Annonce

Réduire
Aucune annonce.

La vie de pacha des patrons de la Sonacotra.

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • La vie de pacha des patrons de la Sonacotra.

    Les comptes du célèbre gestionnaire de foyers sociaux sont délabrés. C’est que l’ancienne direction menait grand train.

    A la Sonacotra, on n’est pas très regardant sur les mètres carrés. Du moins ceux de la direction. Au siège, à deux pas de la tour Eiffel, le DG et trois de ses adjoints se partagent 300mètres carrés au douzième étage d’une tour de béton. Sans charme, certes, mais assez vaste pour loger sans forcer 400 travailleurs immigrés, à raison de 7mètres carrés la chambre. «Tout cela va cesser», prévient Bruno Arbouet, le directeur général arrivé il y a quatre mois. La chefferie va se serrer un peu, c’est promis.

    A dire vrai, le nouveau patron n’a pas le choix. Car les caisses de la Sonacotra sont vides. En 2010, cette société semi-publique qui gère 70000 logements sociaux a perdu 26millions d’euros, pour 315 millions de chiffre d’affaires. La faute aux immigrés insolvables? Pas du tout : ils paient rubis sur l’ongle et la gestion des cagibis qui leur servent de logement est une bonne affaire, à 250euros la chambre. D’autant plus rentable que le bailleur entretient mal son parc. Un bon tiers des logements seraient à la limite de l’insalubrité, comme nous avons pu le constater dans la résidence de la rue Duée, à Paris, où 137 immigrés d’origine africaine s’entassent dans des chambres collectives décaties.

    Non, pour expliquer ce trou, il faut plutôt se plonger dans la gestion calamiteuse, longtemps masquée par une comptabilité illisible. Et sans que l’Etat, actionnaire à 57%, y trouve rien à redire, en dépit du rapport accablant rendu en 2009 par la Mission interministérielle d’inspection du logement social (Miilos).

    En France, les foyers Sonacotra font partie du paysage depuis 1956. Ces monstres de béton, construits à la va-vite dans les années 1960, ont d’abord logé la main-d’œuvre venue du Maghreb. La Société nationale de construction pour les travailleurs a ensuite hébergé des populations de plus en plus précaires: immigrés d’Afrique subsaharienne, demandeurs d’asile, SDF… Déjà critiquée dans les années 1970 pour l’état déplorable de ses foyers, la Sonacotra a aggravé son cas ces dernières années, notamment sous la férule de l’ancien préfet Michel Pélissier, P-DG de 1998 à 2008, qui a ensuite rejoint la Cour des comptes. Son principal fait d’armes fut de rebaptiser l’entreprise Adoma en 2006. Un ravalement d’image à 900000 euros (fête des 50 ans et nouveau logo compris) qui résume tout.

    Entendons-nous bien. On ne trouve ni Rolls ni toilettes en marbre chez Adoma. Il n’empêche, la direction s’est octroyé des privilèges malvenus pour un bailleur social. Voyez le parc de voitures de fonction. Depuis 2005, il a doublé pour atteindre 300 véhicules. «Ici, le moindre chef de service a eu droit à son véhicule», constate un syndicaliste. Dans le parking du siège, on trouve une flopée de Laguna et de Citroën C5, et la C6 du patron à 40000euros. Côté rémunérations, le DG touche 150000euros brut par an, «tout à fait comparables à celles pratiquées dans les offices HLM», tient à nuancer son entourage. Au comité de direction, les salaires dépassent 100000euros et nombre de ses membres ont négocié des clauses de départ de deux ans, sans conditions. Au regard des grilles de la fonction publique, c’est plutôt généreux. Même surprise concernant les logements de fonction. A l’origine, ces appartements étaient réservés aux salariés modestes, travaillant sur le terrain. Or les cadres squattent aujourd’hui un tiers d’entre eux… «Il ne faut pas exagérer, répond Michel Pélissier. La plupart des logements se trouvent dans les résidences et sont occupés par leurs responsables.»

    La dérive des coûts est plus inquiétante encore. Les charges de personnel ont progressé «quatre fois plus vite que le chiffre d’affaires», pointe la Miilos. «La moitié des 500 embauches effectuées depuis cinq ans ne s’explique pas par l’accroissement d’activité», dénonce le nouveau directeur général, Bruno Arbouet. Pis, une quarantaine de personnes seraient payées à ne rien faire. Des emplois fictifs? Il s’agirait en fait d’anciens salariés «oubliés», comme cette dizaine d’agents de sécurité désœuvrés depuis que cette activité a été externalisée il y a des années… Et que dire des 2000 ordinateurs et des 1500 imprimantes pour 2600 employés ou des 800 téléphones mobiles mis à leur disposition, avec parfois des factures rondelettes (500euros récemment pour un cadre). «Il est possible qu’une partie du matériel ait disparu. Personne ne gère les stocks», déplore Alexandre Tréhoux, délégué du personnel.
    Dans le sud de la France, cette gestion laxiste prend des allures plus douteuses. De lourds soupçons de malversations planent en effet sur plusieurs investissements. A Avignon, la direction régionale a acquis fin 2006 une résidence étudiante en très mauvais état pour 6millions d’euros, soit près du double de sa valeur estimée aujourd’hui. A Nice, Adoma a racheté une résidence à deux pas de la Promenade des Anglais pour 2millions d’euros, alors qu’elle était valorisée à 1,6million. Une expertise sur ces transactions est en cours.

    Bruno Arbouet a fait ses comptes: pour financer ses missions, le bailleur a besoin de 200millions d’euros sur cinq ans. Lassé de remettre au pot, l’Etat a transmis fin 2010 la patate chaude à la Société nationale immobilière (SNI), une filiale de la Caisse des dépôts. La SNI, qui détient 28% du capital d’Adoma, va injecter 25millions d’euros et a chargé le DG de mettre les comptes au carré. D’où l’annonce en mars de la vente de 1700 logements et la suppression de 260 emplois. Le DG renégocie aussi les emprunts à taux variable contractés par ses prédécesseurs. Comme beaucoup de collectivités locales, Adoma s’était laissé séduire par les produits dérivés (swaps) à risque, ce qui lui a coûté 2,7millions d’euros.

    Enfin, exit la Fondation Adoma, censée financer des projets de déve­loppement en Afrique. A eux seuls, les 10000euros mensuels versés à sa directrice, Marie-Noëlle Rosenweg, l’ex-chef de cabinet de Michel Pélissier, ont représenté le double des subventions accordées par cette œuvre improbable.

    Emmanuelle Andreani - Capital

    La vie quotidienne au siège de la société :

    300mètres carrés de bureaux pour les quatre principaux dirigeants
    10.000euros par mois pour la dirigeante d’une fondation gadget
    300 logements et 300 véhicules de fonction, souvent injustifiés
    24mois de salaire garantis en cas de départ pour certains cadres

    La vie quotidienne dans les foyers :

    7mètres carrés en moyenne pour les chambres des foyers
    200 à 300euros de loyer par mois
    2 réchauds en état de marche pour
    137 locataires dans un foyer parisien
    30% des logements dans un état déplorable
    Il y a des gens si intelligents que lorsqu'ils font les imbéciles, ils réussissent mieux que quiconque. - Maurice Donnay
Chargement...
X