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Scandale écologique à Skikda : Une sablière en pleine forêt !

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  • Scandale écologique à Skikda : Une sablière en pleine forêt !

    En dépit de la forte mobilisation de la société civile pour sa fermeture, la sablière de Sidi Merouane, située au cœur même du domaine forestier de la commune de Fil Fila, à une trentaine de kilomètres à l’est de la ville de Skikda, ne cesse de susciter la colère des riverains.

    Skikda.
    De notre envoyée spéciale

    Le soulagement né de la fin du délai de son exploitation, au début de cette année, s’est vite dissipé pour laisser place à l’amertume et surtout à l’inquiétude. Contre toute attente, le ministère de l’Energie et des Mines, à travers l’Agence nationale du patrimoine minier (ANGM) a décidé, le 14 avril dernier, de proroger d’une année renouvelable les activités très controversées de cette sablière. Depuis, des centaines de poids lourds empruntent de jour comme de nuit le chemin de wilaya reliant la commune de Fil Fila à Guerbez, en passant par Hamadi, Krouma et Skikda, laissant sur leur passage d’immenses nuages de sable, endommageant le CW12 totalement éventré — des travaux de réfection ont été réalisés il y a à peine une année — et laissant une population riveraine à bout de souffle.
    Sur les lieux, sous un soleil de plomb, le défilé de camions de gros tonnage ne s’arrête pas. Ils longent la route sinueuse et empruntent aussi le pont qui traverse l’oued Righa. «Regardez la plaque limitant le poids maximum des camions à 10 tonnes, elle a été sciée exprès pour que les gendarmes n’arrêtent pas les camionneurs», lance notre guide, un membre de l’APC de Fil Fila. Il nous fait faire une visite de la région qui frôle la catastrophe écologique. «Nous avons écrit des lettres et des lettres pour dénoncer les activités de cette sablière, mais en vain. Nous pensions que nos peines allaient prendre fin avec l’expiration du délai de 10 ans d’exploitation. Mais l’Eurl Grani Ski est revenue avec une prorogation de ses activités pour une durée d’un an renouvelable, alors que tous les services de l’environnement, des forêts et de l’hydraulique s’y sont opposés. Nous ne comprenons pas comment une telle décision a été prise», explique notre interlocuteur. Ici, personne ne veut s’exprimer ouvertement sur ce sujet qui fait peur à tous, y compris aux élus, comme par exemple, le président de l’assemblée populaire de wilaya (APW)d’obédience FLN, qui a insisté pour ne pas être cité sans pour autant expliquer les raisons d’une telle position. Celle-ci est aussi adoptée par les membres de l’exécutif de la wilaya, sous prétexte qu’il leur faut une autorisation du wali et de leur tutelle pour s’exprimer sur ce sujet qui, pourtant, leur tient à cœur.

    Retour sur un crime contre l’environnement

    Tout commence le 8 mai 2001, lorsque l’Eurl Grani Ski obtient un permis d’exploitation de sable à Sidi Merouane, commune de Fil Fila, pour une durée de 10 ans, en vertu d’un arrêté signé par le ministre de l’Energie et des Mines, Chakib Khellil en personne. Dès le lancement de ses activités, la sablière provoque la colère des habitants. Les va-et-vient de dizaines de camions, de jour comme de nuit, les nuages de poussière qu’ils soulèvent et la détérioration de la chaussée ne laissent pas la population indifférente.

    Pour sa part, le maire de Fil Fila, après avoir suspecté une contamination des eaux, interpelle les services de l’hydraulique qui se déplacent sur les lieux. Ils remarquent que l’exploitant, l’Eurl Grani Ski, progresse dangereusement vers l’ouvrage de captage d’eau situé non loin de la sablière. Le premier responsable de l’hydraulique alerte le directeur des mines et de l’industrie par un courrier daté du 7 juillet 2001, dans lequel il précise : «La progression de l’extraction de sable vers l’ouvrage, en amont, de captage d’eau pourrait avoir une influence négative, notamment sur l’écoulement des eaux.

    A cet effet, je vous demande de prendre les dispositions nécessaires avec l’exploitant pour éviter toute extraction en amont et de ne pas s’approcher de ce dernier sur un rayon de 300 m au moins.» La situation va perdurer pendant deux ans, à l’issue desquelles une inspection de la direction générale des mines (DGM) est dépêchée sur les lieux. Encore une fois, l’exploitant est épinglé. Dans une correspondance datée du 30 juillet 2003, le DGM rappelle à l’entreprise privée ses obligations en matière de respect des clauses de la loi minière 01-10 et des dispositions contenues dans le cahier des charges. Le DGM appelle Grani Ski «à limiter la hauteur du front de taille à trois mètres tout en assurant la stabilité des talus, de procéder à une exploitation sélective et à stocker le sable souillé ainsi que la couche superficielle, des matériaux qui seront utilisés pour la remise en état graduelle des lieux, de commencer, dès à présent, la remise en état de la zone aval proche des sources de captage d’eau, ce qui permettra de stabiliser le sol en cet endroit». Dans le cas contraire, le DGM menace de faire appliquer l’article 91 de la loi minière qui prévoit la suspension suivie du retrait du titre d’exploitation.

    Le tribunal appuie la fermeture, le Conseil d’état l’annule

    Pendant cette période, les activités battent leur plein. Le maire de Fil Fla revient à la charge. Il alerte le wali de Skikda sur «les lourdes conséquences de l’activité d’extraction de sable sur non seulement l’environnement immédiat de la commune mais également sur la santé de la population riveraine». La réaction du responsable intervient deux années plus tard. Une mission d’inspection est dépêchée sur les lieux par le wali.
    Dans son rapport daté du 15 décembre 2005, la mission dresse un constat alarmant de la situation. Le wali procède, le 26 décembre 2005, à la fermeture administrative de la sablière. L’exploitant engage une action en justice contre la wilaya, mais il est débouté en première instance, puis à la cour et enfin à la Cour suprême. La décision du wali devient définitive.

    Entretemps, l’exploitant saisit l’ANPM dans deux courriers, l’un daté du 5 février 2006 et l’autre du 3 avril de la même année. Dans sa réponse (22 mai 2006) l’Agence l’informe qu’«une mission d’inspection de la police des mines de l’Agence nationale de géologie et du contrôle minier (ANGCM) s’est déplacée sur les lieux de la sablière et a constaté que l’exercice de l’activité minière se situe en dehors du périmètre octroyé, raison principale de la fermeture de l’exploitation». Elle le somme de prendre les dispositions nécessaires pour se conformer aux limites du périmètre fixées par le titre minier qu’il a obtenu et de se rapprocher de la wilaya pour régler le contentieux. «Mais en cas d’impossibilité d’arriver à un accord à l’amiable», l’Agence conseille à l’exploitant de «recourir aux juridictions administratives pour faire valoir vos droits et obtenir réparation».

    Un courrier en totale contradiction avec celui adressé au wali de Skikda le 16 février 2009. En effet, réponse à une demande de retrait du titre minier à l’Eurl Grani Ski, l’Agence fait savoir au premier responsable de la wilaya qu’elle «ne peut procéder à une telle mesure ou infliger des sanctions à l’encontre d’un opérateur que sur la base d’un rapport établi par la police chargée des mines et suivie par la proposition idoine transmise par l’ANGCM (…). Je vous informe que notre Agence a été destinataire, le 19 janvier 2009, de la copie du rapport de l’ANGCM demandé le 20 juillet 2008, qui conclut de manière sans équivoque n’avoir relevé au cours de ses inspections aucune infraction à la loi minière par l’Eurl Grani Ski. En conséquence, nous avons le regret de vous informer que notre Agence ne peut prendre la décision de retrait du titre minier délivré à cette entreprise». Celle-ci ayant été déboutée au civil, elle saisit le Conseil de l’Etat et, quelques mois plus tard, obtient un arrêt qui annule la décision du wali. La sablière reprend ses activités fin 2009. Quelques mois plus tard, la police des mines, c’est-à-dire l’ANGCM, épingle l’exploitant. Lors d’une visite d’inspection effectuée le 12 octobre 2010, elle constate au moins 13 griefs en violation avec la loi minière.

    Les contradictions de l’Agence du patrimoine minier

    Le 8 novembre 2010, elle lui notifie un rappel à l’ordre, le sommant de «régulariser» sa situation «sous peine de l’application des dispositions prévues par la loi». Le 7 mars 2011, à deux mois de l’expiration du délai de 10 ans d’exploitation (mai 2011), l’Eurl Grani Ski introduit une demande de prorogation auprès de l’ANPM. Le 10 mars de la même année, le conseil d’administration de l’Agence se réunit et décide de lui accorder une année supplémentaire (renouvelable) d’activité. Le 14 avril 2011, l’autorisation est signée. Elle suscite de lourdes interrogations, notamment chez les responsables locaux qui espéraient qu’en vertu des nombreux rapports en défaveur des activités de la sablière, celles-ci allaient prendre fin.
    Cela n’a pas été le cas. Camions et grues poursuivent leur mouvement, suscitant les pires craintes sur l’environnement et la santé des riverains.

    En juin, Ecologica, Bariq et l’Association de protection de l’environnement et le développement durable de Azzaba saisissent le wali. Dans une lettre commune, ces associations dénoncent «les atteintes à l’environnement engendrées par l’extraction notamment à Sidi Merouane, dans la commune côtière de Fil Fila». Elles demandent au chef de l’exécutif «de contribuer à la préservation de l’écosystème en stoppant les ravages découlant des activités d’extraction de sable». Elles se sont interrogées sur les conditions d’octroi du titre minier à la société Grani Ski et à toutes les autres entreprises, insistant sur l’existence ou non d’études d’impact de telles activités sur l’environnement immédiat et la santé des citoyens. Mais à ce jour et malgré ce cri de cœur, aucune réponse ne leur a été donnée.
    L’environnement ne semble pas être une priorité à Skikda où les sept sablières ayant obtenu des titres miniers ces dix dernières années, ont causé des ravages dans la zone humide, qui s’étend sur les périmètres de trois communes : Benazouz, La Marsa et Djendel, pourtant protégée au niveau international en vertu de la convention Ramsar, à défaut d’être classée en Algérie et, de ce fait, échapper aux différentes atteintes…

    Salima Tlemçani -El Watan.
    Dernière modification par RoboCop, 10 juillet 2011, 13h10.
    Il y a des gens si intelligents que lorsqu'ils font les imbéciles, ils réussissent mieux que quiconque. - Maurice Donnay
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