Parlant à Copenhague, Hugo Chavez a présenté un livre qui confirme ses propos sur la nécessité de changer de système social si nous voulons sauver la planète. Voici la transcription d’une interview de l’auteur de ce livre.
Selon lui, écologie et politique sont étroitement liés. L’inégalité grandissante et le gaspillage du Nord doivent être combattus en redistribuant les richesses accaparées par une oligarchie qui dépense et pollue sans aucun souci. Hervé Kempf nous parle du mouvement écolo, du 11 septembre, des milliardaires, de la démocratie en danger...
Ruth Stégassy : On va commencer par une bonne nouvelle : la prise de conscience a fait un bond en matière d’écologie.
Hervé Kempf : Oui quand même, si on regarde la question du changement climatique, l’évolution des idées, aussi bien parmi les scientifiques que dans la population en général ; si on compare avec le début des années 1990, quand la problématique émergeait, on a une évolution énorme. A la fois, parce qu’il n’y a plus vraiment de contestation scientifique sur le changement climatique ; que le thème entre dans la réflexion politique ; et que surtout, c’est un thème très partagé. Quand on parle avec des amis, nos voisins, tout le monde sait que quelque chose est là.
Ceci dit, je ne suis pas aussi optimiste. Quand tout le monde est unanime pour dire quelque chose, c’est que ça n’avance pas vraiment. Il faut qu’il y ait débat, il faut qu’il y ait contradiction. Et je pense que nous tous, dans les sociétés européennes notamment, avons intégré la question du changement climatique, mais pas encore celle de la crise écologique, qui l’englobe et la dépasse. Nous n'avons pas encore traduit ce que cela pouvait représenter dans le changement des modes de vie, de l'économie et de la société.
Ce pas là n’est pas encore fait, notamment auprès des responsable politiques qui continuent à raisonner comme si la question écologique pouvait être séparée de ce qui pour eux est essentiel : le maintien de nos structures économiques.
Vous dites : « il y a nécessité de débat ». Le consensus serait finalement un obstacle supplémentaire à prise en compte des problèmes que vous évoquez. Pour la crise écologique, il y a quand même une prise de conscience. Mais en même temps, vous dites qu’il n’y a plus de contestation. Alors le débat, sur quoi devrait-il porter ?
Il n’y a plus de contestation sur la réalité du changement climatique. En revanche, il n’y a pas vraiment de discussion sur ce qu’il faut faire pour éviter une évolution dangereuse, et qui risque d’être rapide, du changement climatique. C’est-à-dire qu’il n’y a pas encore vraiment de remise en cause du système de transport, des systèmes énergétiques, du système de consommation ou de surconsommation généralisé, de la publicité.
Je veux dire que cette remise en cause est faite par des écologistes, par des mouvements, par des associations. Elle n’est pas encore réellement intériorisée par des forces politiques d’ampleur importante. Et je suis désolé de mettre là de côté les Verts, Corinne Lepage, voire même Nicolas Hulot. Ce n’es pas encore pris en charge par les couches des décideurs.
Il y a un consensus sur le diagnostic, mais pas sur les actions difficiles à entreprendre. Parce que ça va être dur.
Je vais prendre un seul exemple. La semaine dernière, Alain Juppé, maire de Bordeaux tient un discours tout à fait superbe sur la croissance : « arrêter les gaspillages, faire attention au changement climatique... » En même temps, la région Aquitaine prévoit 6 projets d’autoroutes. D’excellents discours, mais en France 2500 km d’autoroutes sont prévus. Les responsables politiques ne se disent pas : « il y a un changement climatique, cela risque d’être dangereux, il faut diminuer les émissions de gaz, le transport automobile et chercher d’autres modes de transport ». Or, construire des autoroutes, c’est favoriser l'automobile. Il n'y a pas encore de vrais débats sur la construction de nouvelles autoroutes.
Alors en fait, dans votre livre, vous vous employez à décortiquer ce paradoxe : les militants écologiques ne comprennent pas qu'on puisse reprendre leurs propos, les confirmer, et en même temps que l'on continue à aller contre le bon sens.
Pourquoi les écologistes disent ça, et n’arrivent pas à vraiment faire en sorte que la société transforme cette alerte en action concrète. Il y a deux réponses. D’une part, le mouvement écologiste n’a pas encore été capable d’articuler ce qu’elle observe dans l’écologie avec la crise sociale, qui se traduit dans nos sociétés développées, comme à l’échelle mondiale de la société humaine, et qui se traduit par une inégalité croissante, tout à fait surprenante - l’inégalité à recommencer à croître fortement depuis une trentaine d’années – et par aussi une appropriation de plus en plus croissante de la totalité des revenus et des patrimoines par une couche assez mince, que j’appelle moi l’oligarchie. Une couche de la société, dans nos sociétés européennes occidentales et dans la société mondiale, qui s’approprient et qui bloquent le système.
L’écologie doit faire ce double travail : articuler son propos avec la crise sociale qui est un autre relais de la crise écologique, et désigner ceux qui ont plus de responsabilités que d’autres, même si ça n’exclut pas évidemment notre propre responsabilité, et notre propre capacité d’action en tant qu’individu.
Ruth Stégassy : On va commencer par une bonne nouvelle : la prise de conscience a fait un bond en matière d’écologie.
Hervé Kempf : Oui quand même, si on regarde la question du changement climatique, l’évolution des idées, aussi bien parmi les scientifiques que dans la population en général ; si on compare avec le début des années 1990, quand la problématique émergeait, on a une évolution énorme. A la fois, parce qu’il n’y a plus vraiment de contestation scientifique sur le changement climatique ; que le thème entre dans la réflexion politique ; et que surtout, c’est un thème très partagé. Quand on parle avec des amis, nos voisins, tout le monde sait que quelque chose est là.
Ceci dit, je ne suis pas aussi optimiste. Quand tout le monde est unanime pour dire quelque chose, c’est que ça n’avance pas vraiment. Il faut qu’il y ait débat, il faut qu’il y ait contradiction. Et je pense que nous tous, dans les sociétés européennes notamment, avons intégré la question du changement climatique, mais pas encore celle de la crise écologique, qui l’englobe et la dépasse. Nous n'avons pas encore traduit ce que cela pouvait représenter dans le changement des modes de vie, de l'économie et de la société.
Ce pas là n’est pas encore fait, notamment auprès des responsable politiques qui continuent à raisonner comme si la question écologique pouvait être séparée de ce qui pour eux est essentiel : le maintien de nos structures économiques.
Vous dites : « il y a nécessité de débat ». Le consensus serait finalement un obstacle supplémentaire à prise en compte des problèmes que vous évoquez. Pour la crise écologique, il y a quand même une prise de conscience. Mais en même temps, vous dites qu’il n’y a plus de contestation. Alors le débat, sur quoi devrait-il porter ?
Il n’y a plus de contestation sur la réalité du changement climatique. En revanche, il n’y a pas vraiment de discussion sur ce qu’il faut faire pour éviter une évolution dangereuse, et qui risque d’être rapide, du changement climatique. C’est-à-dire qu’il n’y a pas encore vraiment de remise en cause du système de transport, des systèmes énergétiques, du système de consommation ou de surconsommation généralisé, de la publicité.
Je veux dire que cette remise en cause est faite par des écologistes, par des mouvements, par des associations. Elle n’est pas encore réellement intériorisée par des forces politiques d’ampleur importante. Et je suis désolé de mettre là de côté les Verts, Corinne Lepage, voire même Nicolas Hulot. Ce n’es pas encore pris en charge par les couches des décideurs.
Il y a un consensus sur le diagnostic, mais pas sur les actions difficiles à entreprendre. Parce que ça va être dur.
Je vais prendre un seul exemple. La semaine dernière, Alain Juppé, maire de Bordeaux tient un discours tout à fait superbe sur la croissance : « arrêter les gaspillages, faire attention au changement climatique... » En même temps, la région Aquitaine prévoit 6 projets d’autoroutes. D’excellents discours, mais en France 2500 km d’autoroutes sont prévus. Les responsables politiques ne se disent pas : « il y a un changement climatique, cela risque d’être dangereux, il faut diminuer les émissions de gaz, le transport automobile et chercher d’autres modes de transport ». Or, construire des autoroutes, c’est favoriser l'automobile. Il n'y a pas encore de vrais débats sur la construction de nouvelles autoroutes.
Alors en fait, dans votre livre, vous vous employez à décortiquer ce paradoxe : les militants écologiques ne comprennent pas qu'on puisse reprendre leurs propos, les confirmer, et en même temps que l'on continue à aller contre le bon sens.
Pourquoi les écologistes disent ça, et n’arrivent pas à vraiment faire en sorte que la société transforme cette alerte en action concrète. Il y a deux réponses. D’une part, le mouvement écologiste n’a pas encore été capable d’articuler ce qu’elle observe dans l’écologie avec la crise sociale, qui se traduit dans nos sociétés développées, comme à l’échelle mondiale de la société humaine, et qui se traduit par une inégalité croissante, tout à fait surprenante - l’inégalité à recommencer à croître fortement depuis une trentaine d’années – et par aussi une appropriation de plus en plus croissante de la totalité des revenus et des patrimoines par une couche assez mince, que j’appelle moi l’oligarchie. Une couche de la société, dans nos sociétés européennes occidentales et dans la société mondiale, qui s’approprient et qui bloquent le système.
L’écologie doit faire ce double travail : articuler son propos avec la crise sociale qui est un autre relais de la crise écologique, et désigner ceux qui ont plus de responsabilités que d’autres, même si ça n’exclut pas évidemment notre propre responsabilité, et notre propre capacité d’action en tant qu’individu.
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