Le quotidien populaire n'en a pas terminé avec Dominique Strauss-Kahn. Il s'attaque à la façon dont les médias français ont couvert l'ascension et la chute de l'ancien patron du FMI. Selon lui, il y aurait de quoi compromettre les relations franco-américaines. Rien que cela !
Dominique Strauss-Kahn n’a pas agi seul. Toute la France a les mains sales, aussi sales que celles d’une femme de chambre chargée de faire le ménage dans une suite de Sofitel à 3 000 dollars la nuit. Cette histoire de gros bonnet qui aurait violenté une femme de chambre est l’incarnation de tous les clichés sur les riches et les pauvres, mais elle ne s’est pas produite comme par enchantement. C’est comme si la majorité des citoyens de France — prisonniers de notions de sexisme, de misogynie et de racisme tout droit sorties des années 1950 — étaient complices de cet acte horrible dont on l’accuse. Cela va au-delà de la saga de l’ancien (depuis peu) patron du Fonds Monétaire International et de la femme de ménage qui criait au viol. Cette affaire sordide met crûment en relief les formidables différences culturelles, juridiques et morales entre de jeunes Etats-Unis et une France lâche et en décrépitude. Une nation où la parole d’une pauvre immigrée noire vaut moins que celle d’un riche crétin blanc.
Ces événements ont de quoi compromettre un peu plus des relations déjà fragiles entre les Etats-Unis et la France, pilier de cet Axe des Chacals qui haïssent l’Amérique, et dont elle mérite de faire partie depuis que, en 2003, elle a trahi les Etats-Unis et nos alliés en refusant de soutenir notre politique étrangère [une allusion au refus de Paris de s'engager aux côtés des forces de la coalition dans la guerre d'Irak]. Pourtant, les Français ont su montrer qu’ils étaient capables de se rebiffer, quand il s’est agi d’aider et de favoriser Strauss-Kahn au fil de son ascension de politicien en rut, jusqu’à sa prestation de premier plan en tant que coupable présumé d’un crime qui, dans notre pays, est vu comme un abus de pouvoir d’une violence diabolique. Mais pour beaucoup en France, une tentative de viol est une tout autre chose. Un dérapage de l’amour libre. Une blague.
Si vous voulez être révoltés par l’état d’esprit national qu’affiche fièrement la nation gauloise, il vous suffit de considérer cette hideuse pépite, née de la plume de l’éditorialiste Sophie de Menthon. Une femme. Les Français de toutes les origines politiques et sociales, écrit-elle [sur le site Internet Atlantico], ont été "stupéfaits", face aux images de DSK, comme on le surnomme affectueusement, menotté et interpellé à New York. Elle va plus loin. "Tout cela remue au plus profond de nous-mêmes des sentiments et des réactions qui dépassent ce qui n’est après tout qu’un fait divers."
Qu’un. Fait. Divers. [Pour traduire l'expression "fait divers" en anglais, la journaliste a utilisé, de façon tout à fait inadéquate, la tournure 'minor alleged crime', soit 'prétendu délit de moindre importance'] Mon Dieu. Alors comme ça, une agression sexuelle n’est qu’un petit accroc. Tout comme coller un chewing-gum sous un siège dans le métro. Avec cette vision du monde, il importe peu que DSK soit coupable ou innocent ; car une agression sexuelle sur une femme pauvre et sans défense, ce n’est rien. Rien du tout. En revanche, arrêter un homme riche et puissant, ça, c’est un crime, un vrai.
Le week-end dernier, une poignée de féministes françaises — ce qui paraît un peu antinomique — a manifesté contre la misogynie affichée à l’occasion de l’affaire DSK, et des victimes d’agressions sexuelles commencent seulement à prendre la parole. Ça ne devrait pas durer. Elles devraient d’abord faire taire Elisabeth Guigou, ancienne ministre de la Justice, aujourd’hui députée. Les photos de l’homme menotté auraient été selon elle "d'une brutalité, d'une violence, d'une cruauté inouïes" — elle n’a pas eu un mot pour la victime supposée, qui n’est qu’une statistique. "Un effroyable lynchage planétaire !" a ajouté Jean-Pierre Chevènement, un sénateur de gauche. Repris par le site d'information The Daily Beast, Bernard-Henri Lévy, le camarade philosophe de DSK, a carrément affirmé que la juge avait "fait semblant de penser qu'il était un justiciable comme les autres". Mince alors !
"Tu sais qui je suis ?" aurait lancé DSK en agressant la femme de chambre. Le Figaro et Paris Match ne se sont pas gênés pour donner le nom de la victime supposée, ainsi que celui, pour une raison qui nous échappe, de sa fille de 15 ans [son nom n'est pas mentionné par les médias aux Etats-Unis car interdit par la législation américaine]. Le Figaro a par ailleurs tenu à souligner la taille de la victime — elle est grande — comme pour démontrer que DSK, un nabot, n’était pas en mesure de l’avoir maîtrisée physiquement. L’affaire suit son cours, mais pendant ce temps, à en croire des révélations scandaleuses, des amis du maniaque accusé auraient tenté d’acheter la victime en offrant de l’argent à ses proches, qui vivent dans la misère en Guinée. Fièrement, ils ont refusé.
Je ne peux dire qu’une chose : Dieu merci, c’est en Amérique que Strauss-Kahn va être jugé, pas en France. Je suis fière de vivre dans un pays où la parole d’une femme de chambre pauvre et terrorisée peut être prise au sérieux, et où l’on est en droit de traîner en prison son agresseur présumé, riche et imbu de lui-même. Comme n’importe quel autre criminel.
Andrea Peyser
Dominique Strauss-Kahn n’a pas agi seul. Toute la France a les mains sales, aussi sales que celles d’une femme de chambre chargée de faire le ménage dans une suite de Sofitel à 3 000 dollars la nuit. Cette histoire de gros bonnet qui aurait violenté une femme de chambre est l’incarnation de tous les clichés sur les riches et les pauvres, mais elle ne s’est pas produite comme par enchantement. C’est comme si la majorité des citoyens de France — prisonniers de notions de sexisme, de misogynie et de racisme tout droit sorties des années 1950 — étaient complices de cet acte horrible dont on l’accuse. Cela va au-delà de la saga de l’ancien (depuis peu) patron du Fonds Monétaire International et de la femme de ménage qui criait au viol. Cette affaire sordide met crûment en relief les formidables différences culturelles, juridiques et morales entre de jeunes Etats-Unis et une France lâche et en décrépitude. Une nation où la parole d’une pauvre immigrée noire vaut moins que celle d’un riche crétin blanc.
Ces événements ont de quoi compromettre un peu plus des relations déjà fragiles entre les Etats-Unis et la France, pilier de cet Axe des Chacals qui haïssent l’Amérique, et dont elle mérite de faire partie depuis que, en 2003, elle a trahi les Etats-Unis et nos alliés en refusant de soutenir notre politique étrangère [une allusion au refus de Paris de s'engager aux côtés des forces de la coalition dans la guerre d'Irak]. Pourtant, les Français ont su montrer qu’ils étaient capables de se rebiffer, quand il s’est agi d’aider et de favoriser Strauss-Kahn au fil de son ascension de politicien en rut, jusqu’à sa prestation de premier plan en tant que coupable présumé d’un crime qui, dans notre pays, est vu comme un abus de pouvoir d’une violence diabolique. Mais pour beaucoup en France, une tentative de viol est une tout autre chose. Un dérapage de l’amour libre. Une blague.
Si vous voulez être révoltés par l’état d’esprit national qu’affiche fièrement la nation gauloise, il vous suffit de considérer cette hideuse pépite, née de la plume de l’éditorialiste Sophie de Menthon. Une femme. Les Français de toutes les origines politiques et sociales, écrit-elle [sur le site Internet Atlantico], ont été "stupéfaits", face aux images de DSK, comme on le surnomme affectueusement, menotté et interpellé à New York. Elle va plus loin. "Tout cela remue au plus profond de nous-mêmes des sentiments et des réactions qui dépassent ce qui n’est après tout qu’un fait divers."
Qu’un. Fait. Divers. [Pour traduire l'expression "fait divers" en anglais, la journaliste a utilisé, de façon tout à fait inadéquate, la tournure 'minor alleged crime', soit 'prétendu délit de moindre importance'] Mon Dieu. Alors comme ça, une agression sexuelle n’est qu’un petit accroc. Tout comme coller un chewing-gum sous un siège dans le métro. Avec cette vision du monde, il importe peu que DSK soit coupable ou innocent ; car une agression sexuelle sur une femme pauvre et sans défense, ce n’est rien. Rien du tout. En revanche, arrêter un homme riche et puissant, ça, c’est un crime, un vrai.
Le week-end dernier, une poignée de féministes françaises — ce qui paraît un peu antinomique — a manifesté contre la misogynie affichée à l’occasion de l’affaire DSK, et des victimes d’agressions sexuelles commencent seulement à prendre la parole. Ça ne devrait pas durer. Elles devraient d’abord faire taire Elisabeth Guigou, ancienne ministre de la Justice, aujourd’hui députée. Les photos de l’homme menotté auraient été selon elle "d'une brutalité, d'une violence, d'une cruauté inouïes" — elle n’a pas eu un mot pour la victime supposée, qui n’est qu’une statistique. "Un effroyable lynchage planétaire !" a ajouté Jean-Pierre Chevènement, un sénateur de gauche. Repris par le site d'information The Daily Beast, Bernard-Henri Lévy, le camarade philosophe de DSK, a carrément affirmé que la juge avait "fait semblant de penser qu'il était un justiciable comme les autres". Mince alors !
"Tu sais qui je suis ?" aurait lancé DSK en agressant la femme de chambre. Le Figaro et Paris Match ne se sont pas gênés pour donner le nom de la victime supposée, ainsi que celui, pour une raison qui nous échappe, de sa fille de 15 ans [son nom n'est pas mentionné par les médias aux Etats-Unis car interdit par la législation américaine]. Le Figaro a par ailleurs tenu à souligner la taille de la victime — elle est grande — comme pour démontrer que DSK, un nabot, n’était pas en mesure de l’avoir maîtrisée physiquement. L’affaire suit son cours, mais pendant ce temps, à en croire des révélations scandaleuses, des amis du maniaque accusé auraient tenté d’acheter la victime en offrant de l’argent à ses proches, qui vivent dans la misère en Guinée. Fièrement, ils ont refusé.
Je ne peux dire qu’une chose : Dieu merci, c’est en Amérique que Strauss-Kahn va être jugé, pas en France. Je suis fière de vivre dans un pays où la parole d’une femme de chambre pauvre et terrorisée peut être prise au sérieux, et où l’on est en droit de traîner en prison son agresseur présumé, riche et imbu de lui-même. Comme n’importe quel autre criminel.
Andrea Peyser
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