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Le Phénix des Neiges LOUNIS AÏT MENGUELLET par : Yasmina Khadra

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  • Le Phénix des Neiges LOUNIS AÏT MENGUELLET par : Yasmina Khadra

    L’écrivain et directeur du Centre culturel algérien de Paris, Yasmina Khadra, rend hommage à un des maîtres de la chanson algérienne, Lounis Aït Menguellet, qui se produira les 1er et 2 juillet à 20h30, et le 3 juillet prochain à 17h, au CCA.


    Si je devais mettre une figure sur l’Algérie de nos prières, je m’inspirerais de celle de Lounis Aït Menguellet : la figure de l’enfant du pays. Tout, chez cet artiste emblématique, m’apaise et me réconforte dans mon algérianité. Son charisme droit sorti de la sagesse ancestrale, sa hauteur étincelante de neiges djurdjuraennes, son amour indéfectible pour les siens font de son chant une rédemption.

    Je crois avoir adhéré à cet homme avant même de le rencontrer. Je ne comprenais pas ses paroles, mais je me reconnaissais dans ses chansons, et sa voix de chantre tranquille m’insufflait un sentiment de plénitude comme lorsque le vent du désert balaie mes angoisses. Lounis Aït Menguellet est un havre de paix, une oasis féerique qui transcende, à elle seule, ces espaces mortifères que sont devenus nos silences tandis que nos rêves menacent de s’effilocher au gré des désillusions. Il sait dire ce que nous taisons par crainte d’être entendus : notre fierté égratignée, nos joies chahutées, nos aspirations laminées.

    Plus qu’un barde, Lounis est ce refus viscéral de céder devant l’adversité, l’impératif devoir de renouer avec la beauté au cœur même des laideurs abyssales qui ont failli nous défigurer. Lorsqu’il chante, Lounis, les aigreurs retiennent leur souffle car, d’un coup, nous sommes en phase avec ce que nous croyons avoir perdu de vue, à savoir le goût de la fête.

    Qui a dit que nous étions morts et finis ? Quand bien même nos colères se voudraient amarres, un mot de Lounis, et déjà nous sommes ailleurs, loin des chaînes de nos frustrations et de nos galères mentales. Lounis ne chante pas, il apprivoise la vie, nous la restitue dans ce qu’elle a de plus grisant et de plus tentant ; subitement, nous avons envie de tout avoir, de tout mériter, les instants de bonheur comme les moments de folie, et nous sommes heureux d’être là, dans cette salle qui devient, au fil du répertoire, une grande maison familiale où toutes les complicités sont permises et où personne n’est jamais esseulé.

    Nous redevenons, le temps d’un concert, ce que nous sommes d’abord : des Algériens en liesse. Dieu a créé notre pays un jour de grande jouissance, et s’il arrive à certains de gâcher ses festins, d’autres sont là pour nous faire recouvrer, une à une, l’ensemble de nos ivresses. Parmi ces derniers, Lounis Aït Menguellet que l’on ne remerciera jamais assez pour l’immense faveur qu’il nous fait : de continuer d’aimer la vie malgré tout. Béni soit cet homme par qui l’éveil aux bonnes choses arrive, béni soit sa musique et sa grande générosité. Une nation ne s’enorgueillit que par la verve de ses idoles, et Lounis en est l’une des plus belles que notre fierté ait connues.
    Il est la preuve vivante que, chez nous, au bled comme partout où l’âme algérienne frémit, rien n’est tout à fait perdu.


    Liberté.
    Dernière modification par remember, 20 juin 2011, 00h41.
    Le souvenir c'est ce qu'il reste de mémoire à l'oubli

  • #2
    Très bel hommage, amplement mérité. Avec Ait Menguellet les hyperboles perdent leur exagération et toutes les éloges qu'on lui fait sont justifiées.

    Si je devais mettre une figure sur l’Algérie de nos prières, je m’inspirerais de celle de Lounis Aït Menguellet
    Comme me disait quelqu'un hier, rien qu'avec cette phrase, Yasmina Khadra a tout dit.

    Je ne comprenais pas ses paroles, mais je me reconnaissais dans ses chansons, et sa voix de chantre tranquille m’insufflait un sentiment de plénitude comme lorsque le vent du désert balaie mes angoisses.
    C'est ce que lui trouvent donc ces admirateurs qui ne comprennent pas ce qu'il chante. Cet artiste apaise et balaie les angoisses. C'est ainsi également que feu Matoub Lounès le percevait quand il a dit que les chansons d'Ait Menguellet soulagent ceux qui souffrent.

    Nous redevenons, le temps d’un concert, ce que nous sommes d’abord : des Algériens en liesse. Dieu a créé notre pays un jour de grande jouissance, et s’il arrive à certains de gâcher ses festins, d’autres sont là pour nous faire recouvrer, une à une, l’ensemble de nos ivresses. Parmi ces derniers, Lounis Aït Menguellet que l’on ne remerciera jamais assez pour l’immense faveur qu’il nous fait : de continuer d’aimer la vie malgré tout.
    Serrah i w-aman a delhun ... la vie appartient à ceux qui vivent. La mort est le bien de ceux qui sont morts, laisse-les s'en occuper.

    Béni soit cet homme par qui l’éveil aux bonnes choses arrive, béni soit sa musique et sa grande générosité. Une nation ne s’enorgueillit que par la verve de ses idoles, et Lounis en est l’une des plus belles que notre fierté ait connues.
    Aucun commentaire à rajouter.
    "Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien."
    Socrate.

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    • #3
      Azul.
      Aujourd'hui, je n'ai pas "la forme" pour écrire. Cependant, en vous lisant, j'ai envie de dire simplement "bravo" pour vous, pour Yasmina et pour tous ceux qui se reconnaissent en Lounis. Plus, ce qui m'agrée dans cette entreprise hommage-commentaires est que ça réconforte ma position vis à vis de ce "Phénix" et que mon goût est dans la bonne voie.

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      • #4
        Sidib,

        Quand je vois les gens approuver Ait Menguellet, je ne me dis pas que je suis donc "normal" et logique dans mon appréciation, je me dis plutôt qu' "ils sont normaux". Parce qu'approuver Ait Mengellet ce n'est pas adhérer à une idée - cela serait despotique comme conception. L'approuver, c'est adhérer à une philosophie de vie qui permet la dialectique... la différence.
        "Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien."
        Socrate.

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        • #5
          elfamilia.

          Au delà de la musique, quelque part ailleurs, j'adhère à ses idées. C'est un choix personnel, intime.

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          • #6
            Sidib,

            Ces derniers jours, je suis en train de méditer sur deux de ses œuvres; "amghar azemni" et "serrah i w-aman". Dans la première il donne la parole au sage, à qui il demande de l'éclairer à propos de tout ce qui est en train de naître dans le monde: "a ya amghar ak nestheqssi achu akka i l'adytsnulfun"...
            Le vieux sage lui apprend que dans tout ce qu'on voit il n' y a rien de nouveau. Ce sont des choses déjà vues qui se répètent. Rien de nouveau sous le soleil, et le ciel est témoin de cette répétition qui se passe sur terre. La vie tourne et donne la chance à chacun; ce qui était bon devient mauvais et celui qui était mauvais devient bon. Ainsi est faite la loi cyclique de la vie...
            Avant de quitter le sage, ce dernier lui dit quelque chose d'ambiguë: il lui dit que celui qui comprend la vie, son cerveau est aliéné. Nous autres qui l'observons nous sommes étonnés de ce qu'il pense.

            C'est là où Lounis décide de décoder le dernier message du sage. Qui serait-il donc celui-là qui a compris la vie mais qui nous apparait comme aliéné ?!
            Cinq ans plus tard, il trouve de qui il est question: il ne peut être que celui qu'on appelle "le fou". C'est ainsi qu'il décide de "changer de fil", et de ne pas faire comme on a l'habitude de faire : "à chaque fois qu'on veut apprendre, on sollicite les sages". Il ne sollicitera point de "sages", mais il va aller consulter le "fou"... et là, personnellement je tombe des nues. Ce que ce dernier lui apprend dépasse toute "sagesse" communément admise.

            Dans une interview Ait Menguellet affirme que ce texte est inspiré de la philosophie d'Épicure, le père de l'empirisme et de l'esprit scientifique qui ne croit qu'en ce qu'il voit. C'est ce que le "fou" recommande: c'est d'être cartésien et pragmatique dans la vie; de ne pas se soucier d'un monde dans lequel on ne vit pas; d'exploiter la vie en empruntant des sentiers jamais piétinés; ouvrir de nouvelles voies...
            L'autre vie, celle de l'au-delà, elle ne t'appartient pas, tu n'as pas à la calculer. Le paradis et l'enfer il faut les laisser à ceux qui sont concernés. Toi, crois en la vie et en ce que tu vois. Et puis, éloigne-toi de ceux qui font de Dieu leur propriété et qui n'acceptent pas comment nous le voyons.

            Alors sagesse du sage ou sagesse du fou ?
            "Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien."
            Socrate.

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            • #7
              elfamilia.

              Sa77it pour ce post.
              Voici une traduction d'Amghar Azemni (le vieux sage) que j'ai trouvée sur le net. Très jolie.

              Le monde n'es-il pas pris de démence ?
              L'erreur surpasse la rectitude ;
              Où s'arrêtera la tragédie
              Lorsque des hommes en arrivent à tuer leurs semblables ?
              Le ciel même a subi un changement ;
              Nous l'apprîmes de ceux qui se souviennent encore.
              Vieux, nous voulons savoir
              Ce qui aujourd'hui est en train de voir le jour.
              Nous voyons le temps comment il est bâti ;
              Démoli, nulle trace de lui.
              Ce que nous estimons être bon,
              " A chaque fois que nous nous lavons,
              Nous reprenons nos saletés.
              Comment voulez-vous qu'il vous écoute,
              Celui qui a subi un lavage de cerveau ?
              (...) Vieux, nous voulons savoir
              Ce qui aujourd'hui est en train de voir le jour. ""Ce qui advient, même si c'est d'une autre façon,
              C'est déjà produit jadis.
              Rien de nouveau n'a eu lieu.
              Le toit du ciel recouvre la terre ;
              Il la regarde depuis qu'elle est là.
              Il observe les jours qui font les siècles.
              Il sait ce qui est déjà arrivé et ce qui arrive.
              Il a vu des hommes tuer leurs semblables,
              Et ceux qui, dans l'erreur, continuent leur chemin.
              (...) La justice est une parole en l'air ;
              Un membre forcé de la famille.
              L'arbitraire a toujours mené le monde.
              Lorsqu'il a pris place parmi vous,
              Il est bien sustenté par la peur ".Ceux qui aspirent à la paix,
              N'en trouvent nulle trace.
              Ceux qui en jouissent,
              N'en connaissent pas la valeur. "
              " Avec de l'eau propre, tu t'en vas te laver.
              L'eau sera salie, et tes mains seront nettoyées.
              Vous salissez ceux qui vous souhaitent propreté.
              Vous lâchez la bride de ceux qui sont tordus. "
              On nous ordonne de l'abandonner, car ''altéré.''

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              • #8
                En effet, cela fait très plaisir de lire un hommage si appuyé pour un artiste de la part d'un autre grand artiste !

                Ce qui est interpellant, c'est de constater que ceux qui ne comprennent pas ses paroles lui rendent grâce, alors que beaucoup de ceux qui les comprennent très bien le critiquent âprement.

                Est-ce parce qu'ils ne comprennent pas le véritable sens de ses paroles, ou plus simplement parce qu'ils ne veulent pas entendre certaines vérités dérangeantes ?
                Kindness is the only language that the deaf can hear and the blind can see - Mark Twain

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                • #9
                  Est-ce parce qu'ils ne comprennent pas le véritable sens de ses paroles, ou plus simplement parce qu'ils ne veulent pas entendre certaines vérités dérangeantes ?
                  Je pense qu'il y a les deux. Certains ne le comprennent pas, même s'ils comprennent sa langue, et d'autres le comprennent bien, et même un peu trop.
                  Socrate fut accusé de ne pas croire en les dieux de la cité et d'introduire de nouvelles divinités. Il fut jugé puis condamné à mort. Même si la condamnation fut loin d'être unanime (c'était une petite majorité), ce sont ses concitoyens athéniens qui lui ont fait boire la ciguë, après lui avoir proposé l'exil comme ultime recours, mais Socrate a refusé. Son démon lui a dit de mourir à Athènes...
                  Le phénix du Djurdjura ferait aussi partie de cet espèce d'homme qui ont une petite voix qui leur parle, qui les guide...
                  Dernière modification par elfamilia, 21 juin 2011, 21h21.
                  "Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien."
                  Socrate.

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