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A Béjaia, un wali façon Ponce Pilate

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  • A Béjaia, un wali façon Ponce Pilate

    La responsabilité du wali de Béjaia est indubitablement engagée de ce qui semble être une nouvelle équipée aussi inutile que pitoyable. La fermeture des lieux de culte non-musulmans après celle des cabarets de Tichy sonne comme une parfaite diversion au moment où le pays entreprend de s’engager dans un nouvel horizon politique. Mais comme un train peut toujours cacher un autre, les initiés des arcanes de l’administration locale pointent tout d’abord, un doigt accusateur vers le DRAG, le directeur de la réglementation et de l’administration générale

    En fait, une sorte de greffier en chef ou de Khodja, pour parler comme « nos ancêtres » les Ottomans, du wali. Il est arrivé de Tissemsilt à la faveur du dernier mouvement dans le corps des directeurs exécutifs, Tayeb Rezaigui se veut un fort en thème, un juriste hors pair.

    Tellement qu’il se sent investi d’une mission de type messianique par les plus hautes sphères du pouvoir. « Si la Djemaa d’en haut m’a affecté dans cette très difficile wilaya, ils ont certainement voulu mettre à contribution mes inestimables compétences », se répand-il dans les couloirs capitonnés de la wilaya de Béjaia où ses collègues ricanent sous cap, à cause de son arabe désuet et de son français de métèque.

    Première mission casse- cou : un arrêté de fermeture des cabarets de Tichy qui installe, à la veille de la saison estivale, la fameuse station balnéaire dans un dangereux tourbillon.

    Trois jours après la prise de cet arrêté, des citoyens observent un sit-in devant une célèbre boite de nuit et réclament- quoi de plus logique ?- l’application de la décision prise par les pouvoirs publics. Trois jours plus tard, la wilaya fait machine arrière et décide tout bonnement d’annuler les arrêtés en question.

    Mais le coup est parti et Tichy,avec son tourisme qui mêle alcool et sexe, est touché mortellement : des manifs populaires que des partis politiques s’empressent de chevaucher, des fermetures de routes, des caillassages des devantures de cabarets, plombent la saison estivale et angoissent des investitures qui ont construit des hôtels à coups de milliards.

    A peu de chose près, cette affaire de fermeture des lieux de cultes non-musulmans s’annonce d’ores et déjà comme un mauvais remake du désastre Tychoise. Du c…. on passe désormais au culte avec les mêmes techniques de production de vaudevilles ou de « séries B ». Comme dans l’affaire de Tichy où la wilaya rame désormais à contre courant pour ramener les choses au statu quo qu’elle a précisément fait voler en éclat, c’est la course éperdue au rattrapage de ce nouveau chef d’œuvre d’intolérance religieuse.

    Mensonges d’Etat

    C’est bien entendu le wali, Ahmed Hamou Touhami, qui s’offre en sauveteur du soldat Ryan.

    A l’Expression, il va jusqu’à l’existence de ces arrêtés et accuse la presse de s’être trop vite emballée. «Nous n’avons signé aucun arrêté portant sur la fermeture des lieux de culte non musulmans. Nous avons juste demandé à ces associations de se conformer à la réglementation comme nous l’avions fait pour les débits de boissons et autres cabarets non conforme à la réglementation dans leur activité», déclare ainsi Hamou Ahmed Touhami au reporter de ce quotidien en marge d’une rencontre sur la gouvernance locale tenue à la Maison de la culture Taos Amrouche en présence d’un haut responsable du ministère de l’Intérieur.

    Chez El Watan paraissant à la même date d’hier, le ton est sensiblement différent. La prise de l’arrêté est clairement sous-entendue comme une évidence. «Nous leur demandons de se conformer à la loi. Certains exercent leurs cultes dans des garages», a déclaré le wali à El Watan. Question : Si l’arrêté de fermeture n’existe pas, comment la wilaya s’est-elle prise pour aviser les concernés de son oukase ? D’autant que, selon Mustapha Krim, pasteur de l’église protestante, des éléments des sérvices de sécurité s’étaient présentés avant-hier, c'est-à-dire au moment où le wali parlait aux reporters d’El Watan et de L’Expression, à Fethoune (commune de Chellata, daïra d’Akbou), pour convoquer les adeptes de l’église adventiste, la seule d’ailleurs de toute la wilaya de Béjaia. D’autant que le wali de Béjaia poursuit par une tirade que Kafka n’aurait nullement désapprouvée.

    Quand El Watan demande ce qu’exige la wilaya de l’Eglise protestante d’Algérie pour se conformer à la loi, Le wali aura cette terrible réponse : «C’est à eux de savoir ce qui leur manque pour se conformer à la loi ». Car le wali et son DRAG ne le savent pas eux? Plus que Kafka, on est dans Ponce Pilate, ce procureur romain qui a condamné le Christ sans trop savoir pourquoi pour enfin s’estimer quitte pour un lavement des mains. Tout cela s’appelle simplement « Mensonges d’Etat ».

    La Dépêche de Kabylie est en mesure de prouver l’existence de cet arrêté par diverses façons.

    Le commissaire A. Bensalma fait clairement référence à « l’arrêté du 08/05/2011, N° : 11/566, comprenant la fermeture des immeubles utilisés spécialement pour l’exercice du culte chrétien existant sur tout le territoire de la wilaya » dans une notification remise le 22 mai « sur demande du wali de la wilaya de Béjaia» à Mustapha Krim, chef de l’EPA. Last but not least, la wilaya de Béjaia exhibe en fait une loi datant d’un bon lustre : L’ordonnance n°06-03 du 28 février 2006 fixant les conditions et les règles d’exercice des cultes autres que musulman.

    Elle stipule que «l’affectation d’un édifice à l’exercice du culte est soumise à l’avis préalable de la commission nationale de l’exercice des cultes», et que «la personne morale qui commet des infractions prévues par la présente ordonnance est punie par l’interdiction d’exercer, dans le local concerné, un culte ou toute activité religieuse». Cette loi précise encore que «les personnes exerçant un culte autre que musulman, dans un cadre collectif, sont tenues de se conformer aux dispositions de cette ordonnance, dans un délai de 6 mois, à compter de sa publication au Journal officiel», c’est-à-dire mars 2006. La même ordonnance assure que «l’Etat algérien dont la religion est l’Islam garantit le libre exercice du culte dans le cadre du respect des dispositions de la Constitution, de la présente ordonnance, des lois et règlements en vigueur». Le texte énonce, enfin, que «les associations religieuses des cultes autres que musulman bénéficient de la protection de l’Etat»

    Peut-on simplement concevoir que les sept églises protestantes, les paroisses catholiques, l’église adventiste de Fethoune aient, pendant tout ce temps, existé à l’ombre de cette loi et survécu aux maintes tempêtes d’intolérances vécues par le pays sans que personne ne s’en rendent compte avant l’arrivée du DRAG Rezaigui ?

    Par Mohamed Bessa, La Dépêche de Kabylie
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