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Une ville antique sous une décharge publique

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  • Une ville antique sous une décharge publique

    Lorsque furent découvertes des poteries antiques puis des pans de muraille dans une région située à l’est de Boumerdès, on était loin de penser qu’une ville antique était là, recouverte par des tonnes de terre séculaires sur lesquelles une décharge municipale a été louée par l’APC auprès d’un propriétaire privé.

    L’inspection de l’environnement, la gendarmerie et l’APC ont été saisies par l’Association pour la protection du patrimoine, Souiga, qui a étudié quelques morceaux de ces pierres remontant loin dans l’histoire. Mais en vain. Le lieu prête à penser que réellement toute une ville antique se cache sous cet amoncellement de terres non loin des mausolées du cheikh Boumerdassi (1 500). Celui-là qui est considéré comme le père fondateur de toute la région de Boumerdès. Bien plus, si on rattache ces investigations archéologiques avec celles d’autres régions de la wilaya comme Zemmouri, Legata, Bordj Menaïel, Dellys, pour ne citer que celles-là, une reconstitution d’un puzzle historique va permettre une lecture pour le moins inattendue et aux conséquences scientifiques multidisciplinaires les plus époustouflantes. D’abord, il y a la région de Zemmouri où l’existence de grottes préhistoriques et la découverte de silex appartenant à l’âge de pierres révèlent que des tribus préhistoriques ont peuplé cette région. Par la suite, d’autres civilisations vont la marquer de leurs empreintes. Il y eut des phéniciens qui en firent un important comptoir de négoces avec les autochtones en raison des richesses naturelles en vivres (légumes, blé…) dont la région se targuait et que prouve l’existence d’un silo de blé. Au XXe siècle, Ibn Haouqal raconte que l’importance de ce marché économique faisait appeler la région Marsa Edadjadj (Port aux poules). Au XIe siècle, elle devint, selon El Bakri, Rusubikari sous le règne romain. La découverte d’une nécropole romaine avec une salle de culte et une chambre des visiteurs qui attestent de la présence d’un gouverneur (consul ?) lui prête un statut administratif important. Par la suite, une mosquée y fut érigée. L’ère numide lui a donc conservé ce statut administratif privilégié, au point de nommer un représentant de l’empire. Au XIIe siècle, El Idrissi décrit sa richesse mais relève que la population était rare. Si on descend vers les récifs, on s’aperçoit que le comptoir phénicien est remonté à la surface suite au séisme du 21 mai 2003. La plaque africaine ayant repris son ascendant sur la plaque tectonique européenne. Ce phénomène vient confirmer que Zemmouri était une presqu’île avec trois murailles. Mais un séisme violent a dû se produire en 1100, selon El Idrissi. Cela explique la subsistance d’une seule muraille en XIIIe siècle (correspondant au VIIe de l’hégire) telle que l’a décrite Yacourt El Hamaoui, durant la période de l’influence andalouse. Mais le cas de la ville antique enfouie sous une décharge n’est pas isolé. Non loin de Legata – commune limitrophe de Boumerdès – à Oued Ben H’sine plus exactement, des morceaux de piliers, de pierres, du bétonnage et le trône d’un chapiteau attestent, si besoin est, de l’existence d’une ville antique sous une colline et dont l’origine serait punique puis romaine. Heureusement, cette colline n’est pas encore polluée. La thèse d’un violent séisme ayant détruit la région se vérifie également un peu plus au sud de Boumerdès vers Tidjelabine. Là également, les vestiges du Ksar El Bey Debbah sont marqués par une catastrophe naturelle. Un peu plus à l’est, Taourga vient de faire la découverte de son premier cordon ombilical avec l’antiquité. Un glissement de terrain a mis à nu une nécropole datant de la civilisation numide. Un sarcophage romain avec une salle et des céramiques rappellent les rites mortuaires. Mais l’aménagement d’une chambre dans une grotte et la découverte d’un moulin à olives primitif suggèrent que d’autres pans de l’histoire restent à percer. Toujours après le séisme du 21 mai 2003, d’autres grottes préhistoriques sont apparues à Skhiret entre Boumerdès et Zemmouri, ou plus exactement ce qu’on appelait anciennement Port aux poules, qui était aussi un comptoir phénicien de la période anté-islamique, au temps du négoce à travers la route des Indes. Le phare antique du Figuier marque de son côté l’importance commerciale de la région dans les temps reculés. Jusqu’à l’intérieur du pays vers Bordj Menaïel et Thénia, des vestiges parfois intacts, comme le bassin et les fontaines romaines constituent un livre ouvert sur une remontée à travers les siècles. Mais faut-il toujours attendre le Mois du patrimoine pour tirer la sonnette d’alarme devant les atteintes à la mémoire d’un peuple ? Dans le meilleur des cas, c’est une clôture qu’on érige pour protéger le site archéologique. Combien d’années se déroulent pour qu’une prise en charge effective n’intervienne ? N’est-il pas temps de réfléchir à des formules plus souples et plus disponibles pour que de pareils trésors soient préservés ?

    - La nouvelle republique
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