le Mouvement du 20 février des déçus des partis politiques traditionnels, des «facebookistes» qui veulent briser les tabous sur le sexe ou la religion, des gauchistes et des partisans du cheikh Yassine, le vieux chef d'une secte islamiste, des gosses de riches et des enfants des classes moyennes occidentalisées. On les appelle parfois la «génération Danone», une marque symbolisant la mondialisation très présente sur les tables marocaines.
Le «dialogue» avec le régime est difficile. Le palais royal, qui détient le véritable pouvoir, ne réprime pas les contestataires. Les rassemblements sont autorisés et les coups de matraque plutôt rares. Rien à voir avec Alger. Le 9 mars, il lance une révolution tranquille. Mohammed VI montre qu'il est à l'écoute des revendications en annonçant des transformations institutionnelles avec, en filigrane, l'instauration d'une monarchie parlementaire. Il promet une réforme de la justice, un renforcement de la lutte contre la corruption.
«Le discours du 9 mars montre que ce roi n'est pas un raïs. Il a dans les gènes du sang démocratique. La violence n'est pas dans sa nature. Une part de lui veut préserver la grandeur de la monarchie et l'autre voit que ce n'est possible qu'en jouant l'ouverture», commente Mohammed Nabil Benabdallah, le patron du Parti du progrès et du socialisme (PPS), une formation qui participe au gouvernement. «Ce qui est remis en cause aujourd'hui, ce n'est pas les valeurs de la monarchie» poursuit cet ancien ministre. «On n'entend pas de “Mohammed VI dégage!” dans les manifestations ou de slogans contre sa *famille.»
Si à l'intérieur du pays comme à l'étranger, beaucoup applaudissent la volonté de changement exprimée par Mohammed VI, la crise n'est pas, pour autant, dénouée. Le roi en fait trop, s'inquiètent en sourdine les milieux conservateurs qui craignent pour leur rente. Il n'en fait pas assez, se lamentent les réformateurs à tout crin. «Ce discours aurait eu un impact considérable s'il avait été prononcé au début du règne, mais là il arrive tard et apparaît comme une riposte tactique», assure un proche du prince Moulay Hicham, le cousin du roi, qui vit à l'étranger. Les jeunes, eux, maintiennent la pression.
«Mai 68 à la marocaine»
Sceptique, le Mouvement du 20 février refuse de participer aux auditions de la commission de réforme de la Constitution. «Les jeunes ne veulent pas être récupérés. Ils se méfient. On nous a toujours promis des changements mais ils ne sont pas venus ou alors ont conduit au pire», assure Iman, une jeune fille de 31 ans, professeur de français dans une école privée de Marrakech. Quelques militants acceptent cependant, à titre personnel, de s'exprimer devant leurs aînés. «Cela nous a permis de prendre le pouls de ce mouvement», explique Omar Azziman, membre de la commission de réforme de la Constitution et ex-ambassadeur du Maroc à Madrid. «Les jeunes ont remis le changement au goût du jour. Ils provoquent une onde de choc qui bouscule le pouvoir politique et les syndicats. Leurs revendications sont gérables. Leurs propos sur la corruption, la mauvaise gouvernance et la dilapidation des fonds publics sont justifiés », estime cet ancien ministre de la Justice. «Il ne faut pas toutefois s'imaginer que la nouvelle Constitution est une baguette magique qui va régler tous problèmes », prévient-il.
Omar Azziman et ses collègues vont remettre leur copie au roi en juin, puis un référendum va être organisé en juillet ou en septembre. Des élections législatives devraient suivre pour rebattre les cartes politiques et, peut-être, faire oublier celles de 2007 marquées par des achats de voix et une forte abstention. «Nous vivons un Mai 68 à la marocaine. Les jeunes font comme si rien n'avait existé avant eux. D'un autre côté, les pratiques politiques douteuses ont causé de telles cassures que nous ne sommes plus écoutés. Nous devons nous remettre en question», commente Mohammed Nabil Benabdallah, le secrétaire général du PPS, qui veut croire à une rénovation d'une classe politique à bout de souffle.
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