Dans une interview exclusive accordée à l’hebdomadaire marocain Actuel intitulée “Le roi et moi” parue cette semaine, la veuve de l’ancien général Mohamed Oufkir est sortie de son silence. Elle y évoque notamment la situation politique que vit actuellement le royaume.
Du haut de ses 75 ans, Fatima Oufkir est assurément un témoin privilégié de l’histoire récente du Maroc. Elle aura vécu, pour ainsi dire, tous les pouvoirs successifs depuis le protectorat français. Faisant allusion à la nouvelle Constitution marocaine, elle ne manque pas de citer un vers de Victor Hugo quand il disait :“Le roi lâche, quand le peuple arrache.”
Très au fait des arcanes du pouvoir marocain, la veuve d’Oufkir se veut plutôt compatissante avec Mohammed VI à qui elle trouve quelques circonstances atténuantes.
À sa décharge, elle reconnaît les difficultés inhérentes à l’exercice du pouvoir personnel : “Quand vous avez tous les pouvoirs, rien n’est clair. Les gens vous racontent ce que vous avez envie d’entendre. Ils ont peur de vous dire une vérité parce que vous ne voulez pas écouter. Quand vous regardez vers l’avant, vous ne regardez ni les arbres ni les gens laissés sur le bord de la route. Mais ce sont eux qui vous jugent !”
Interrogée sur ses rapports avec le jeune monarque qu’elle dit avoir vu naître, la veuve Oufkir révèle lui avoir adressé, il y a trois ans, une demande d’audience qui est restée, à ce jour, sans suite parce que, d’après elle, “ça n’arrange personne” qu’elle s’en approche : “On l’a éduqué avec l’idée que nous étions les ennemis de la famille royale (…). Et son père (Hassan II : ndlr) n’a pas arrangé les choses avant de partir. Il était responsable, il aurait du régler tout ça. Nous et le problème du Sahara : il lui a laissé deux clous enfoncés.”
S’agissant de l’avènement sur l’échiquier du mouvement contestataire du 20 Février, Fatima Oufkir considère que c’est plutôt “une aubaine” pour le Maroc. Elle pose toutefois ses conditions : “Si ça ne dégénère pas en conflit qui nous ferait revenir dix en arrière, le 20 Février, c’est très bien”. Il faut dire que Mme Oufkir reste profondément “monarchiste” : “Qu’est ce qu’une démocratie ? D’abord un travail, un logement, des soins et une éducation pour ses enfants. Vous donnez ça aux gens et ils deviennent automatiquement démocrates, même s’ils ne savent ni lire ni écrire”. Concernant les intentions démocratiques prêtées à Mohammed VI, elle se veut un tantinet sceptique : “Ce roi veut donner, mais beaucoup de responsables sont plus royalistes que le roi.” Ceci-dit comme beaucoup de Marocains, la veuve d’Oufkir a, elle aussi, un a-priori plutôt favorable au souverain. “C’est normal. Il est arrivé, il a trouvé un pouvoir absolu. Il l’a gardé. Il a fait un essai de douze ans. Il a vu que ça allait craquer et il a eu l’intelligence de lâcher.” Elle se contredit ensuite un peu plus loin en estimant : “Ce que Mohammed VI fait aujourd’hui, il aurait pu le faire il y a dix ans. C’était ce que voulait faire son père. On peut reprocher beaucoup de choses à Hassan II mais il a assis la monarchie comme il faut. Puis il a donné les commandes d’un avion avec un terrain balisé ; il fallait juste que Mohammed VI pose l’avion et sache où aller. Il était prêt à faire tout ça. Mais il a fait un demi-tour sur place (…)”
Au-delà ce qui semble être une contradiction, les raisons de la volte-face de M6 tiennent, d’après elle, à des forces d’inertie qui empêchent dans le sérail marocain toute remise en question. Du pouvoir, on n’en revient pourrait-on dire jamais ! On s’y accroche comme on peut ! Même par une interview exclusive se voulant fracassante. La veuve d’Oufkir qui a connu jadis des jours fastes à la Cour royale se plaint à la fin de l’entretien d’être à présent dans le besoin, elle, qui a “donné les moyens de réussir à d’autres, et qui aujourd’hui sont milliardaires”. Cet aveu très symptomatique des ambitions malsaines de la politique dans les régimes arabes vient comme banaliser le clientélisme ou pire encore le népotisme. Globalement, l’accès à la rente est devenu un moteur puissant pour la “révolution”. L’étalage des richesses (du reste souvent usurpées) est venu légitimer le combat des plus démunis. Les “opposants” (ou du moins ceux qui tiennent lieu de l’être) sont vite domestiqués dès lors qu’ils prétendent eux aussi à la prédation.
En Algérie où la cooptation fait loi, on connaît ça aussi ! Pendant que les tenants du pouvoir s’échinent à conserver leurs privilèges, la population continue de revendiquer tous les jours une meilleure et une plus juste répartition des ressources du pays. Et la “révolution” continue…
Très au fait des arcanes du pouvoir marocain, la veuve d’Oufkir se veut plutôt compatissante avec Mohammed VI à qui elle trouve quelques circonstances atténuantes.
À sa décharge, elle reconnaît les difficultés inhérentes à l’exercice du pouvoir personnel : “Quand vous avez tous les pouvoirs, rien n’est clair. Les gens vous racontent ce que vous avez envie d’entendre. Ils ont peur de vous dire une vérité parce que vous ne voulez pas écouter. Quand vous regardez vers l’avant, vous ne regardez ni les arbres ni les gens laissés sur le bord de la route. Mais ce sont eux qui vous jugent !”
Interrogée sur ses rapports avec le jeune monarque qu’elle dit avoir vu naître, la veuve Oufkir révèle lui avoir adressé, il y a trois ans, une demande d’audience qui est restée, à ce jour, sans suite parce que, d’après elle, “ça n’arrange personne” qu’elle s’en approche : “On l’a éduqué avec l’idée que nous étions les ennemis de la famille royale (…). Et son père (Hassan II : ndlr) n’a pas arrangé les choses avant de partir. Il était responsable, il aurait du régler tout ça. Nous et le problème du Sahara : il lui a laissé deux clous enfoncés.”
S’agissant de l’avènement sur l’échiquier du mouvement contestataire du 20 Février, Fatima Oufkir considère que c’est plutôt “une aubaine” pour le Maroc. Elle pose toutefois ses conditions : “Si ça ne dégénère pas en conflit qui nous ferait revenir dix en arrière, le 20 Février, c’est très bien”. Il faut dire que Mme Oufkir reste profondément “monarchiste” : “Qu’est ce qu’une démocratie ? D’abord un travail, un logement, des soins et une éducation pour ses enfants. Vous donnez ça aux gens et ils deviennent automatiquement démocrates, même s’ils ne savent ni lire ni écrire”. Concernant les intentions démocratiques prêtées à Mohammed VI, elle se veut un tantinet sceptique : “Ce roi veut donner, mais beaucoup de responsables sont plus royalistes que le roi.” Ceci-dit comme beaucoup de Marocains, la veuve d’Oufkir a, elle aussi, un a-priori plutôt favorable au souverain. “C’est normal. Il est arrivé, il a trouvé un pouvoir absolu. Il l’a gardé. Il a fait un essai de douze ans. Il a vu que ça allait craquer et il a eu l’intelligence de lâcher.” Elle se contredit ensuite un peu plus loin en estimant : “Ce que Mohammed VI fait aujourd’hui, il aurait pu le faire il y a dix ans. C’était ce que voulait faire son père. On peut reprocher beaucoup de choses à Hassan II mais il a assis la monarchie comme il faut. Puis il a donné les commandes d’un avion avec un terrain balisé ; il fallait juste que Mohammed VI pose l’avion et sache où aller. Il était prêt à faire tout ça. Mais il a fait un demi-tour sur place (…)”
Au-delà ce qui semble être une contradiction, les raisons de la volte-face de M6 tiennent, d’après elle, à des forces d’inertie qui empêchent dans le sérail marocain toute remise en question. Du pouvoir, on n’en revient pourrait-on dire jamais ! On s’y accroche comme on peut ! Même par une interview exclusive se voulant fracassante. La veuve d’Oufkir qui a connu jadis des jours fastes à la Cour royale se plaint à la fin de l’entretien d’être à présent dans le besoin, elle, qui a “donné les moyens de réussir à d’autres, et qui aujourd’hui sont milliardaires”. Cet aveu très symptomatique des ambitions malsaines de la politique dans les régimes arabes vient comme banaliser le clientélisme ou pire encore le népotisme. Globalement, l’accès à la rente est devenu un moteur puissant pour la “révolution”. L’étalage des richesses (du reste souvent usurpées) est venu légitimer le combat des plus démunis. Les “opposants” (ou du moins ceux qui tiennent lieu de l’être) sont vite domestiqués dès lors qu’ils prétendent eux aussi à la prédation.
En Algérie où la cooptation fait loi, on connaît ça aussi ! Pendant que les tenants du pouvoir s’échinent à conserver leurs privilèges, la population continue de revendiquer tous les jours une meilleure et une plus juste répartition des ressources du pays. Et la “révolution” continue…
Bio-express
Née au Maroc en 1935, Fatima Chenna épouse Oufkir est la fille d’un militaire de carrière qui a participé à la guerre française en Indochine. Elle est connue surtout pour être la veuve de Mohamed ben Ahmed Oufkir, un général des forces armées royales marocaines qui a été durant de longues années l’homme de confiance du roi Hassan II. De ce mariage, Mme Oufkir en tirera gloire et richesse avant que sa vie ne bascule dans le drame qui a suivi la trahison de son mari, le général Oufkir, commanditaire et architecte du coup d’État manqué en 1972. Oufkir se serait “suicidé” par la suite par cinq balles tirées… dans le dos. Sa famille sera emprisonnée dans des conditions effroyables durant 19 longues années au Maroc. Il a fallu une campagne de presse internationale pour que Fatima Oufkir et ses six enfants soient finalement élargis et autorisés à se réfugier en 1996 en France. Fatima Oufkir vit actuellement à Marrakech. Elle est l’auteur d’un livre Les jardins du roi paru en 2000.
Née au Maroc en 1935, Fatima Chenna épouse Oufkir est la fille d’un militaire de carrière qui a participé à la guerre française en Indochine. Elle est connue surtout pour être la veuve de Mohamed ben Ahmed Oufkir, un général des forces armées royales marocaines qui a été durant de longues années l’homme de confiance du roi Hassan II. De ce mariage, Mme Oufkir en tirera gloire et richesse avant que sa vie ne bascule dans le drame qui a suivi la trahison de son mari, le général Oufkir, commanditaire et architecte du coup d’État manqué en 1972. Oufkir se serait “suicidé” par la suite par cinq balles tirées… dans le dos. Sa famille sera emprisonnée dans des conditions effroyables durant 19 longues années au Maroc. Il a fallu une campagne de presse internationale pour que Fatima Oufkir et ses six enfants soient finalement élargis et autorisés à se réfugier en 1996 en France. Fatima Oufkir vit actuellement à Marrakech. Elle est l’auteur d’un livre Les jardins du roi paru en 2000.
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Par : Mohamed-Chérif Lachichi
Liberté
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