Nos ancêtres ont utilisé plusieurs supports d’écriture pour conserver et léguer leurs connaissances : tablettes d’argile, largement utilisées en Mésopotamie, papier de papyrus, fabriqué par les anciens Egyptiens, le volumen et le codex en parchemin. Ce furent presque les seuls supports des copistes de l’Antiquité jusqu’à l’apparition du papier en Chine.
A partir du VIIIe siècle, la diffusion de ce support par les Arabes et le développement de son industrie marquèrent un tournant dans l’histoire des sciences. Grâce à un prix abordable par rapport au papyrus et au parchemin, le papier a en effet permis une plus grande production scientifique. C’est ainsi que l’éminent astronome Al Biruni (m. 1048), qui vivait en Asie centrale, écrivait régulièrement et échangeait certains de ses livres avec Abu Al Wafa, qui habitait à Baghdad.
Tous deux ont même réussi à mettre sur pied un programme de mesures qui devait être exécuté, dans chacune des deux villes, à l’occasion d’une éclipse. L’utilisation du papier par les Arabes a donc fortement stimulé la dynamique scientifique. La démocratisation de l’utilisation du papier a aussi permis la multiplication des bibliothèques et la circulation des manuscrits. Les manuscrits précieux, souvent copiés et recopiés à plusieurs reprises, sont aujourd’hui conservés dans les bibliothèques privées ou publiques.
En 1040, la Bibliothèque du Caire comptait à elle seule 6000 manuscrits de mathématiques et d’astronomie, en plus de deux globes célestes, l’un fabriqué par Ptolémée et l’autre par Al Sufi. On estime qu’environ quatre millions d’écrits arabes sont conservés dans les bibliothèques du monde entier. De plus, un même manuscrit peut contenir plusieurs textes indépendants. Toutefois, cela ne représente qu’une modeste partie de ce qui a été réellement produit par les Arabes, car beaucoup d’œuvres importantes en astronomie, et parfois citées par plusieurs bibliographes, sont considérées comme perdues. C’est le cas du commentaire de l’Almageste de Ptolémée (IIe siècle), dû à l’astronome de Ceuta, Ibn Hillal (XIVe siècle). Celui-ci a même mesuré l’obliquité de l’écliptique, mais malheureusement aucun de ses écrits ne nous est parvenu.
C’est le cas également du zij (voir ci-après) de l’astrologue de Kairouan Albohazen (m. 1040) ou de l’original en langue arabe des Tables tolédanes composées par l’illustre astronome andalou Arzachel (1028-1087). Fort heureusement, ces dernières ont été traduites et adaptées même aux méridiens de nombreuses villes européennes comme Londres, Marseille, Paris, Pise, Toulouse… Quels étaient, à l’époque médiévale, les textes mathématiques et astronomiques fondamentaux qui circulaient dans l’Occident musulman ? En astronomie, citons l’Almageste de Ptolémée et le Siddhanta attribué au mathématicien et astronome indien Brahmagupta (598-670). (…) Notons que c’est à Tolède, au cours du XIIe siècle, qu’ont été traduits de l’arabe au latin les principaux textes d’astronomie : l’Almageste de Ptolémée, par Gérard de Crémone (1114-1187), vers 1175.
On y compte aussi : Les Eléments d’astronomie d’Alfraganus, un abrégé non mathématique de l’astronomie de Ptolémée, traduit par John de Séville au début du XIIe siècle et, un peu plus tard, par Gérard de Crémone ; Le Livre de la cosmologie d’Alpetragius traduit par Michael Scot en 1217. Ces traductions sont aussi une confirmation de la présence de tous ces ouvrages en Occident musulman. C’est dans ce foisonnement scientifique sans précédent que se développèrent de riches collections de manuscrits dans les grands centres urbains comme Bougie (Béjaïa), Cordoue, Kairouan, Tolède, Tunis… Les collections les plus importantes furent fondées et entretenues par les princes eux-mêmes, soit dans les palais, soit dans les grandes mosquées.
L’une des plus importantes est la bibliothèque royale de Bougie qui contient des livres rapportés des contrées les plus lointaines. Un autre exemple, non moins important, est la collection de 36 000 volumes rassemblés par le prince de Tunis, Abu Zakaria (m. 1249). Gustave Le Bon précise dans son ouvrage La Civilisation des Arabes (1884) que rien qu’en Espagne, il y avait 70 bibliothèques publiques. Celle du khalife Al Hakem II, à Cordoue, contenait, d'après les auteurs arabes, 600 000 volumes, dont 44 pour le catalogue seulement ! Après la chute de la dernière ville andalouse (Grenade), en 1492, de nombreux manuscrits semblent avoir été récupérés par les princes du Maghreb.
Le célèbre voyageur du XVIe siècle, connu sous le nom de Léon l’Africain, a rencontré, à Alger, un émissaire qui a acheté à Jativa près de 3000 manuscrits.
Les collections de manuscrits du Maghreb se trouvent aujourd’hui dans les bibliothèques publiques, les fonds d’instituts d’enseignements traditionnels et des collections privées. Les grandes bibliothèques publiques possèdent des manuscrits qui couvrent plusieurs disciplines du savoir : religion, théologie, mathématiques, astronomie… La Bibliothèque nationale de Tunisie comprend 22 845 volumes manuscrits (près de 40 000 titres), le fonds manuscrit de la Bibliothèque générale et archives du Maroc, à Rabat, se compose de 12 000 volumes renfermant plus de 30 000 titres, la Bibliothèque royale de Rabat renferme 11 000 manuscrits et enfin, la Bibliothèque nationale d’Alger conserve environ 6000 manuscrits. Les instituts d’enseignements traditionnels sont principalement les zaouias et les mosquées. L’un des fonds les plus importants est celui de la bibliothèque Al Qarawiyin à Fès, qui dispose actuellement de 6000 manuscrits.
Citons également la bibliothèque Al Qassimiya de la zaouia d’Al Hamil, située à 250 km au sud d’Alger et qui dispose, sur uniquement 800 traités répertoriés, de 13 ouvrages d’astronomie. Certaines familles possèdent également des collections de manuscrits héritées de leurs aïeux, souvent d’une valeur inestimable. C’est le cas de la Khizana de Cheikh Lmuhub, découverte par le Gehimab (Groupe d’études sur l’histoire des mathématiques à Bougie médiévale) en 1994. Sur les 300 ouvrages conservés dans cette bibliothèque, plus d’une vingtaine concernent l’astronomie. N’ayant jamais été l’objet d’un réel intérêt, la majorité des manuscrits en question sont mal conservés et n’ont, à l’heure actuelle, jamais été totalement recensés.
De plus, peu ont bénéficié d’un traitement pouvant les empêcher de se détériorer. Les anciens avaient besoin de suivre le mouvement des astres pour fonder, sur leurs positions, les prédictions de l’astrologie judiciaire. D’où la nécessité de disposer de tables permettant de calculer la position du Soleil, de la Lune et des cinq planètes alors connues. Les manuels d’astronomie, dotés de telles tables, sont connus sous le nom générique de zij. Le zij d’Ibn Ishaq, de Tunis (XIIIe siècle), est le premier d’une série de travaux astronomiques maghrébins de ce type, où l’influence de l’œuvre de l’astronome de Tolède Al Zarqali (Arzachel) est manifeste.
La suite...
A partir du VIIIe siècle, la diffusion de ce support par les Arabes et le développement de son industrie marquèrent un tournant dans l’histoire des sciences. Grâce à un prix abordable par rapport au papyrus et au parchemin, le papier a en effet permis une plus grande production scientifique. C’est ainsi que l’éminent astronome Al Biruni (m. 1048), qui vivait en Asie centrale, écrivait régulièrement et échangeait certains de ses livres avec Abu Al Wafa, qui habitait à Baghdad.
Tous deux ont même réussi à mettre sur pied un programme de mesures qui devait être exécuté, dans chacune des deux villes, à l’occasion d’une éclipse. L’utilisation du papier par les Arabes a donc fortement stimulé la dynamique scientifique. La démocratisation de l’utilisation du papier a aussi permis la multiplication des bibliothèques et la circulation des manuscrits. Les manuscrits précieux, souvent copiés et recopiés à plusieurs reprises, sont aujourd’hui conservés dans les bibliothèques privées ou publiques.
En 1040, la Bibliothèque du Caire comptait à elle seule 6000 manuscrits de mathématiques et d’astronomie, en plus de deux globes célestes, l’un fabriqué par Ptolémée et l’autre par Al Sufi. On estime qu’environ quatre millions d’écrits arabes sont conservés dans les bibliothèques du monde entier. De plus, un même manuscrit peut contenir plusieurs textes indépendants. Toutefois, cela ne représente qu’une modeste partie de ce qui a été réellement produit par les Arabes, car beaucoup d’œuvres importantes en astronomie, et parfois citées par plusieurs bibliographes, sont considérées comme perdues. C’est le cas du commentaire de l’Almageste de Ptolémée (IIe siècle), dû à l’astronome de Ceuta, Ibn Hillal (XIVe siècle). Celui-ci a même mesuré l’obliquité de l’écliptique, mais malheureusement aucun de ses écrits ne nous est parvenu.
C’est le cas également du zij (voir ci-après) de l’astrologue de Kairouan Albohazen (m. 1040) ou de l’original en langue arabe des Tables tolédanes composées par l’illustre astronome andalou Arzachel (1028-1087). Fort heureusement, ces dernières ont été traduites et adaptées même aux méridiens de nombreuses villes européennes comme Londres, Marseille, Paris, Pise, Toulouse… Quels étaient, à l’époque médiévale, les textes mathématiques et astronomiques fondamentaux qui circulaient dans l’Occident musulman ? En astronomie, citons l’Almageste de Ptolémée et le Siddhanta attribué au mathématicien et astronome indien Brahmagupta (598-670). (…) Notons que c’est à Tolède, au cours du XIIe siècle, qu’ont été traduits de l’arabe au latin les principaux textes d’astronomie : l’Almageste de Ptolémée, par Gérard de Crémone (1114-1187), vers 1175.
On y compte aussi : Les Eléments d’astronomie d’Alfraganus, un abrégé non mathématique de l’astronomie de Ptolémée, traduit par John de Séville au début du XIIe siècle et, un peu plus tard, par Gérard de Crémone ; Le Livre de la cosmologie d’Alpetragius traduit par Michael Scot en 1217. Ces traductions sont aussi une confirmation de la présence de tous ces ouvrages en Occident musulman. C’est dans ce foisonnement scientifique sans précédent que se développèrent de riches collections de manuscrits dans les grands centres urbains comme Bougie (Béjaïa), Cordoue, Kairouan, Tolède, Tunis… Les collections les plus importantes furent fondées et entretenues par les princes eux-mêmes, soit dans les palais, soit dans les grandes mosquées.
L’une des plus importantes est la bibliothèque royale de Bougie qui contient des livres rapportés des contrées les plus lointaines. Un autre exemple, non moins important, est la collection de 36 000 volumes rassemblés par le prince de Tunis, Abu Zakaria (m. 1249). Gustave Le Bon précise dans son ouvrage La Civilisation des Arabes (1884) que rien qu’en Espagne, il y avait 70 bibliothèques publiques. Celle du khalife Al Hakem II, à Cordoue, contenait, d'après les auteurs arabes, 600 000 volumes, dont 44 pour le catalogue seulement ! Après la chute de la dernière ville andalouse (Grenade), en 1492, de nombreux manuscrits semblent avoir été récupérés par les princes du Maghreb.
Le célèbre voyageur du XVIe siècle, connu sous le nom de Léon l’Africain, a rencontré, à Alger, un émissaire qui a acheté à Jativa près de 3000 manuscrits.
Les collections de manuscrits du Maghreb se trouvent aujourd’hui dans les bibliothèques publiques, les fonds d’instituts d’enseignements traditionnels et des collections privées. Les grandes bibliothèques publiques possèdent des manuscrits qui couvrent plusieurs disciplines du savoir : religion, théologie, mathématiques, astronomie… La Bibliothèque nationale de Tunisie comprend 22 845 volumes manuscrits (près de 40 000 titres), le fonds manuscrit de la Bibliothèque générale et archives du Maroc, à Rabat, se compose de 12 000 volumes renfermant plus de 30 000 titres, la Bibliothèque royale de Rabat renferme 11 000 manuscrits et enfin, la Bibliothèque nationale d’Alger conserve environ 6000 manuscrits. Les instituts d’enseignements traditionnels sont principalement les zaouias et les mosquées. L’un des fonds les plus importants est celui de la bibliothèque Al Qarawiyin à Fès, qui dispose actuellement de 6000 manuscrits.
Citons également la bibliothèque Al Qassimiya de la zaouia d’Al Hamil, située à 250 km au sud d’Alger et qui dispose, sur uniquement 800 traités répertoriés, de 13 ouvrages d’astronomie. Certaines familles possèdent également des collections de manuscrits héritées de leurs aïeux, souvent d’une valeur inestimable. C’est le cas de la Khizana de Cheikh Lmuhub, découverte par le Gehimab (Groupe d’études sur l’histoire des mathématiques à Bougie médiévale) en 1994. Sur les 300 ouvrages conservés dans cette bibliothèque, plus d’une vingtaine concernent l’astronomie. N’ayant jamais été l’objet d’un réel intérêt, la majorité des manuscrits en question sont mal conservés et n’ont, à l’heure actuelle, jamais été totalement recensés.
De plus, peu ont bénéficié d’un traitement pouvant les empêcher de se détériorer. Les anciens avaient besoin de suivre le mouvement des astres pour fonder, sur leurs positions, les prédictions de l’astrologie judiciaire. D’où la nécessité de disposer de tables permettant de calculer la position du Soleil, de la Lune et des cinq planètes alors connues. Les manuels d’astronomie, dotés de telles tables, sont connus sous le nom générique de zij. Le zij d’Ibn Ishaq, de Tunis (XIIIe siècle), est le premier d’une série de travaux astronomiques maghrébins de ce type, où l’influence de l’œuvre de l’astronome de Tolède Al Zarqali (Arzachel) est manifeste.
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