Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Messali Hadj ou les enjeux politiques de la falsification de l'histoire

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Messali Hadj ou les enjeux politiques de la falsification de l'histoire

    Le 6 juin 1974, le père du nationalisme algérien, rentre au bercail dans un cercueil. Il décède quatre jours (le 3 juin) auparavant à Gouvieux, dans l'Oise, département du Nord de la France métropolitaine. Dans ses bagages contrôlés aux frontières de la mémoire, des souvenirs en bribes et des interrogations parsemant ses dépouilles.

    Ceux qui l'attendaient au seuil de l'aéroport, pétrifiés de ce retour solennel et amnésique, d'un proscrit au destin immortel s'indignaient. Nul révolutionnaire sur cette terre béni, mort ou vivant, ne pouvait dès lors prétendre lui ravir une notoriété prescrite par Dieu et étouffée par les gueux, même dans un linceul.

    Messali Hadj n'a jamais été traitre. La traitrise est la vertu des perfides. Elle s'oppose à la morale et aux principes de loyauté à soi, à la nation, au peuple et à tous les sacrifices consentis pour que la liberté de l'Algérie ne soit pas vaine. C'est ce qui fut mené durement, inlassablement et sans interruption par ce monument. L'homme qui consacra sa vie, son œuvre, son temps, ses désirs et ses espérances pour un unique et ultime but : « la libération de l'Algérie ». Cette terre des ancêtres, qui n'était ni à vendre à hypothéquer, avait-il déclaré en 1936 au stade de Belkourt. Cette entorse à l'histoire est un blasphème que nous continuons à payer le prix chèrement aujourd'hui. Ceux qui se sont accaparés la révolution n'en n'on absolument rien fait que de la réduire à sa plus basse échelle.

    Nul n'est prophète chez soi. Cependant, il serait trop léger de faire montre d'insolence outrageante en minimisant jusqu'à l'heure, l'œuvre et la vie de ce géant de la mémoire qui dès son jeune âge s'est épris d'un attachement indéniable à sa terre, sa patrie. Il l'a découvre progressivement en s'attachant aux principes fondateurs, d'abord de la commune de Paris, d'où émergea le slogan républicain de la France, « Liberté, fraternité et égalité », plus tard pervertie. Il a toujours cru en la puissance des peuples. Seules sources révolutionnaires capables de briser les chaines de l'ignominie, de l‘ignorance et des inégalités.

    Pour briser les barrières dressées par le colonialisme contre les héritiers légaux de cette noble terre, il prendra son bâton de pèlerin et commencera une longue marche. A l'aube de chaque événement, il semait des graines de consciences, réveillant les esprits endormis de nos indigènes encore incertains. Il inscrit à l'encre indélébile, l'histoire du mouvement national. Avec des amis, nourris d'une identité aux racines arabo-musulmane, ils créèrent l'Etoile Nord Africaine, en 1927, espérant unir les forces nord africaines contre l'envahisseur.

    Avec Hadj Ali Abdelkader et d'autres compatriotes, Messali Hadj dressera la base d'un programme, bien que plus étendu, se résumant à :

    1) L'indépendance totale des trois pays d'Afrique du Nord «Algérie, Tunisie et Maroc»
    2) L'unité du Maghreb
    3) La terre aux fellahs
    4) Création d'une assemblée constituante au suffrage universel
    5) La remise en toute priorité à l'Etat des banques, des mines, des chemins de fer, des ports et de tous les services publics que détenaient la France.

    Le 10 février de la même année, lors du congrès anticolonial de Bruxelles, il n'hésitera pas à s'indigner dans un discours qu'il prononcera contre le code de l'indigénat et revendiquer haut et fort son attachement à l'indépendance. Fidèle à ses principes de bases, il exposera son programme et résumera ses propos par : « le peuple algérien qui est sous la domination française depuis un siècle n'a plus rien à attendre de la bonne volonté de l'impérialisme français pour améliorer notre sort. » Rien que cela pensaient les détenteurs du pouvoir colonial. Et pourquoi pas les portes de la présidence. L'ENA, fut une prospective qui trainera encore ses pas sans pour autant trouver d'issue favorable depuis sa naissance. L'UMA est dans le comma…

    La puissance des méthodes de division coloniale des peuples a eu raison de cette première tentative. La lutte du grand Maghreb n'a pas pu se faire. Infatigable et résistant, Messali Hadj ouvre une autre brèche beaucoup plus porteuse. Il unit le peuple autour d'un programme et d'une revendication. Ni le manifeste du jeune algérien, ni les idées assimilationnistes de Ferhat Abbas et encore moins les lamentations des oulémas ne sont venues triompher sur l'acuité et l'intelligence de cet homme incomparable. Au moment ou ils versaient dans le chapitre des quémandes de droits et places au soleil sous l'emprise coloniale, Messali égale à lui-même, attaché aux sources de l'islam et de l'arabité, réclamait toujours et encore la liberté de ce peuple et sa terre.

    Dés le 11 mars 1937, date à laquelle certains dirigeants actuels, qui continuent à s'accaparer abusivement le pouvoir du peuple martyr depuis l'indépendance, n'étaient même pas des projets de procréation dans l'esprit de leurs pères, Messali défiait l'autorité coloniale et érigeait son premier espace de revendication, un parti politique digne de ce nom, le Parti du Peuple Algérien (PPA). Le parti qui lui vaudra, la clandestinité et l'emprisonnement à vie. Pas d'assimilation, ni intégration, seul but ultime est l'indépendance. Il fut interdit en 1939 et donnera naissance au plus atroce des massacres qu'à connu l'Algérie depuis 1830. Le génocide de mai 1945. Des militants de grandes envergures furent jetés en prison, torturés, déportés et même coupés en milles morceaux. L'impunité était de mise, les militaires, les milices composées de colons, juifs et maltais, s'adonnaient joyeusement à cette chasse au facies.

    En 1947, il fut libéré sous condition. Il récidive et met en place le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (MTLD), une manière de l'égaliser le PPA. Il faudrait rappeler que le PPA, avait refusé toute collaboration avec le régime de Vichy, bien qu'il soutienne « le manifeste du peuple algérien », qui avait été rejeté par De Gaule. Ferhat Abbas et ses compatriotes s'intégraient déjà dans la quatrième république, tout en s'appropriant sous couvert de l'Union Démocratique du Manifeste Algérien (UDMA), des places à l'assemblée algérienne. Il remportera onze des treize sièges qu'offrait le pouvoir coloniale aux indigènes intégrés.

    Fort de sa représentation populaire à la base, le MTLD, s'accapare à son tour d'une majorité des sièges aux élections municipales. Il devient dès lors la cible privilégiée des autorités coloniales. U n péril à éliminer. Et pour les éradiquer, elle avait recours à la fraude massive, aux emprisonnements et aux intimidations. Trente-six des 59 candidats du MTLD seront arrêtés. S'ouvre alors l'ère de l'organisation spéciale. Cet enfant chéri du PPA, fer de lance de la révolution. L'organisation prends de l'ampleur, elle dessinera progressivement ses plans d'attaques et de défense et se préparera au grand jour. Juste pour mémoire, en mars 1949, Hocine Aït Ahmed, membre de cette organisation secrète, organise le cambriolage de la poste d'Oran qui leur rapporte 3 070 000 francs. Cet argent sera le début du trésor de guerre du FLN.
    .....-........
    Dernière modification par Chegevara, 10 juin 2011, 11h13.
    عيناك نهر من جنون... عيناك أرض لا تخون

  • #2
    L'usurpation de l'histoire

    Des mémoires s'ouvrent aujourd'hui pour ramasser le reste des pièces manquantes de l'histoire d'une usurpation des rôles. De nouveaux témoignages attendus, attesteront progressivement du tort commis contre cet homme qui endurera plus de souffrances que celle supportées par Nelson Mandela. Inversement, si ce dernier été pénard dans sa cellule le long de deux décennies, Messali, subissait les coups et contrecoups de l'internement, la déportation, l'emprisonnement, l'humiliation, la séparation et pour finir l'exil, la proscription, et le manque de reconnaissance émanant amèrement de sa propre fief.

    Il serait prétentieux de pouvoir résumer en quelques lignes toute la grandeur du combat libérateur. Réécrire l'histoire entière de ce pays en berne, sous la lumière Divine, nécessiterait des tonnes et des tonnes de chiffres et de lettres, des heures de labeur mobilisant toute une armée de scribes. Il serait, par ailleurs, dommage et inopportun d'esquiver le poids et la mesure qui s'imposent à l'occasion. Avec une vie tourmentée et des œuvres incontestables, le père de l'ENA, du PPA, du drapeau algérien, du MTLD, de l'OS, du CRUA et du MNA, ne pèserait pas lourdement face à une seule et unique formation circonstancielle, le FLN, venant usurper la primauté de l'œuvre. Se serait une offense à la morale et à la vérité.

    Pour reprendre l'expression de notre moudjahid, Arezki Basta, qu'il livrera prochainement dans un des ses témoignages, « la guerre de libération a été déclenchée en mars 1954, le jour du conflit entre Messali et les centralistes ». Messali a été le premier à défendre l'idée que couvait Larbi Ben M'Hidi : «mettez la Révolution dans la rue le peuple la portera». C'est ainsi que débuta la véritable histoire de la lutte de libération nationale, née par césarienne, d'un conflit entre le chef et ses dirigeants. Après le retrait inattendu de la Tunisie et le Maroc du combat maghrébin, en 1952, pour se consacrer chacun à son propre sort, (deux protectorats et une colonie), en résidence surveillée, Messali se voit refuser par les membres de son bureau l'idée d'une action directe.

    Les réfractaires « centralistes », choyés par Jacques chevalier, abandonnèrent le parcours pour se consacrer aux bas intérêts primitifs de la vie. Après moult tentatives pour les convaincre à reprendre le chemin déjà parcouru, il sera contraint de livrera à la base, qui prendra position avec lui, le secret du conflit. D'ailleurs, le tract du patriote, rédigé par Boudiaf et Bittat témoigne de la déliquescence du revirement usurpateur des véritables rôles de chacun.

    L'histoire, le vrai est en marche. Tel un tsunami dévastateur des usurpations, elle vient grâce à Dieu, balayer autour de nos portes cachères, celles de nos ennemis et des transfuges qui gangrènent l'idéal sacrifice pour lequel nous n'avons même pas eu droit de vivre plus longtemps avec nos pères, oncles, et aïeux. Ecouter leurs mémoires nous raconter leurs gloires. Ils n'avaient pas droit de cité. Des tombes oubliées et des martyrs vivants. Tel est le sort réservé par les arrivistes aux véritables hommes qui façonnèrent notre histoire. La vérité arrive….

    Une révolution injuste

    Les révolutions sont faites par les grands et n'en profitent qu'aux petits. Face à l'opulence des uns et l'outrecuidance des autres à user des biens du peuple comme en use de ses propres acquis, mal acquis, l'Algérie souffre aujourd'hui le martyr d'une spoliation de la mémoire et d'une confiscation de son histoire. Comment faire face à nos enfants, interrogatifs et curieux de savoir qui avait été qui et qui avait fait quoi. Qui a conduit cette libération et qui a réclamé sa paternité. Et dire pour reprendre l'expression d'un philosophe que : « la victoire à 100 pères et la défaite est orpheline ». La libération de l'Algérie n'a pas étalé ses biens faits équitablement à l'ensemble de ses enfants. Elle a par contre consacré le principe cher à la colonisation, « les deux collèges : la famille révolutionnaire et les enfants éternels de chouhada et des moudjahidine en opposition au peuple. Est-ce un droit d'ainesse ou une autre forme d'usurpation qui n'en profite qu'aux incapables. Nous sommes tous des enfants de moudjahidine ayant des oncles et des proches martyrs. Ceci ne nous autorise nullement, en bon musulman, d'usurper un titre pour lequel nous ne tirons aucune gloire ni profit. Car dit l'adage : « être soi même, c'est se prévaloir de ses propres acquis, non faire commerce illicite de ceux de ses parents ».

    Messali a été enterré dans un bain de foule inégalable. La famille n'a même pas eu droit à un avis de décès annonçant son inhumation à Tlemcen. Ils sont pourtant venus de partout lui rendre un dernier hommage. Les jeunes et les moins jeunes, lui faire allégeance de fidélité et de reconnaissance pour son œuvre, son sacrifice et son engagement militant et loyale pour la libération de cette nation. Ne mérite-t-il pas le titre de moudjahid et martyr de la révolution à la place et lieux des milliers d'usurpateurs qui continuent à s'amasser dans les arcanes de la politiques munis d'une attestation communale déclarant leur fausse identité.

    Je conclurais par cette belle et éloquente expression d'Yves Dechezelles, avocat et ami de Messali le décrit dans ses dernières années : «Le vieil homme suivait toujours avec attention passionnée le déroulement des événements à travers le monde, bien que le sort l'ai placé si loin du pouvoir. Mais de la grandeur de ses luttes et de ses épreuves, il avait tiré la philosophie. A la bonhomie malicieuse, au détachement ironique, il savait ajouter pour quelques uns de ses visiteurs, le sourire confiant et complice de l'amitié.» Il serait temps de rendre à César ce qui lui appartient et aux usurpateurs la place qu'ils méritent.

    par M.Boukherissa Kheiredine ..Le quotidien d'oran.
    *Président de la Fondation du 8 mai 45
    عيناك نهر من جنون... عيناك أرض لا تخون

    Commentaire


    • #3
      Messali Hadj et le mouvement nationaliste algérien

      L’occupation anglo-américaine de l’lrak et la résistance irakienne à propulsé de nouveau la question nationale sur les devants de la scène. L’analyse de la nature progressiste ou non des mouvements de libération nationale, les rapports entre le mouvement national et le mouvement ouvrier et avec ses organisations, la place d’idéologies contradictoires telle que la religion et l’attitude des révolutionnaires à l’égard des mouvements de libération nationale sont toutes des questions débattues dans le nouveau contexte de l’lrak occupée aujourd’hui.

      Par Nick Barrett

      Il peut être intéressant de revenir sur des aspects du mouvement de libération en Algérie, et ce par le biais de son fondateur, Messali Hadj, et les organisations qu’il à contribué à construire. D’une part ce n’est que très récemment qu’on à commencé à admettre à une plus grande échelle la brutalité de la colonisation de l’Algérie et de la guerre de libération nationale. La sortie récente du film La bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo en est un symbole. Mais l’analyse du mouvement national algérien peut aussi éclairer les débats actuels par rapport à la lutte de libération nationale.

      L’étoile Nord-africaine
      La première organisation à revendiquer l’indépendance pour l’Algérie est l’étoile Nord-africaine (ENA). Entre 1920 et 1924, 120 000 travailleurs immigrés maghrébins, dont 100 000 Algériens, s’installent en France et pour beaucoup dans la région parisienne. L’ENA est fondée en 1924 parmi les travailleurs immigrés algériens sous l’impulsion du Parti communiste français et suite à une décision du 6e comité exécutif de l’Internationale communiste (IC). Le PCF avait présenté Hadj Ali AbdelKader aux élections législatives de 1924, et il lui manqua seulement 20 voix pour être élu. Selon les rapports de police, le travail du PCF parmi ces travailleurs algériens à porté ses fruits : on estime à 8 000 le nombre de musulmans sympathisants ou adhérents du PCF. Le même rapport les cite comme « les régiments de choc du bolchévisme ». Hadj Ali, un communiste, sera le premier dirigeant de l’ENA. Le Journal de l’ENA l’Ikdam est imprimé par la CGTU (syndicat d’obédience communiste). Messali Hadj rejoint l’organisation en 1926 et deviendra le principal dirigeant du mouvement national algérien pendant 30 ans.

      Le contexte politique est important. Cela se passe sept ans seulement après l’espoir soulevé par la Révolution russe. La crise à la fin de la guerre à vu l’émergence de partis communistes dans la plupart des pays industrialisés, des tentatives de révolution en Allemagne, en Hongrie, en Italie, et des soulèvements dans les colonies. Avec la guerre du Rif, la révolution chinoise en 1925-27, un vent de liberté souffle dans les colonies et semble faire écho au premier congrès des peuples à Bakou en 1920, organisé à l’apogée de l’lnternationale communiste. Mais à partir du milieu de la décennie le mouvement communiste international entre en crise. En Russie la politique du « socialisme dans un seul pays » à pris le pas sur le développement de la révolution mondiale, et l’épuration et la bureaucratisation du parti bolchevik est bien en cours. Au niveau international, les généraux du Kuomintang, soutenus par PIC, occupent Shanghaï en 1927 puis massacrent les ouvriers du parti communiste chinois tuant dans l’œuf la révolution chinoise. La stratégie des partis communistes fut dictée par la nécessité pour Moscou de forger des alliances avec des bourgeoisies et donc de freiner les revendications les plus radicales. Ce tournant marque tout le développement du mouvement nationaliste algérien.

      Radicalisation et rupture
      Messali Hadj émerge comme principal dirigeant de l’ENA en 1926-27, notamment à partir du congrès international de Bruxelles, organisé par TIC. Il développe les revendications centrales pour les peuples opprimés et en particulier pour l’Algérie, opposant celle de l’indépendance totale à celle soutenue par la gauche française d’une autonomie avec un parlement indigène. L’influence internationaliste de la révolution russe est bien présente dans les tentatives de rapprochements avec les organisations du mouvement ouvrier français, notamment le PCF, mais aussi dans la revendication d’indépendance pour la Tunisie et pour le Maroc, et pour l’unité du Maghreb. Cette dernière revendication est aussi un signe précurseur évident du panarabisme de Nasser dans les années 50.

      D’ores et déjà, l’islam, méprisé par le colonisateur, apparaît comme un agent culturel susceptible d’être un facteur d’unité dans la lutte de libération nationale : « la France a laissé les Algériens dans l’ignorance de leur propre religion (...) heureusement le peuple arabe, inspiré par une foi ardente (...) ne pliera jamais devant la force matérielle ». À ce stade, la base sociale de l’ENA ce sont les ouvriers algériens travaillant en France. Le PCF favorise sa construction en fournissant des militants et des moyens financiers (Messali est payé comme permanent pendant plus d’un an par le PCF). Des centaines de musulmans, membres du Parti communiste français s’associent à la construction de l’ENA. Au niveau de la propagande, de l’agitation et des meetings l’organisation s’inspire largement des structures des partis communistes. Mais en 1927, le désaccord sur la revendication centrale d’indépendance ou d’autonomie mène à la rupture avec le PCF. C’est précisément à ce moment que la doctrine du « socialisme dans un seul pays » est adoptée par Staline. Dorénavant sa politique sera conditionnée par la recherche d’alliances avec des bourgeoisies européennes, tout soutien à une révolution dans les colonies est alors à proscrire.

      Atteignant rapidement plusieurs milliers d’adhérents, l’ENA influence largement des dizaines de milliers de travailleurs algériens. Elle est dissoute par l’Etat français en 1929, mais les structures de l’organisation lui permettent de résister à la répression pour réapparaïtre en 1933.

      L’ENA participe activement au front anti-fasciste du 12 février 1934 au nom de la défense de la démocratie, et pour la première fois noue des liens avec la gauche non communiste, notamment l’aile gauche de la SFIO de Pivert et Guérin. Des milliers d’Algériens « indigènes » participent aux manifestations antifascistes qui se déroulent à Alger en 1934.

      Entre 1934 et 1936, la radicalisation des masses à gauche mène à la victoire électorale du Front populaire. Cette nouvelle situation élève l’espoir d’indépendance des Algériens. La polémique « indépendance ou autonomie » revient au premier plan autour du projet Blum-Viollette en 1936. Le gouvernement du Front populaire propose une assemblée indigène avec une forme de suffrage censitaire. Messali et l’ENA rejettent cette réforme car elle créerait des divisions entre riches et pauvres en Algérie, et au sein du mouvement nationaliste. lis réclament l’indépendance totale. Sans le soutien de la majorité de la SFIO et du PCF, l’ENA est de nouveau dissoute, mais cette fois-ci par un gouvernement de gauche.

      L’année 1936 voit aussi la percée de l’ENA en Algérie, les meetings de Messali Hadj sont de véritables moments de mobilisation de masse, alimentant la crise politique au sein du Front populaire sur la question de l’indépendance pour les colonies.

      Du massacre de Sétif à la lutte armée
      Opposant de Vichy, l’ENA maintient néanmoins la revendication d’indépendance. Le mouvement refait surface en 1945 à Sétif. Les manifestations du 8 mai expriment à la fois une défense de la démocratie et l’aspiration à l’in-dépendance. Parmi les revendications on trouve notamment la libération de Messali Hadj, détenu par l’Etat français de Vichy depuis 1941. La répression fait plusieurs dizaines de milliers de morts, et le Parti communiste algérien traite les militants du parti de Messali Hadj d’« agents hitlériens » et réclame qu’ils soient « châtiés conformément aux lois en vigueur ».

      On ne peut pas assez souligner l’importance du tournant de Sétif. Pour beaucoup de jeunes algériens c’est la confirmation que l’indépendance ne peut être acquise que par la force des armes. C’est aussi la raison pour laquelle ils commencent à s’impatienter avec la politique de Messali Hadj qui soulignait la nécessité de compter sur les masses, sans néanmoins exclure pour autant la lutte armée. Enfin, pour les militants nationalistes les évènements de Sétif marquent une rupture quasi définitive avec une part importante de la gauche française.

      La vitrine légale du PPA (Parti populaire algérien) de Messali Hadj, le MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) fondé en 1946, effectue une percée impressionnante lors des élections de 1946. Mais l’obtention d’élus pose un nouveau problème : le danger de cooptation dans le système colonial. Un défenseur de l’Algérie française de l’époque, J.Chavallier, conscient des enjeux, critique en 1956 les tentatives faites pour chasser les élus Messalistes de l’assemblée : « ...tant qu’ils défendaient chez nous leurs idées, avec violence, mais verbalement, ils ne dirigeaient pas les commandos pour la libération de leur pays. »
      The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

      Commentaire


      • #4
        Trois courants commencent à s’afficher au congrès du MTLD en 1953. Le courant réformiste dit centraliste, composé de la majorité des membres du comité central du MTLD, axe sur la bataille électorale. Le courant messaliste qui regroupe la plupart des cadres politiques historiques du mouvement, crée une organisation paramilitaire, l’organisation spéciale (OS), et n’exclut plus la lutte armée. Enfin un courant rassemblant des jeunes favorables à l’insurrection immédiate et qui rejettent les anciennes divisions dans le mouvement. Un premier pas vers ce qui deviendra le FLN est la fondation par Mohammed Boudiaf à l’age de 26 ans du comité révolutionnaire pour l’unité d’action, le CRUA. En 1954, d’autres futurs dirigeants politiques comme Ahmed Ben Bella et Hocine Aït Ahmed le rejoignent. Tous les futurs cadres du FLN passeront par le MTLD.

        Les Messalistes tiennent un congrès à Hornu (Belgique) en 1954 qui confirme la scission et qui décide de préparer une insurrection. Dans les faits le FLN les prendra de vitesse. Hornu est aussi un congrès qui voit des positions politiques s’affirmer et qui seront déterminantes dans la guerre d’indépendance.

        Le FLN et la guerre fratricide
        Ces positions reflètent dans une certaine mesure les mutations en oeuvre dans la société algérienne de l’après guerre. Bien que l’emploi agricole concerne encore 60-70 % de la population, le rôle des villes est de plus en plus important. Une classe ouvrière, d’abord d’origine européenne puis musulmane se développe. La bourgeoisie algérienne naissante est de plus en plus dépendante du rattachement à la France. Stora la décrit comme une bourgeoisie comprador. Cependant, il se développe aussi une petite bourgeoisie urbaine (étudiants, intellectuels, quelques professions libérales) qui commence à articuler des revendications d’indépendance nationale pour leur pays. Les effets de cette différenciation sociale ne sont pas analysés par Messali Hadj ou au mieux abordés de façon empirique sur le moment. Par exemple les critiques du mouvement de Ferhat Abbas, l’union démocratique du manifeste algérien (l’UDMA) ne tient pas compte de sa base sociale. Messali insiste sur l’unité du peuple ou de « peuple-classe » dans la lutte nationale. Le FLN, issu du CRUA, portera le même défaut. Ayant précédé tout le reste du mouvement dans l’action avec l’insurrection du 1er novembre 1954, il devient le centre de la lutte de libération nationale et rallie les communistes algériens, les oulémas et l’UDMA. Aucun de ces courants n’avait comme revendication principale l’indépendance complète de l’Algérie mais ils se rallient au FLN devenu hégémonique et qui bénéficie d’un soutien important à l’étranger, notamment de l’Egypte. Messali refuse de rallier le FLN sans clarification sur les revendications politiques et fonde son propre mouvement de lutte, le MNA (Mouvement national algérien).

        La défaite militaire de la France en Indochine à Dien-Bien-Phu marque un tournant. Deux ans après, la crise de Suez constitue une nouvelle défaite pour l’impérialisme français et propulse Nasser à la tête des mouvements anti-coloniaux, marquant aussi la percée du panarabisme. Nasser (Egypte) et Bourguiba (Tunisie) arment ouvertement le FLN. Celui-ci dispose de moyens considérables mais ses ressources politiques sont faibles et ses cadres sont peu formés et peu expérimentés. Une guerre fratricide se développe entre le FLN et le MNA pour l’hégémonie du mouvement de libération nationale. Ce qui est déjà en jeu est l’après-guerre. Cette rivalité tragique fait des milliers de morts, dont l’épisode le plus connu est le massacre en mai 1957 de 300 villageois de Mélouza soupçonnés de sympathies Messalistes. Beaucoup de cadres du MNA sont aussi assassinés. Comme par exemple Ahmed Bekhat, le premier secrétaire du premier syndicat de travailleurs algériens (USTA) qu’il à fondé en 1956 avec Messali Hadj. En réponse à l’USTA le FLN fonde l’UGTA.

        Les divisions du mouvement nationaliste sont évidemment encouragées par la France, mais les méthodes employées sont de mauvais augure pour la démocratie dans le futur Etat algérien du FLN. Déjà face à la répression de l’armée française le prix payé par les nationalistes algériens en termes de cadres politiques tués était très élevé. Mais la guerre fratricide en a rajouté, laissant la voie ouverte aux hommes avec peu d’expérience politique et plus d’expérience militaire comme Boumédiène.

        La guerre est tellement sanglante que Messali Hadj finit par déclarer qu’il faut négocier avec de Gaulle, renonçant momentanément à la revendication nationaliste de l’indépendance totale. En 1958 il déclare « il y a des ouvertures susceptibles de permettre la création d’un état algérien, pour aller ensuite à un Commomvealth (...) France-Maghreb (...) ». Dans un entretien avec Pierre Lambert de l’organisation trotskyste, l’OCI, il explique : « Il y a la guerre, le flot de sang qui coule (...) Il faut arrêter la guerre. »

        Il revient sur cette position en 1962 pour soutenir de nouveau l’indépendance, mais est totalement marginalisé par le FLN qui devient le seul interlocuteur pour l’Algérie au niveau international. Pour beaucoup de militants du FLN, Messali Hadj a trahi la cause nationale.

        Limites du mouvement national
        La nature de l’ENA/PPA/MTLD/MNA et celle du FLN était la même : un mouvement de libération nationale qui visait à réunir le peuple entier derrière cette revendication.

        Paradoxalement, Messali Hadj, plus politique, à largement sous-estimé l’influence d’abord des intellectuels, des nouvelles classes moyennes en Algérie mais aussi l’impatience de la plus jeune génération marquée non pas par quinze ans de lutte politique patiente mais par le massacre de Sétif et par le manque de solidarité de la part de la gauche française. Le FLN visait à réunir et dominer l’ensemble des organisations anticoloniales. Mais pour cela il lui fallait gommer les différences sociales, par exemple avec les très conservateurs oulémas. Il défendait la lutte armée comme principe pour arracher l’indépendance, et laissait en suspens complet les questions sociales. Vu le niveau de développe-ment du mouvement ouvrier algérien il aurait été difficile d’apporter des réponses aux questions sociales, mais elles auraient pu au moins être posées.

        Le mouvement nationaliste à su forger une idéologie face à l’occupation coloniale. Sa grande faiblesse était l’absence de courants démocratiques et révolutionnaires capables d’argumenter pour une extension sociale de la lutte et de faire face politiquement à la confiscation de la révolution algérienne. Elle eu lieu d’abord en partie par Ben Bella lors de la dissolution du gouvernement provisoire de la république algérienne pendant l’été 1962 et la répression des militants de l’intérieur de la IIIe wilaya (la Kabylie), puis, et avant tout, par le coup d’état de Boumédiène en 1965 qui mettait fin aux expressions démocratiques d’opposition et ouvrait la voie au système étatique dirigé par l’appareil du FLN.

        La gauche française
        La solidarité avec la lutte de libération nationale aurait du être automatique pour la gauche française. Les ravages du stalinisme et le chauvinisme de la social-démocratie ont, au contraire, contribué à isoler l’ENA du mouvement ouvrier français. Le recours de Messali Hadj à l’idée du « peuple-classe » était alors d’autant plus fort, au lieu du développement d’un nouvel internationalisme qui aurait pu s’articuler avec la revendication d’indépendance. Les faiblesses d’analyses politiques de Messali Hadj comme celles des dirigeants du FLN tels que Ben Bella et Boudiaf sont évidentes, bien qu’inégales. Boudiaf et Hocine Aït Ahmed ont refusé de cautionner l’action de Ben Bella en 1962 et se sont exilés, comprenant bien de manière presque prophétique les dangers encourus par la nouvelle république algérienne en termes de démocratie.

        La question de la religion n’a presque à aucun moment été un obstacle au développement du mouvement nationaliste. Pourtant, elle était omniprésente dans les discours des dirigeants nationalistes. C’était la revendication elle-même d’indépendance qui posait problème pour la gauche française.

        Il y avait heureusement des exceptions : les porteurs de valise, une partie de l’extrême gauche, les Jeanson, Sartre, l’UNEF. Mais ils représentaient une minorité.

        L’attitude de la gauche par rapport au FLN lors du tournant vers le terrorisme en 1955 ne pouvait pas non plus se résumer uniquement à une condamnation des attentats, mais devait continuer à développer une solidarité avec la lutte d’indépendance comme question prioritaire. Entre 1924, date de la fondation de l’ENA, et 1962, seule une minorité de la gauche française à su articuler une solidarité juste avec le mouvement nationaliste algérien. Si elle avait été plus importante le coût en termes de vie humaine de la guerre aurait été sans doute moins élevé. En outre, des dialogues établis avec le mouvement auraient encouragé et renforcé des courants démocratiques d’inspiration socialiste et révolutionnaire au sein du mouvement, peut-être en définitive le seul garant d’un processus menant à une véritable libération nationale et sociale.

        C’est le défi qui est posé pour la résistance, complexe et différenciée (sur des bases de classe, d’ethnie ou de religion), à l’occupation anglo-américaine de l’Irak. La responsabilité des courants de gauche dans les pays occidentaux est particulièrement importante.

        Seule une minorité de la gauche française a su articuler une solidarité juste avec le mouvement nationaliste algérien.

        P.-S.

        Une grande partie des notes qui précèdent s’appuient sur l’excellent livre de Benjamin Stora Messali Hadj (1898-1974) Hachette 2004.
        Dernière modification par nacer-eddine06, 10 juin 2011, 12h00.
        The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

        Commentaire

        Chargement...
        X