Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Josef, Claude Sixou.

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Josef, Claude Sixou.

    Une figure emblématique du mouvement national nous quitte. C’est comme étudiant à l’Ecole supérieure d’aéronautique, en France, dont il sort ingénieur que Joseph, Claude Sixou prend conscience de son algérianité. Commence alors son combat contre le colonialisme, pour une Algérie plurielle, multiculturelle et multiéthnique.


    Originaire de Tiaret, il est avec Kaïd Ahmed, futur membre de l’état-major de l’ALN, un des animateurs du comité local du Front algérien pour la défense et le respect des libertés, une expérience unitaire qui rassembla en août 1951, tous les partis algériens. Lorsqu’intervient en novembre 54 l’appel aux armes, Sixou, qui militait en France au Parti communiste, formula des réserves sur l’analyse qu’en fit sa direction et se rapprocha du FLN. En liaison avec la Fédération de France que dirigeait alors Mohamed Lebdjaoui, membre du CNRA, il crée fin 1956 avec une dizaine d’intellectuels dont le Dr Pierre Benkemoun, Jean Allouche, Pierre Attal, André Akoun, le Comité des juifs algériens pour l’indépendance de l’Algérie.

    Son sursis d’étudiant venant à expiration, Joseph Sixou adresse une lettre au président français, René Coty, pour l’aviser qu’il ne répondra pas à l’appel de l’armée pour accomplir le service militaire. Déserteur, il rejoint Tunis et se met au service de la direction du FLN. Il collabore avec le Dr Francis, ministre des Finances, pour l’étude des dossiers économiques en prévision des négociations avec la France. Après les accords d’Evian, son expertise le signale à l’attention de Abdesslam Belaïd, qui, en charge de l’Economie à l’Exécutif provisoire, lui confie le dossier pétrolier.

    L’indépendance venue, Sixou fait partie du cabinet de Bachir Boumaza et recrute à la direction de l’énergie nombre de cadres dont Sid Ahmed Ghozali. Le vote d’un code de la nationalité qui fait des patriotes non- musulmans des «minoritaires de service», selon l’expression utilisée par le Dr Pierre Chaulet dans un document adressé à Ferhat Abbas le 12 août 1960, blessa ses sentiments.
    Le président Ferhat Abbas, auprès duquel il émit une protestation, le reçoit pour le rassurer et lui dit : «Sixou ce n’est pas toi que le code vise.» Le mal était fait et il pèsera lourdement sur le devenir et les orientations de l’Algérie indépendante.
    Adversaire d’un socialisme autoritaire, partisan de l’autogestion, Sixou comprit, après le 19 juin, que l’Algérie faisait des choix qui la menaient à l’impasse. Il continua à la servir comme cadre supérieur et participa à l’aventure de la Société nationale de sidérurgie aux côtés de Mohamed Lyassine. Le statut d’exilé de l’intérieur ne lui convenait pas. Il quitte l’Algérie après mon évasion qu’il a aidée à préparer. Nous nous sommes rencontrés en 1953 dans la lutte pour la création d’un syndicat étudiant ouvert à tous les patriotes sans distinction de confession.

    Depuis cette date, nous avons emprunté le même chemin. Il fut mon compagnon. Je fus le sien. Ensemble nous avons à Révolution africaine (1963-1964), puis à la revue Soual que nous avons créée ensemble et dont il a été le directeur, essayé de faire connaître, dans le champ algérien, la pensée critique. Nous avons évolué dans la difficulté, anathémisés par les «intellectuels faussaires», de pompiers toujours prêts à éteindre l’enthousiasme des combattants de la liberté au nom du réalisme. Joseph, Claude Sixou a été notre oxygène pendant les années de plomb. C’était l’homme des convictions inébranlables. Ses contradicteurs le redoutaient car ils le savaient matériellement désintéressé. Sa rigueur intellectuelle et son sang-froid vont nous manquer. Penser qu’il n’est plus là est difficile à accepter.
    - Mohamed Harbi. Historien (El watan du 15.06.2011)



    Je ne répondrai pas*

    Monsieur le président de la République française,
    Le sursis qui m’avait été accordé par l’autorité militaire pour terminer mes études venant à expiration, je dois être appelé incessamment pour accomplir le service militaire. J’ai le devoir de vous informer que je ne répondrai pas aux convocations qui pourraient m’être adressées et de vous expliquer en détail les raisons de mon attitude : Je suis né à Tiaret, en Algérie, le 11 juin 1931 et j’y ai vécu plus de vingt ans de ma vie. Très tôt, j’ai eu l’occasion de vérifier personnellement la fausseté de l’affirmation des gouvernements français selon laquelle l’Algérie serait une province française. C’est lorsque je vins en France pour la première fois et que je liais connaissance avec des démocrates français que j’ai commencé à prendre conscience qu’il y avait des causes profondes aux maux dont souffrait ma patrie : j’acquis la conviction qui ne s’est nullement démentie par la suite qu’il était possible de construire une Algérie libre, heureuse à condition d’abattre l’odieux régime colonial qui lui avait été imposé voilà plus de cent vingt ans.
    Il m’apparut que mon devoir était d’œuvrer à hâter la venue de cet heureux événement. Il n’en fallut pas plus au ministre de l’Air en exercice pour m’exclure sous un prétexte futile dû à mon inexpérience de l’Ecole nationale supérieure de l’aéronautique où j’avais été admis après trois années de préparation à un concours difficile. Je suis retourné dans mon pays où j’ai exercé pendant un an le métier de maître auxiliaire d’enseignement au collège de Tiaret ; aujourd’hui quelques-uns parmi les meilleurs de mes élèves musulmans sont militaires au collège de Tiaret ; aujourd’hui quelques-uns parmi les meilleurs de mes élèves musulmans sont militaires dans l’Armée de libération nationale. L’année suivante, j’ai suivi les cours de la faculté des sciences d’Alger : c’est là, à la Maison des étudiants musulmans que j’ai lié quelques-unes de ces amitiés qui comptent dans la vie d’un homme ; de mes amis, les uns sont déjà glorieusement tombés pour leur patrie, les autres sont dans la lutte.
    C’était pour moi la première fois que je me trouvais mêlé aussi intimement aux masses profondes de mon peuple sur la seule base où la rencontre était possible, sur la base de l’anti-colonialisme. En deux ans, je fis dans cette voie des progrès extraordinaires : cette carapace d’incompréhension qu’on avait accumulée entre deux communautés sœurs fondait comme neige au soleil de l’estime réciproque : je redécouvrais les multiples affinités qu’un siècle d’une politique d’assimilation forcenée n’avait pu faire disparaître, je découvrais et cela, croyez-le bien, cela sera porté au terrible dossier d’accusation du colonialisme français, que j’avais une patrie, que je n’en avais qu’une et que j’avais été incapable de la voir pendant plus de vingt ans… En septembre 1954, en application d’une loi d’amnistie (qui, d’ailleurs, avait été votée principalement en vue de réhabiliter certains collaborateurs), je fus réadmis à l’Ecole nationale supérieure de l’aéronautique. Dans les conditions qui étaient celles de l’Algérie à cette époque, il était de mon devoir de revenir en France pour y étudier afin de préparer à ma patrie un de ces cadres techniques dont elle aura un si urgent besoin dans un proche avenir. Comme des millions d’Algériens, j’ai accueilli les nouvelles du 1er Novembre 54 avec un indicible sentiment de joie et de fierté : il me semblait que j’attendais ce jour depuis la défaite d’Abdelkader.

    En vérité, il ne s’y mêlait qu’une seule appréhension, celle de voir ces hommes valeureux se faire massacrer jusqu’au dernier (comme cela est déjà arrivé tant de fois) avant d’avoir pu grouper derrière eux l’ensemble du peuple algérien. Je n’ai jamais dissimulé ces sentiments dans la mesure où j’estimais que leur manifestation contribuait à approcher l’heure où cesserait cette tuerie «imbécile et sans issue» pour la France. C’est ce qui me valut, sans doute, les dernières mesures des services de la Sécurité Air : annulation de mon contrat de travail à la Snecma et radiation de la liste des promus au grade de sous-lieutenant de réserve sanctionnant les cours de l’instruction militaire obligatoire où j’avais obtenu des notes suffisantes (…)
    Si je vous ai exposé en détail toutes les raisons personnelles de mes actes, Monsieur le président de la République, c’est qu’il se trouve en France des gens pour dénier aux Algériens non- musulmans tout sentiment de patriotisme : ils trouvent plus commode de les affubler du nom de traître alors que comme il ressort clairement de ce que je vous ai exposé, la véritable traîtrise serait pour moi d’agir d’une autre façon ; c’est aussi parce que, Algérien de culture française, j’ai toute raison de m’inquiéter de la détérioration croissante des rapports franco-maghrébins. Je désire passionnément une collaboration amicale et fructueuse dans tous les domaines entre la France et l’Algérie ; mais ni moi ni aucun autre patriote algérien n’acceptera jamais plus que cette association, soit celle du cavalier et du cheval.
    C’est pourquoi, avant qu’il ne soit trop tard, dans l’intérêt du peuple français aussi bien que dans celui du peuple algérien, dans l’intérêt même des Français qui vivent de leur travail en Algérie, il faut reconnaître l’indépendance.

    *Lettre de Joseph, Claude
    Sixou publiée par l’hebdomadaire tunisien L’Action dirigé par Bechir Ben Yahmed dans son édition du lundi 2 décembre 1957


    Mohamed Harbi (El watan du 15.06.2011)

  • #2
    Un homme d'honneur et de fortes convictions.

    Paix à son âme !

    Commentaire


    • #3
      ...pour une Algérie plurielle, multiculturelle et multiéthnique.
      Un rêve qui a définitivement pris fin, dès « l’indépendance» acquise...
      Écrire l’Histoire, c’est foutre la pagaille dans la Géographie...

      Commentaire

      Chargement...
      X