Article assez interessant ...
Education dans les Aurès
Les nouveaux héros du cartable
El Watan, 5 décembre 2010
La Chine est encore loin de Batna.» Ici, une personne sur quatre est analphabète, soit 26% de la population.
La nature montagneuse de cette région des Aurès et la forte présence de populations rurales n’ont jamais été une sinécure pour les services chargés de l’application de la politique de l’éducation pour tous.
Le classement peu honorable de la wilaya(43e au bac 2010) s’explique aussi par cette difficulté d’assurer de bons résultats en dehors de la grande cité.
La mentalité réfractaire à l’éducation des filles, les dures conditions de vie, et surtout de scolarité très loin de la ville ont été, durant longtemps, à l’origine de la privation d’école et de la déperdition scolaire précoce, premières causes de l’analphabétisme.
Les stigmates sont encore visibles dans la région de Bouzina coincée à 85 km du chef-lieu de wilaya entre la vallée éponyme et Oued Abdi. Louiza Boudjerad, responsable de l’association Iqra dans la daïra, et son amie, Nora B., institutrice d’alphabétisation, feront le guide pour nous à travers les dechras composant la daïra de Bouzina, toutes bâties sur des flancs accidentés.
A Tidjedad, 4 km au nord-est d’Aourir (autre appellation du village de Bouzina), une vingtaine de femmes trentenaires se serrent dans une pièce, située au sous-sol de la mosquée du village, transformée en salle de classe. Un peu intimidées par la présence d’un journaliste, de surcroît homme, les écolières se livrent difficilement. C’est Belaïda (35 ans) qui parle la première pour expliquer qu’à l’époque où ses congénères accédaient en classe primaire, sa famille à elle était encore nomade et ne pouvait donc l’inscrire dans un établissement.
Sa voisine de table, Nacéra, a été, quant à elle, privée d’école dans son enfance parce que l’unique établissement scolaire se trouvait à Bouzina, et aucun moyen de transport n’existait encore.
Dans cette salle à la forme inadaptée et où un poêle allumé au fond atténue le froid glacial de cette journée d’hiver, une partie des femmes n’a jamais connu les bancs de classe, alors que l’autre est composée de victimes de déperdition scolaire. Nedjma fait partie de cette seconde catégorie. Seule fille parmi une fratrie de huit membres, elle avait en charge toutes les tâches ménagères et devait s’occuper de ses frères.
Le choix a été pénible, mais elle ne pouvait qu’abandonner ses projets d’école. Aujourd’hui, Nedjma, à l’image de toutes les autres, affiche une détermination exemplaire à atteindre son rêve de s’affranchir un jour de l’analphabétisme et, pourquoi pas, pousser plus loin ses études, même si elle doit encore s’absenter durant la saison des cueillettes pour s’occuper du verger familial.
Une volonté de fer
A Mezline, une autre dechra située à 3 km de la commune mère, une ancienne salle d’enseignement coranique, construite sur une pente raide, est affectée à l’office d’alphabétisation et accueille une vingtaine de femmes du troisième âge. C’est quasiment un phénomène de société ici, vu l’engouement de ces mères de famille et leur soif d’apprendre. Il est incontestable que la première motivation soit l’envie de lire et d’apprendre le Coran, mais qu’importe, observent les enseignantes, pourvu que le résultat mène à vaincre l’ignorance. Les rangs sont organisés en fonction des niveaux.
A droite, les «élèves» de niveau I et à gauche celles de niveau II.
Khalti Fatima, une sexagénaire, prend de la craie dans sa trousse et monte au tableau pour écrire des lettres de l’alphabet arabe (niveau I), puis d’un trait gauche écrit son prénom et se fait applaudir par ses camarades. Sa copine Fatouma, motivée par les prouesses, écrit son nom sur son ardoise qu’elle lève au-dessus de la tête, au milieu d’une ambiance chaleureuse.
Une autre mamie profite de l’occasion et fait remarquer que le livre du niveau II est difficile. Exact, selon Louiza Boudjerad : «Les livres sont mal adaptés. Entre les niveaux I et II, il y a un grand décalage. Il est difficile, voire impossible à assimiler par les candidats à l’alphabétisation», explique-t-elle. Et d’ajouter : «On demande l’allongement de la durée d’alphabétisation. Les personnes qui suivent chez nous les trois phases sont affranchies certes, mais n’atteignent pas un bon niveau pour pouvoir passer à autre chose.» En plus de la durée insuffisante, les enseignantes que nous avons rencontrées posent le problème d’enseignement du français, non prévu par l’Office d’alphabétisation, chargé d’appliquer la stratégie nationale d’alphabétisation initiée par le président de la République en 2004.
Education dans les Aurès
Les nouveaux héros du cartable
El Watan, 5 décembre 2010
La Chine est encore loin de Batna.» Ici, une personne sur quatre est analphabète, soit 26% de la population.
La nature montagneuse de cette région des Aurès et la forte présence de populations rurales n’ont jamais été une sinécure pour les services chargés de l’application de la politique de l’éducation pour tous.
Le classement peu honorable de la wilaya(43e au bac 2010) s’explique aussi par cette difficulté d’assurer de bons résultats en dehors de la grande cité.
La mentalité réfractaire à l’éducation des filles, les dures conditions de vie, et surtout de scolarité très loin de la ville ont été, durant longtemps, à l’origine de la privation d’école et de la déperdition scolaire précoce, premières causes de l’analphabétisme.
Les stigmates sont encore visibles dans la région de Bouzina coincée à 85 km du chef-lieu de wilaya entre la vallée éponyme et Oued Abdi. Louiza Boudjerad, responsable de l’association Iqra dans la daïra, et son amie, Nora B., institutrice d’alphabétisation, feront le guide pour nous à travers les dechras composant la daïra de Bouzina, toutes bâties sur des flancs accidentés.
A Tidjedad, 4 km au nord-est d’Aourir (autre appellation du village de Bouzina), une vingtaine de femmes trentenaires se serrent dans une pièce, située au sous-sol de la mosquée du village, transformée en salle de classe. Un peu intimidées par la présence d’un journaliste, de surcroît homme, les écolières se livrent difficilement. C’est Belaïda (35 ans) qui parle la première pour expliquer qu’à l’époque où ses congénères accédaient en classe primaire, sa famille à elle était encore nomade et ne pouvait donc l’inscrire dans un établissement.
Sa voisine de table, Nacéra, a été, quant à elle, privée d’école dans son enfance parce que l’unique établissement scolaire se trouvait à Bouzina, et aucun moyen de transport n’existait encore.
Dans cette salle à la forme inadaptée et où un poêle allumé au fond atténue le froid glacial de cette journée d’hiver, une partie des femmes n’a jamais connu les bancs de classe, alors que l’autre est composée de victimes de déperdition scolaire. Nedjma fait partie de cette seconde catégorie. Seule fille parmi une fratrie de huit membres, elle avait en charge toutes les tâches ménagères et devait s’occuper de ses frères.
Le choix a été pénible, mais elle ne pouvait qu’abandonner ses projets d’école. Aujourd’hui, Nedjma, à l’image de toutes les autres, affiche une détermination exemplaire à atteindre son rêve de s’affranchir un jour de l’analphabétisme et, pourquoi pas, pousser plus loin ses études, même si elle doit encore s’absenter durant la saison des cueillettes pour s’occuper du verger familial.
Une volonté de fer
A Mezline, une autre dechra située à 3 km de la commune mère, une ancienne salle d’enseignement coranique, construite sur une pente raide, est affectée à l’office d’alphabétisation et accueille une vingtaine de femmes du troisième âge. C’est quasiment un phénomène de société ici, vu l’engouement de ces mères de famille et leur soif d’apprendre. Il est incontestable que la première motivation soit l’envie de lire et d’apprendre le Coran, mais qu’importe, observent les enseignantes, pourvu que le résultat mène à vaincre l’ignorance. Les rangs sont organisés en fonction des niveaux.
A droite, les «élèves» de niveau I et à gauche celles de niveau II.
Khalti Fatima, une sexagénaire, prend de la craie dans sa trousse et monte au tableau pour écrire des lettres de l’alphabet arabe (niveau I), puis d’un trait gauche écrit son prénom et se fait applaudir par ses camarades. Sa copine Fatouma, motivée par les prouesses, écrit son nom sur son ardoise qu’elle lève au-dessus de la tête, au milieu d’une ambiance chaleureuse.
Une autre mamie profite de l’occasion et fait remarquer que le livre du niveau II est difficile. Exact, selon Louiza Boudjerad : «Les livres sont mal adaptés. Entre les niveaux I et II, il y a un grand décalage. Il est difficile, voire impossible à assimiler par les candidats à l’alphabétisation», explique-t-elle. Et d’ajouter : «On demande l’allongement de la durée d’alphabétisation. Les personnes qui suivent chez nous les trois phases sont affranchies certes, mais n’atteignent pas un bon niveau pour pouvoir passer à autre chose.» En plus de la durée insuffisante, les enseignantes que nous avons rencontrées posent le problème d’enseignement du français, non prévu par l’Office d’alphabétisation, chargé d’appliquer la stratégie nationale d’alphabétisation initiée par le président de la République en 2004.
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