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Rachid Oulebsir : Ecrire, c’est vivre après la mort

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  • Rachid Oulebsir : Ecrire, c’est vivre après la mort

    La Tribune : Il y a des personnages de votre premier roman qui ressurgissent dans le Rêve des momies. Est-ce que cela signifie une constitution d’un univers ?

    Rachid Oulebsir : En fait, le Rêve des momies a été écrit bien avant les Derniers Kabyles, même si le hasard a fait que la publication des deux ouvrages s’est faite à l’envers. La constitution d’un univers littéraire nécessite sûrement plus d’un roman. Les personnages vont et viennent entre les écrits. Mon univers d’écrivain est un enchevêtrement de ma réalité et d’un imaginaire entretenu par des phantasmes, des envies venues de loin, des rêves hérités, des songes hirsutes, des combats virtuels, des chimères, des êtres plus ou moins réels, des animaux fabuleux, des contes flamboyants, des réminiscences douloureuses, de lourdes envies de délivrance, des couleurs qui parlent, des sons inaudibles à l’oreille ordinaire, des bruits des guerres sanglantes, des cris des suppliciés dans l’âme, des plaintes des ancêtres. Cet écheveau qui se tisse et se déconstruit sans arrêt est la toile de fond de mon être.

    L’histoire récente de l’Algérie est au cœur de ce roman. Pour vous, écrire est-il un geste de remédier à quelque chose ?


    Ecrire, c’est se délivrer ! C’est répondre à un appel. Dans la cosmogonie kabyle, les êtres dotés d’une ouïe fine entendent «Anza», la plainte des âmes errantes, l’appel des morts qui se sont sacrifiés pour les nobles causes. Ce cri qui vient du fond des âges, je l’entends souvent en passant devant les cimetières, par les chemins qui se souviennent de l’exode des opprimés, la fuite des humbles pourchassés par la meute des assassins, sur les agoras où les tyrans et les chefs despotiques ont tué par traîtrise des héros. Ecrire, c’est remédier à l’injustice, le mal, la souffrance, l’intolérance, la bêtise humaine, la haine et tous les bas sentiments. Ecrire, c’est contribuer à la libération du genre humain de la cruauté vers laquelle il ne cesse de vouloir retourner.

    Dans votre premier roman, l’intellectuel travaille dans le sens de reconstituer la mémoire à travers les métiers par exemple, donc quelque chose de symbolique, alors que dans le deuxième, il est en pleine désillusion. Est-ce que le rôle de l’intellectuel n’a pas été dévoyé dans la société algérienne ?


    Après la sortie du poète de la prison, sa parole était devenue étrangère...
    Dans la société algérienne, l’intellectuel est une sorte d’enjoliveur. Son rôle est de décorer la dictature, lui donner un visage humain aux yeux de l’Occident. Il vit comme une erreur, en cheville, en appendice, c’est pour cela qu’il est malheureux, c’est pour cette raison qu’il est en perpétuelle partance, même s’il ne s’en va pas, il vit des chagrins du départ. L’intellectuel algérien n’a pas d’autre alternative que de se battre contre le système politique mortifère et liberticide, il doit mener un incessant combat contre l’absorption et l’exil intérieur.

    Alors pourquoi écrire ?

    Ecrire ? C’est vivre après la mort. C’est exister pour toujours, perpétuer sa vie au-delà des limites physiologiques. Ecrire, c’est prétendre à l’éternité. Ecrire, c’est aimer celle qu’on n’a pas pu aimer, celle que l’autre nous a prise, celle qui, un matin, s’en est allée. Ecrire, c’est voler comme l’aigle qu’on ne pourra jamais être. Ecrire, c’est traverser la mer dans son immensité sans autre esquif que le désir de rejoindre un rêve. Ecrire, c’est construire un iglou dans le désert.

    Votre roman m’a fait penser à la Traversée de Mouloud Mammeri, précisément à Mourad...

    La Traversée ? Le souffle puissant de l’œuvre de Mouloud Mammeri me traverse chaque fois que je prends la plume.

    Par la Tribune
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