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Romance pour une bataille navale

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  • Romance pour une bataille navale

    Il était une fois, un capitaine, à la tête de deux mille marins qui s’en allèrent vers un archipel lointain. Et revint, chargé de butin et couvert de blessures. Une des plus belles complaintes chaâbies à cheval entre la légende et l’histoire de la marine algérienne.

    Korsane ighennem, chef-d’œuvre chaâbi, est exécuté de façon magistrale par le maître El Hachemi Guerouabi. Le texte est extrait d’une version plus dense de l’auteur peu connu, Mohamed Lahlou. Il signe en mystérieux chiffres abadjis popularisés en 1202 par le mathématicien vénitien Leonardo Fibonacci dans son livre Liber Abacci. C’est une narration d’une époque fastueuse d’Alger. En effet, la forteresse de Sidi Abderrahmane pesait de tout son poids en Méditerranée pour le contrôle des routes marchandes. Le scénario met en scène un épisode de guerre contre les chevaliers de Malte. Le texte simplifié et adapté par le regretté Guerouabi lui-même décrit une audacieuse incursion d’un raïs de «Ribat el Feth» un attribut mérité d’Alger. L’officier anonyme engage une incursion contre Malte à bord d’un «trois-mâts à seize voiles», une version assez ancienne du trois-mâts moderne construit dans les chantiers navals occidentaux à partir du XVIIIe siècle pour tracer vers les Antilles et les Amériques à la vitesse de 20 nœuds.

    L’archipel maltais est un carrefour situé à moins de 100 km de la Sicile et 300 km des côtes tunisiennes. Aussi, c’est un espace très convoité depuis l’époque phénicienne. Il tombe sous la domination de la dynastie berbère des Aghlabide en l’an 827 qui en fait un pays prospère. Il n’est donc pas étonnant que toute la partie sud de l’archipel s’exprime aujourd’hui dans un parler maghrébin. On dit, par exemple, «Festa ta el khedma» pour «fête du travail» ou «youm el miled» pour Noël.

    Bataille historique

    En 1127, l’île retombe sous le contrôle des Normands et rattachée à la Sicile. En mai 1565, Mustapha Pacha, dey d’Alger, tente de reprendre Malte pour sa position stratégique. L’entreprise échoue malgré l’acharnement héroïque des contingents andalous et la perspicacité de Kheir-Eddine Barberousse. L’échec sera le point de départ d’une suite ininterrompue d’attaques portées contre les rivages du pays. Et c’est dans ce décor historique que s’inscrit le cantique de Korsane ighennem. La pièce, produite dans une version de reportage, accorde une certaine prévalence aux détails, les descriptions et la précision dans le vocabulaire technique : sablier, boussole, cabine de pilotage, trajectoires, les assauts après le bombardement «à faire trembler les montagnes, les villes et les terres» (el Kor etkellem, fa3fa3 el m’dayin el djbel wa l’wta) Il est possible que l’auteur fût marin.

    Le talent et la voix mélodieuse d’El Hachemi Guerouabi ont donné du relief et le rythme du conte à ce trésor sorti de l’oubli. On relève, cependant, quelques incohérences dans le texte. Notamment «le nombre de deux mille marins sous les ordres du capitaine» (alfine men el bahrya lih charta), effectif trop nombreux pour un seul navire, même en comptant les forçats attachés à la rame. Ce nombre sous-entend une flotte d’au moins une dizaine de navires pour une expédition sans risques entre Alger et le sud de l’Italie. Il n’y a rien d’étonnant à cela puisque nos «pirates» se sont aventurés jusqu’en Nouvelle-Écosse, en territoire canadien. On a aussi du mal à comprendre les raisons de la halte à Tarifa, dans le sud de l’Espagne (men Dhrifa kala3 wel koum nachta).

    Cherchez la femme…

    L’auteur a fait le choix de sublimer le seul vaisseau amiral, le Korsane non identifié. Mais selon les historiens, notamment Moulay Belhamissi, les bâtiments de guerre, à cette époque, voguaient dans les flots sans identité, à quelques exceptions quand, notamment, la prise du navire est liée à un événement extraordinaire. C’est le cas de la Portugaise, une frégate prise par Mourad Raïs après une rapide bataille navale. La seconde interrogation concerne la modestie du butin au regard de la taille de l’entreprise : un simple enlèvement de jeunes captives (estaat la3djam djat lehdyya men lebnat habta). A cette séquence s’arrête la logique du réalisme pour laisser place à l’enthousiasme lyrique très méditerranéen qui permet tant de risques pour un simple «Enlèvement des Sabines». Cherchez la femme… À écouter attentivement et sans modération.
    Tout systeme logique est nécéssairement incomplet

    Gödel
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