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Pourquoi je ne me réjouis pas de la mort de Ben Laden.

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  • Pourquoi je ne me réjouis pas de la mort de Ben Laden.

    Les attentats perpétrés par Al-Qaïda sont impardonnables. La mort semée aveuglément à des victimes civiles est un procédé lâche et inexcusable, c'est pourquoi je n'ai aucune sympathie pour Oussama Ben Laden et pour le terrorisme. Je les exècre car ils sont porteurs du plus haut degré de l'indignité humaine. Mais pourtant, je ne me réjouis pas de sa mort.

    Je m'explique. La justice est un principe cardinal de nos sociétés de droit. On délègue à des autorités compétentes et légitimes la prérogative de juger les actes de nos semblables. Le pacte civil suppose le renoncement au jugement individuel au profit des tribunaux, émanations et réceptacles de principes moraux universels et d'une norme sociale admise. Ainsi, la justice n'est pas la vengeance. Elle obéit à des règles tandis que la vengeance répond à une impulsion, à un sentiment. A l'objectivation de l'une s'oppose la subjectivité de l'autre.

    Au-delà de l'aspect légal, la question de l'utilité d'un procès se pose. Les débats au sein d'un tribunal sont aussi nécessaires que le jugement. Ils serviront au travail de deuil des familles des victimes et à la compréhension des analystes et des historiens. Le plus souvent, les proches ne viennent pas seulement assister au procès le jour du jugement mais aussi aux séances, aussi atroces fussent ces moments. La sentence est indissociable de la volonté de comprendre, même l'incompréhensible. Ainsi, à partir du jugement d'un criminel contre l'humanité dans "Eichmann à Jérusalem", Hannah Arendt a écrit une contribution primordiale à l'appréhension de ce qu'elle appelle la banalité du mal.

    Des scènes spontanées de joie dans la rue aux déclarations des plus hautes responsables politiques, les vox populi et officielle ont oscillé entre expression de soulagement et de satisfaction. Dans la foule, certains justifiaient ces manifestations comme une réponse à des scènes de liesse équivalentes dans un certain nombre de pays suite aux attentats du 11 septembre. J'ai moi-même été choqué et condamné ce genre d'expressions collectives détestables en Algérie, d'où j'ai vécu le traumatisme post-World Trade Center. Est-ce qu'à l'exultation des uns doit automatiquement répondre l'exultation des autres ? Ne doit-on pas cesser un jour ce cycle perpétuel du dialogue vain de l'expression de nos antagonismes ? Si demain, une foule étrangère se réjouit d'un attentat chez nous, comprendrons-nous si elle affirme manifester au nom de ce qu'elle considère comme nos provocations d'aujourd'hui ?

    De la même façon, on balaiera des arguments du type "Ben Laden n'a eu aucun remords à tuer alors pourquoi en aurions-nous ?" Ce faisant, on fixe le critère de comparaison morale au plus bas, relativisant et ratiboisant ainsi la justice. Le pire n'est jamais un bon étalon, s'aligner sur celui-ci ne fait que participer à un nivellement coupable. Si nous aspirons à devenir des modèles de civilisation, alors nous devons être irréprochables. Les cas extrêmes, ceux qui peuvent nous coûter, donnent l'occasion de montrer que ces principes sont inconditionnels et, en tant que tels, qu'ils sont universels.

    Pour la même raison, on s'étonnera de la joie affichée par nos responsables politiques du décès d'un homme dans notre pays qui ne pratique pas la peine de mort et, même la combat, justement, partout dans le monde. Ce combat n'est pas à géométrie variable. Il se fonde sur une condamnation en bloc selon des principes incompressibles. Ce n'est pas une question de degré - il y aurait alors un curseur identifiable et acceptable à partir duquel la faute mériterait la peine capitale - mais de nature - une condamnation absolue de quiconque, y compris l'Etat, de donner la mort à n'importe quel homme.

    En tant que citoyen respectueux de l'Etat de droit, d'être humain doué de compassion et animé de la volonté - peut-être illusoire dans ce cas - de comprendre, j'aurais préféré que Ben Laden fût jugé si, bien sûr, les conditions de l'intervention militaire le permettaient. On dit qu'une démocratie s'honore de la façon dont elle traite le dernier de ses hommes. Même avec Oussama Ben Laden, qui était le dernier des derniers, les Etats-Unis se seraient grandis à offrir un jugement avec ce que nos sociétés imposent comme devoir minimal à tous, en commençant par soi-même : la dignité.


    Mabrouck Rachedi, Le Monde
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    Ce n’est pas un homme, c’est un champignon.
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  • #2
    Je ne trouve aucun intérêt particulier à cet article (tout ce qu'il contient a déjà été dit aupravant), mais je m'interroge sur la véracité de ce que rapporte ce passage :
    Dans la foule, certains justifiaient ces manifestations comme une réponse à des scènes de liesse équivalentes dans un certain nombre de pays suite aux attentats du 11 septembre. J'ai moi-même été choqué et condamné ce genre d'expressions collectives détestables en Algérie, d'où j'ai vécu le traumatisme post-World Trade Center.
    Y a-t-il eu des des scènes de liesse en Algérie suite aux attentats du 11 septembre ? Je ne m'en souviens pas, pour ma part.
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    Ce n’est pas un homme, c’est un champignon.
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    • #3
      Moi aussi je ne m'en souvient pas, et j’étais à Alger ce jour la.

      Ce que sais c'est que les gens ont plutôt condamné l'attentat , surtout qu' on était déjà passé par la!
      All we are saying is give peace a chance. John Lennon.

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      • #4
        Je m'explique. La justice est un principe cardinal de nos sociétés de droit. On délègue à des autorités compétentes et légitimes la prérogative de juger les actes de nos semblables.
        Les Américains ont la chance de faire à des idiots à chaque fois. Si quelqu'un est innocent et prêt à le prouver pourquoi ne se présente-il pas à un tribunal pour qu'il soit jugé? Supposons que toi même tu seras surpris demain par des accusations de terrorisme et tu sais que tu es innocent et rien à te reprocher, pourquoi choisirait tu un trou sous terre pour te chacher? Pire encore les rats Saddam, Kadhafi, Ben Laden continuent à menacer à travera leurs messages, ils jouent aux grands même s'ils savent s'ils seront les perdants à la fin. S'il y'a un tribunal donc c'était à Ben Laden de le contacter pour prouver son innocence.
        Pas à la tique ..

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        • #5
          belcourt

          L'auteur de l'article ne clame pas l'innocence de Benladen , mais aurait voulu qu'il soit présenté devant une justice pour etre entendu , comme tout accusé. C'est le principe meme de la justice .
          plus tu pédales moins fort , moins tu vas plus vite !

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          • #6
            Des scenes de liesse, non je n'en ai pas vu. Par contre, des chants de supporters du genre "Ussama Ben Laden shi**** el marikan" ou a la gloire des talibans sont apparus a l'epoque, mais bon, c'est des conneries de supporters.

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            • #7
              Y a-t-il eu des des scènes de liesse en Algérie suite aux attentats du 11 septembre ? Je ne m'en souviens pas, pour ma part.
              c'est de l'intox. c'est tout. c'est peut-être pour braquer les Etats Unis contre nous? si c'est ça... c'est que les français sont aux abois... ils ne savent plus quoi faire pour discréditer l'Algérie. ils sont à cours d'idée.

              L'Algérie est l'un des pays qui a le plus souffert du terrorisme islamiste. alors bon...

              Je m'explique. La justice est un principe cardinal de nos sociétés de droit. (extrait de l'article)
              de quelles sociétés s'agit-il? les sociétés où on se suicide dans les entreprises?

              de quel droit s'agit-il? celui d'attaquer un pays souverain, par exemple...
              Dernière modification par Neutrino, 14 mai 2011, 18h39.

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              • #8
                Des scenes de liesse, non je n'en ai pas vu. Par contre, des chants de supporters du genre "Ussama Ben Laden shi**** el marikan" ou a la gloire des talibans sont apparus a l'epoque, mais bon, c'est des conneries de supporters.
                Les supporteurs font cela juste pour provoquer la police dans les stades. Sinon il y avait des scenes de liesses en Grece et en Argentine lors des attentats du 11 septembre.

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                • #9
                  C'est exactement ce que je dis, ces chants ne veulent rien dire. Et puis, si certains peuvent "apprecier" Ben Laden, ce n'est pas l'image du terroriste mais de l'anti americain.

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                  • #10
                    Une partie de sophisme...

                    Un crime parfait.

                    Depuis le raid américain sur la résidence de Ben Laden le 2 mai, la communication de la Maison Blanche s'est révélée incapable de proposer un scénario crédible de l'opération. Une communication "chaotique", "mal orchestrée", "incohérente" - les adjectifs ne manquent pas pour désigner ce qu'on n'hésite plus à qualifier de "fiasco" mais qui n'en reste pas moins surprenant pour une opération préparée d'aussi longue date.

                    Quand on connaît l'expertise du bureau d'information et de communication de la Maison Blanche, il est difficile de se satisfaire d'explications en termes d'erreur de communication ou de retard d'information sur l'événement. Les conditions d'un nouveau procès en crédibilité, comparable à celui qui mine, depuis dix ans, la version officielle de l'attentat contre le World Trade Center, sont réunies, et son instruction n'est pas près de s'éteindre, au vu des invraisemblances qui s'accumulent, des contradictions inexpliquées, des preuves qui font défaut.

                    L'exécution de Ben Laden revêt tous les signes du "crime parfait" dont parlait le philosophe et sociologue Jean Baudrillard (1929-2007), un crime dont les auteurs sont anonymes, le récit impossible, le cadavre introuvable, et dont toutes les pièces à conviction ont disparu dans la nuit pakistanaise, alors même qu'il était filmé par des caméras fixées sur les casques du commando et suivi en direct par l'exécutif américain. Cible invisible. Exécution invisible. Cadavre invisible. Un véritable trou noir dans la médiasphère, qui se manifeste par ses effets induits : la prolifération d'indices contradictoires, de scénarios successifs, d'hypothèses improbables...

                    L'exécution de Ben Laden instaure cette forme d'invisibilité au coeur même de la transparence médiatique, invisibilité de l'évidence, qu'évoquait Edgar Poe dans La Lettre volée, et dont témoigne également la cache de Ben Laden au coeur du dispositif de sécurité du Pakistan ; dans l'un des endroits les plus surveillés au monde, nous dit-on, le désormais fameux "complexe ultrasécurisé d'Abbottabad". Le raid américain sur la petite ville de garnison restera dans les mémoires, comme un cas exemplaire de ce blanchiment des apparences caractéristique des sociétés d'hypercommunication. On a blanchi la violence. On a blanchi l'histoire. On a blanchi le cadavre, croyant peut-être exorciser par là même les attentats du 11-Septembre et leur auteur réputé, enveloppés les uns et l'autre dans le même linceul blanc et expédiés dans une mer d'oubli. La traque du fugitif le plus recherché au monde peut céder la place à une forme de "hantise", celle que laissent les corps sans sépulture. Des grottes de Tora Bora aux profondeurs de la mer d'Oman, que des fondamentalistes seraient sur le point de baptiser "la mer du Martyr", transformant ainsi en un lieu de pèlerinage une simple étendue d'eau, son corps introuvable n'en voyagera que mieux au gré des imaginations.

                    Depuis le 11-Septembre, les experts de l'antiterrorisme n'ont pas manqué d'insister sur la nécessité d'opposer un récit cohérent à l'imaginaire dont se nourrit le terrorisme. "Deux experts du Center for Contemporary Conflict affirment que la guerre contre le terrorisme doit prendre en compte les histoires que les terroristes racontent. La naissance, la maturation et la transformation des organisations terroristes reposent sur des récits qu'il faut décoder si l'on veut définir une stratégie visant à ruiner leur efficacité." Déconstruire le mythe fondateur d'Al-Qaida suppose que l'on soit capable de proposer un "mythe alternatif, une meilleure histoire que celle que proposent les "mangeurs de mythes""...

                    Or c'est le contraire qui s'est passé. Loin de décoder le mythe fondateur d'Al-Qaida, les Américains l'ont nourri, à leur insu peut-être. Depuis le 11-Septembre, Ben Laden incarne ce héros solitaire, qui apparaît et disparaît à sa guise, narguant la plus grande puissance mondiale, un Clint Eastwood arabe, un Robin des bois musulman qui prétend venger les souffrances du peuple palestinien. C'est la figure du justicier qui puise aux stéréotypes du western hollywoodien, une légende ou un mythe que Ben Laden n'aurait jamais pu créer sans l'aide des Etats-Unis, qui ont participé à la production, à la mise en scène et à la diffusion de cette légende ; de George W. Bush, lançant la traque de Ben Laden par un avis de recherche "mort ou vif" comme dans les westerns, jusqu'au choix malheureux du nom de code de l'opération, "Geronimo", pour désigner la charge finale contre le fort Apache de Ben Laden, le compound d'Abbottabad.

                    C'est dire si les "complotistes" se trompent de combat lorsqu'ils s'acharnent à dénoncer les indices d'une collusion "opérationnelle" entre services secrets et Al-Qaida, au lieu de démasquer la coproduction d'un mythe partagé. Leur rivalité n'est pas opérationnelle, elle ne se joue pas sur les champs de bataille, elle a pour enjeu la captation des attentions, le pouvoir sur les coeurs et les esprits. Leur mode opératoire est identique. Ils agissent par surprise, coups de théâtre. Ils ménagent le suspense. Ce sont des guerriers de la tension narrative.

                    Deux images révèlent l'inconscient à l'oeuvre dans cette entreprise de captation mondiale des esprits. Dans la première, nous voyons Barack Obama et son équipe suivre le raid des forces spéciales depuis la pièce appelée "situation room". Dans la deuxième, Ben Laden, une télécommande en main, zappe de chaîne en chaîne, à la recherche de son image sur les chaînes de télévision. Dans ces images, on ne voit pas le raid des forces spéciales, pas plus qu'on n'entend une déclaration de Ben Laden. L'important n'est pas l'enchaînement des événements ou du discours, le suspense ou l'effet performatif du langage. L'important, c'est le dispositif de vision.

                    Nous sommes inclus dans un triangle perceptif qui n'affirme rien d'autre (puisque l'action n'est pas visible et que le son est coupé) que lui-même. Dans ce dispositif, nous sommes le troisième terme d'un triangle qui enferme l'action, l'auteur et l'audience dans la même prise. Objet invisible. Regard captif. Ces photos ne montrent rien d'autre qu'un dispositif où règne le pur "simulacre", qui n'est plus de l'ordre du spectaculaire au sens strict, puisque à proprement parler il n'y a rien à voir, mais spectral, en ce qu'il installe une relation triangulaire où chacun regarde l'autre en train de voir ce qui n'est pas visible. La médiasphère l'a reconnu d'emblée, qui a réservé à ces images un accueil triomphal : c'est la scène du crime parfait


                    Christian Salmon (fondateur du Parlement international des écrivains, membre du CNRS), Le Monde
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                    Ce n’est pas un homme, c’est un champignon.
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                    • #11
                      La mort de Ben Laden, la liesse américaine, et nous.

                      Les images d'Américains manifestant dans les rues leur joie à l'annonce de la mort de Ben Laden en ont rappelé d'autres, vieilles de dix ans : celles de Palestiniens en liesse le 11 septembre 2001. Peut-être un jour des manuels d'histoire les mettront-ils en vis-à-vis, pour illustrer la décennie… Ces images avaient, on s'en souvient, suscité un malaise. Comment pouvait-on se réjouir d'un événement comme celui-là ? A nos yeux d'Européens, les images qui nous sont parvenues des Etats-Unis la semaine dernière ne sont pas moins troublantes.

                      C'est que tout d'abord les Etats-Unis ne sont pas un pays avec une tradition de rassemblements spontanés. Au lendemain des attentats du 11-Septembre, leur réflexe ne fut pas de descendre dans la rue. Certains l'ont fait, mais seulement quelques jours plus tard, pour s'opposer aux représailles militaires annoncées par le président Bush. Ce n'était déjà plus une réaction immédiate aux attentats. A l'inverse, en Espagne, à peine plus de 24 heures après les attentats du 11 mars 2004 à Madrid, ils étaient plus de 11 millions à battre le pavé pour manifester leur refus du terrorisme, et des dizaines de milliers à les imiter dans toute l'Europe. Mais à l'annonce de la mort de Ben Laden, pas un Espagnol n'est descendu dans la rue. Pas plus qu'à Londres, pourtant frappé par Al-Qaïda le 7 juillet 2005 : à l'époque déjà, le mot d'ordre de la réaction avait été "We are not afraid". Face au terrorisme, il convenait de continuer sa vie sans ciller, de faire preuve de retenue. C'est avec cette même absence d'effervesence que l'annonce de la mort de Ben Laden fut accueillie. A nul instant les Européens, que ce soit en Espagne, au Royaume-Uni, en France ou ailleurs, n'ont songé à exulter.

                      Si le 11-Septembre est bien, comme l'écrit Habermas, "le premier événement qui s'est immédiatement inscrit dans l'histoire mondiale au sens strict", c'est là la preuve qu'il ne l'a pas fait de manière univoque. Sa spectacularité couplée à son extrême décontextualisation ont contribué à ce que son sens en soit déterminé par ceux qu'il affectait plutôt que par ceux qui en étaient les instigateurs. Une fois passé la stupeur et la sidération des premiers instants, le 11-Septembre fut assimilé par les Américains à un authentique acte de guerre visant leur nation, un " nouveau Pearl Harbor " appelant un réflexe patriotique. Les images des Américains rassemblés à Times Square scandant "USA ! USA !" le 2 mai dernier rappellent ainsi au reste du monde que, même dix ans après les attentats, la grande majorité des Américains se sentaient encore en guerre, tandis que ce ne fut jamais le cas des Européens. Pas même après les attentats de Madrid et de Londres.

                      Le courrier des lecteurs publiés en page 17 du Monde ce dimanche en témoignent encore : il y a toujours eu, en Europe, au moins deux grandes lectures du 11-Septembre. Certains ont accrédité son assimilation à un acte de guerre appelant une vengeance implacable et loué l'élan patriotique du peuple américain. De même que l'effondrement des tours du World Trade Center fit pour eux écho aux bombardements de la Seconde guerre mondiale, les scènes de joie dans les rues américaines à l'annonce de la mort de Ben Laden leur auront semblé tout aussi légitime que la liesse déclenchée par les GI's américains à la Libération. D'autres, en revanche, ont vu dans le 11-Septembre moins l'agression d'une nation que la mise en péril de la paix dans le monde ; plutôt qu'un acte de guerre, un crime contre l'humanité.

                      A l'appui de cette autre définition, on a essentiellement retenu en Europe l'attaque contre les tours du World Trade Center, remplies de travailleurs de toute nationalité, et relégué au second plan tant l'attaque contre le Pentagone, symbole régalien de la nation américaine, que le crash du vol United 93 à Shanksville, situé à quelques encablures de Gettysburg, terre fondatrice de la nation américaine. De là vient qu'on désigne généralement en Europe le 11-Septembre comme les "attentats de New York" : non seulement car cela permet de le mettre sur un même plan que les attentats de Madrid et de Londres qui lui firent écho, mais surtout parce que New York n'est pas tant la capitale des Etats-Unis que celle du monde.

                      C'est en vertu de cette lecture cosmopolitique d'un 11-Septembre mettant en péril notre monde commun et pas seulement la nation américaine que, dans les milliers de messages qu'ils adressèrent aux Américains au lendemain des attentats, des Européens n'eurent de cesse de les exhorter à faire preuve de pondération dans leur riposte, de les mettre en garde contre un désir de vengeance qui s'exercerait au détriment de la recherche de la justice. Cette divergence de vue qui s'est maintenue jusqu'à aujourd'hui ne tenait pas au fait que les uns furent directement victimes des attentats tandis que les autres n'en étaient que les spectateurs : y compris Pilar Manjón, la présidente de l'Association des victimes des attentats du 11 mars, qui a perdu son fils dans les attentats de Madrid, a déclaré qu'elle aurait préféré voir Ben Laden traduit en justice devant la Cour pénale internationale plutôt que tué et jeté à la mer. L'analyse à laquelle j'ai soumis ces messages rédigés à la suite du 11-Septembre indique en revanche que joue un facteur générationnel : la quasi-totalité des Français de plus de 60 ans firent le lien entre le 11-Septembre et la Seconde guerre mondiale pour justifier une riposte militaire, tandis que les plus jeunes, nés dans les années 1980 et 1990, sont ceux qui exprimèrent le plus leur souci de préserver la paix dans le monde.

                      Dans l'édition du 4 mai du journal espagnol Público, un dessin représentait le président Obama en statue de la Liberté, son prix Nobel de la Paix sous le coude d'un côté, et la tête de Ben Laden brandie sur un plateau de l'autre. Sans doute les Européens, et les plus jeunes d'entre eux en particulier, attendaient-ils autre chose de ce président ayant fait naître tant d'espoirs bien au-delà des seules frontières américaines ; autre chose que de l'entendre proclamer "justice est faite" à la mort d'un homme. Mais c'était oublier tout ce qui sépare la façon dont ont été vécus les attentats du 11-Septembre d'un côté de l'Atlantique et de l'autre ; et que Barack Obama, lui, ne les a pas vécus du même côté que nous.


                      Gérôme Truc (sociologue, membre de la Casa de Velázquez à Madrid), Le Monde
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                      Ce n’est pas un homme, c’est un champignon.
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                      • #12
                        Faut pas non plus mettre les deux evenements sur un pieds d'egalite, les palestiniens et d'autres ont manifeste leur joie alors que 3000 innocents se faisaient tuer. La, il ne s'agit que d'un seul homme et d'un terroriste notoire.

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