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Réunion de grands flambeurs à Deauville

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  • Réunion de grands flambeurs à Deauville

    Un drôle de "groupe" était réuni jeudi 26 et vendredi 27 mai à quelques pas du casino de Deauville : un club de flambeurs magnifiques, une des plus grandes associations de paniers percés de la planète.

    Car, si l'on veut bien mettre le Canada et la Russie à l'écart, tous les autres membres du fameux G8 rassemblé sur la côte normande ont une caractéristique commune : ils sont massivement endettés, plombés par des ardoises publiques comme on en a jamais vu en temps de paix !
    Producteurs de matières premières, dont les prix sont à la hausse, Canadiens et Russes alignent des comptes à peu près en ordre. Mais les autres, quel tableau de famille !
    Récapitulons : le Japon a une dette publique qui doit approcher les 200 % de son produit intérieur brut (PIB) et, en 2010, un déficit budgétaire qui frôlait les 10 % du PIB ; pour les Etats-Unis, ces chiffres sont respectivement de 90 % et de 9 % ; pour l'Allemagne de 83,2 % et de (seulement) 3,3 % ; pour le Royaume-Uni de 80 % et de 10 % ; pour la France de 81,7 % et de 7 % ; pour l'Italie de 119 % et de 4,6 %.
    Les principaux membres du G8, censés représenter le vieux Nord riche face au jeune Sud émergent, sont dans une situation financière catastrophique. En revanche, si l'on dresse la moyenne de la dette publique chez les grands émergents (Chine, Indonésie, Brésil, Afrique du Sud, etc.), on arrive au chiffre de 34 % du PIB. Nouveau déséquilibre mondial : l'argent est au Sud, la dette au Nord.
    Cet état des lieux montre une des grandes aberrations économiques de l'époque. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, on s'était habitué au contraire : le Nord créditeur gérait la dette du Sud. Or, si des pays doivent s'endetter pour financer les immenses infrastructures dont ils ont besoin, ce sont bien ceux du Sud. De l'Afrique à l'Asie, les investissements, dans les domaines de l'éducation, de la santé, des transports, devraient être massifs. Le Nord, vieillissant et riche, devrait continuer à prêter. Et le Sud à emprunter. Pas le contraire.
    Le cas de la Chine est le plus frappant. Quel est l'étrange mélange d'insécurité et de peur de l'avenir qui pousse Pékin à accumuler près de 3 000 milliards de dollars (2 130 milliards d'euros) de réserves de change ? Pour les deux tiers, ils sont investis en bons du Trésor américains. C'est un placement à faible rendement et qui se déprécie jour après jour. Même si l'on admet que la Chine a surinvesti dans certaines infrastructures, difficile de croire que sa cassette ne serait pas mieux employée ailleurs...
    Côté Nord, les paradoxes ne sont pas moins frappants. Celui-ci, par exemple, qui voit les Européens défendre le maintien de l'un d'eux à la tête du Fonds monétaire international (FMI) au nom de la crise de la zone euro ! On s'était plutôt habitué à voir le FMI aider le Sud à boucler ses fins de mois grâce à la générosité bien comprise du Nord. On évoquera, au choix, un retournement de situation ou un détournement d'institution, mais les faits sont là : le FMI participe largement au sauvetage de l'eurozone.
    Comment en est-on arrivé là ? Il y a l'impact de la crise. Américains et Européens ont eu raison de s'endetter, ces deux dernières années, pour éviter un arrêt plus brutal encore de l'activité. Mieux vaut la dette publique que la dépression. Mais l'endettement massif des Occidentaux précède largement la crise. Seuls 20 % de la dette publique du Nord sont imputables aux mesures anticrises. De même, l'endettement est bien antérieur à l'euro - pas de bouc émissaire.
    Il y a des raisons structurelles. Une bonne partie de l'endettement s'explique dans le contexte de la mondialisation des échanges. La croissance du Sud a eu l'exportation pour moteur : l'image est celle de l'atelier chinois qui fabrique pour le mall américain. D'où, pour beaucoup de pays du Nord, une forte dégradation de leur balance commerciale.
    Comme l'écrit Martin Wolf, journaliste au Financial Times, ces déficits de paiements, dits courants, se transforment en déficits budgétaires (cas de la Grèce) ou en "d'énormes déficits financiers privés (comme en Irlande ou en Espagne) ou une combinaison des deux (comme au Portugal)" (Le Monde Economie du 24 mai).
    Cela n'a pas été sans création de bulles spéculatives. Dans l'ivresse cupide de booms de l'immobilier ou autres, il s'est trouvé des banques pour prêter à des conditions sans cesse plus favorables, c'est-à-dire dans des conditions de risque absolu. Car, on l'oublie trop souvent, la dette est une affaire entre adultes consentants : l'emprunteur et le prêteur ! C'est l'endettement qui nourrit les marchés financiers. Le poids pris par ces derniers dans l'économie correspond à la montée de la dette dans les budgets publics. Les marchés aiment la dette ; ils en vivent.
    Il y a l'idéologie. On cible ici ce keynésianisme de bas étage, véhiculé dans la gauche européenne, qui a neutralisé, banalisé, normalisé la dette : l'endettement public serait bon, par principe ! Mais on pointe aussi, non moins tragiques, les folles théories économiques de la droite américaine, pour laquelle la dette est indifférente.
    "Le déficit n'a pas d'importance", disait l'ancien vice-président Dick Cheney, cependant que son patron, George W. Bush, déclarait deux guerres coûteuses, celles d'Afghanistan et d'Irak, en baissant les impôts ! Faut-il encore incriminer la démocratie d'opinion qui étire sans cesse les limites de l'Etat-providence, donc la dépense publique ?
    A l'arrivée, il y a ce mal pervers, un volume d'endettement qui bride toute marge de relance. La dette pénalise les générations à venir. Elle nourrit la tentation de la fuite inflationniste, donc la baisse du pouvoir d'achat des plus faibles. Elle mine l'Etat-providence. On en parlera aux portes du casino de Deauville - si on laisse entrer les flambeurs...

    Alain Frachon



    Les dirigeants des huit plus grandes puissances économiques , réunis à Deauville les 26 et 27 mai.AFP/PHILIPPE WOJAZER
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    l'argent est au Sud, la dette au Nord.

    aussi
    - le chomage au sud , le travail au nord
    - la pauvreté au sud , la richesse au nord

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