Pourquoi je rejette la Constitution Mohammed VI
Posted: 17 Jun 2011 03:52 PM PDT
Bien qu’apportant quelques améliorations, le projet de la nouvelle constitution dévoilé aujourd’hui reconduit presque à l’identique l’architecture institutionnelle du pays. Il n’est à la hauteur ni des attentes ni de la nouvelle donne régionale.
Cette réforme était condamnée à l’impasse dès sa genèse. « Octroyée » par le Roi Mohammed VI, et délimitée dans ses contours par son discours du 9 mars, la réforme de la constitution a été conduite selon une méthode anti-démocratique contrairement à ce qui affirmait le roi dans son discours de ce soir. Qu’il soit permis de le signaler. La commission ad-hoc chargée de préparer la révision a été concoctée par le roi et composée essentiellement d’hommes et de femmes dont la loyauté était acquise au Roi. Le palais, sourd et aveugle, a choisi d’ignorer royalement la contestation de ceux qui l’ont poussé à réformer et d’appuyer sa démarche sur une classe politique vieillissante et inféodée qui de toute façon n’en était pas demandeuse. Il a fait fi de la contestation du mouvement 20 février qui a rejeté cette démarche imposée et considéré que les conditions nécessaires à l’élaboration d’une constitution démocratique ne sont pas réunies. Sûr et arrogant, le pouvoir s’est entêté dans sa démarche ce qui fera sans doute perdre au pays beaucoup de temps. La démarche « consultative » a tourné au mélodrame quand la commission a refusé aux chefs de partis un accès au projet en cours d’élaboration, se résignant au final à leur laisser 24 heures pour apporter leurs remarques. Cette réforme a été élaborée en catimini sans réelles concertations et sous le cadrage strict du conseiller politique du roi. C’est un constat.
Droit dans ses bottes le palais est allé jusqu’au bout de sa logique. Au final tout le monde a été mis devant le fait accompli, d’autant plus que le projet de constitution sera soumis au vote dans son ensemble et non article par article. Le résultat de ce processus est dès lors décevant.
En outre, et ce n’est pas l’aspect le moins révoltant, les travaux de la commission imposée par le roi se sont accompagnés de pratiques qui ont, à mon sens, décrédibilise définitivement l’initiative du roi. Les médias publics n’ont pas été ouverts aux contestataires, aucun symbole de corruption n’a été traduit devant la justice, le palais et les proches du pouvoir n’ont pas levé leurs mains sur l’économie, sans parler de la répression sanglante qui s’est abattue sur les manifestants durant les dernières semaines, ni à l’atteinte du droit à la libre expression symbolisée par l’emprisonnement pour délit d’opinion du directeur du premier groupe de presse écrite au Maroc. Au fond pendant qu’il promettait la démocratie, le pouvoir montrait sur le terrain avec un cynisme incroyable qu’il n’entendait pas changer et que ses pratiques détestables ne sont pas prêtes de cesser, nouvelle constitution ou pas. Même avec la meilleure volonté du monde, il était pratiquement impossible de donner crédit au pouvoir dans sa volonté des réformes.
Si l’on veut trouver du mérite au projet de constitution annoncé aujourd’hui, on dira qu’il aura au moins facilité la tâche de tout le monde, confortant le front de refus dans son scepticisme et ceux qui ne se rangeaient pas du côté du changement dans leurs positions.
A la lecture de la constitution Mohammed VI la première chose qui vient à l’esprit est celle-ci : tout ça pour ça... ! Nous y voilà donc : un projet de constitution qui botte en touche.
Tout d’abord, il est à porter au projet présenté par le roi aujourd’hui, certaines avancées. Le préambule de la Constitution, bien que lyrique et plein de bons sentiments, reconnait pour la première fois la diversité, culturelle et de l’héritage, de la société marocaine. Les dispositions générales reconnaissent l’Amazigh comme langue officielle répondant ainsi à une revendication historique des régions du nord. La constitution garantit dans son texte un certain nombre de droits et libertés à commencer par le droit à la vie et la liberté d’expression. On ne peut s’empêcher en lisant ces articles de penser que la constitution actuelle garantit déjà sur le papier un certain nombre de ces droits et libertés sans qu’ils soient réellement mis en œuvre. Le drame de cette constitution est que même dans ses avancées, elle n’est pas crédible tant les pratiques du pouvoir la vide de toute substance. On pourra également souligner le chapitre réservé à la justice qui réaffirme l’indépendance de la magistrature, redéfinit la composition du Conseil Supérieur de l’Autorité Judicaire et abolit les tribunaux d’exception. Comme on pourra souligner l’interdiction dans le texte de la constitution de la torture et l’atteinte à l’intégrité physique des citoyens.
Ces principes faisaient déjà objet d’un large consensus national, hormis peut-être la constitutionnalisation de la langue amazighe et certains afflux de l’identité marocaine, ils s’imposaient à la commission du roi qui n’avait finalement qu’à les transcrire dans le texte. Avec un certain sens de l’équilibre ménageant les conservateurs en ne parlant pas de la liberté de conscience et réconfortant les progressistes en constitualisant l’égalité homme/femme . Toutes les composantes du corps social sont ainsi neutralisées sagissant des sujets de société.
A Suivre ....
Posted: 17 Jun 2011 03:52 PM PDT
Bien qu’apportant quelques améliorations, le projet de la nouvelle constitution dévoilé aujourd’hui reconduit presque à l’identique l’architecture institutionnelle du pays. Il n’est à la hauteur ni des attentes ni de la nouvelle donne régionale.
Cette réforme était condamnée à l’impasse dès sa genèse. « Octroyée » par le Roi Mohammed VI, et délimitée dans ses contours par son discours du 9 mars, la réforme de la constitution a été conduite selon une méthode anti-démocratique contrairement à ce qui affirmait le roi dans son discours de ce soir. Qu’il soit permis de le signaler. La commission ad-hoc chargée de préparer la révision a été concoctée par le roi et composée essentiellement d’hommes et de femmes dont la loyauté était acquise au Roi. Le palais, sourd et aveugle, a choisi d’ignorer royalement la contestation de ceux qui l’ont poussé à réformer et d’appuyer sa démarche sur une classe politique vieillissante et inféodée qui de toute façon n’en était pas demandeuse. Il a fait fi de la contestation du mouvement 20 février qui a rejeté cette démarche imposée et considéré que les conditions nécessaires à l’élaboration d’une constitution démocratique ne sont pas réunies. Sûr et arrogant, le pouvoir s’est entêté dans sa démarche ce qui fera sans doute perdre au pays beaucoup de temps. La démarche « consultative » a tourné au mélodrame quand la commission a refusé aux chefs de partis un accès au projet en cours d’élaboration, se résignant au final à leur laisser 24 heures pour apporter leurs remarques. Cette réforme a été élaborée en catimini sans réelles concertations et sous le cadrage strict du conseiller politique du roi. C’est un constat.
Droit dans ses bottes le palais est allé jusqu’au bout de sa logique. Au final tout le monde a été mis devant le fait accompli, d’autant plus que le projet de constitution sera soumis au vote dans son ensemble et non article par article. Le résultat de ce processus est dès lors décevant.
En outre, et ce n’est pas l’aspect le moins révoltant, les travaux de la commission imposée par le roi se sont accompagnés de pratiques qui ont, à mon sens, décrédibilise définitivement l’initiative du roi. Les médias publics n’ont pas été ouverts aux contestataires, aucun symbole de corruption n’a été traduit devant la justice, le palais et les proches du pouvoir n’ont pas levé leurs mains sur l’économie, sans parler de la répression sanglante qui s’est abattue sur les manifestants durant les dernières semaines, ni à l’atteinte du droit à la libre expression symbolisée par l’emprisonnement pour délit d’opinion du directeur du premier groupe de presse écrite au Maroc. Au fond pendant qu’il promettait la démocratie, le pouvoir montrait sur le terrain avec un cynisme incroyable qu’il n’entendait pas changer et que ses pratiques détestables ne sont pas prêtes de cesser, nouvelle constitution ou pas. Même avec la meilleure volonté du monde, il était pratiquement impossible de donner crédit au pouvoir dans sa volonté des réformes.
Si l’on veut trouver du mérite au projet de constitution annoncé aujourd’hui, on dira qu’il aura au moins facilité la tâche de tout le monde, confortant le front de refus dans son scepticisme et ceux qui ne se rangeaient pas du côté du changement dans leurs positions.
A la lecture de la constitution Mohammed VI la première chose qui vient à l’esprit est celle-ci : tout ça pour ça... ! Nous y voilà donc : un projet de constitution qui botte en touche.
Tout d’abord, il est à porter au projet présenté par le roi aujourd’hui, certaines avancées. Le préambule de la Constitution, bien que lyrique et plein de bons sentiments, reconnait pour la première fois la diversité, culturelle et de l’héritage, de la société marocaine. Les dispositions générales reconnaissent l’Amazigh comme langue officielle répondant ainsi à une revendication historique des régions du nord. La constitution garantit dans son texte un certain nombre de droits et libertés à commencer par le droit à la vie et la liberté d’expression. On ne peut s’empêcher en lisant ces articles de penser que la constitution actuelle garantit déjà sur le papier un certain nombre de ces droits et libertés sans qu’ils soient réellement mis en œuvre. Le drame de cette constitution est que même dans ses avancées, elle n’est pas crédible tant les pratiques du pouvoir la vide de toute substance. On pourra également souligner le chapitre réservé à la justice qui réaffirme l’indépendance de la magistrature, redéfinit la composition du Conseil Supérieur de l’Autorité Judicaire et abolit les tribunaux d’exception. Comme on pourra souligner l’interdiction dans le texte de la constitution de la torture et l’atteinte à l’intégrité physique des citoyens.
Ces principes faisaient déjà objet d’un large consensus national, hormis peut-être la constitutionnalisation de la langue amazighe et certains afflux de l’identité marocaine, ils s’imposaient à la commission du roi qui n’avait finalement qu’à les transcrire dans le texte. Avec un certain sens de l’équilibre ménageant les conservateurs en ne parlant pas de la liberté de conscience et réconfortant les progressistes en constitualisant l’égalité homme/femme . Toutes les composantes du corps social sont ainsi neutralisées sagissant des sujets de société.
A Suivre ....
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