De Nicolas Sarkozy à Hillary Clinton, du roi d'Espagne Juan Carlos, au président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, les messages de félicitations ont afflué au palais royal de Rabat. Six mois après les premières manifestations de jeunes décidés à réclamer une monarchie parlementaire, et l'arrêt de la corruption, le Maroc s'est doté d'une nouvelle Constitution approuvée par 98,5 % des 9,8 millions de votants qui se sont rendus aux urnes le 1er juillet pour donner leur avis sur le texte proposé par le roi Mohammed VI. Douze ans après avoir succédé à son père sur le trône, le souverain a ainsi relégitimé son pouvoir en s'offrant un bain de popularité. Mais surtout, le Mahkzen, le pouvoir marocain, a su se distinguer d'autres régimes arabes qui ont répondu à la contestation de la rue par la violence et la répression.
La nouvelle Constitution apporte incontestablement des avancées. Le principe de la non-discrimination, de race, de sexe ou de religion, y figure noir sur blanc. La parité hommes-femmes aussi. Plus de 50 articles, sur 180, énoncent des droits. "Dix-sept ont trait à la démocratie "participative" avec notamment l'introduction du droit de pétition", relève Driss El-Yazami, président du Conseil national des droits de l'homme et membre de la Commission consultative qui a préparé la réforme.
Alors d'où vient le malaise ? Car malaise il y a, comme le notait au lendemain du vote, Karim Boukhari, directeur du magazine TelQuel, l'un des rares titres indépendants de la presse marocaine. "La propagande qui a balayé le Maroc tout au long du passé avait un parfum du passé (...), écrit-il. Jamais, au grand jamais, nous n'avons senti un danger aussi grand et aussi près de nous. Le débat sur le texte (a) laissé la place à cette question qui a empêché l'épanouissement du royaume depuis son indépendance : qui est pour le roi et qui est contre ?"
Nombre d'observateurs journalistes se sont en effet étonnés du taux de participation affiché, 73,4 %, selon les résultats provisoires du ministère de l'intérieur marocain. Tout au long de la journée, les bureaux de vote, dans les quartiers populaires comme huppés, ont paru bien calmes. Dans le Financial Times le 3 juillet, le secrétaire général du parti islamiste Justice et développement (PJD), Abdelilah Benkirane, avait lui-même déclaré que ce taux de participation était "exagéré" avant de se rétracter. Les manifestants du Mouvement du 20 février, à l'origine de la contestation depuis des mois, eux, n'ont eu aucun état d'âme à dénoncer une triche. A Tanger, près de 10 000 personnes ont défilé le 3 juillet en criant "La honte !" ou "98 %, résultat hassanien" (en référence au règne autoritaire d'Hassan II). "Ce sont les mêmes chiffres que dans les années 1960, les mentalités n'ont pas changé", lançait alors Jamal Laasti, membre du Parti socialiste unifié (PSU).
Le malaise vient aussi de ceux que les manifestants nomment, comme en Egypte, les baltaguis, des provocateurs partisans du pouvoir. La veille du vote, à Rabat, Le Monde a pu constater que les manifestants du Mouvement du 20 février, guère nombreux au demeurant, ont été encerclés et menacés par une foule haineuse venue en bus, équipée de sonos et vêtue de T-shirts rouges. Des hommes portaient un faux cercueil sur lequel figuraient, barrées, les photos des principaux animateurs du 20 février. En face, les manifestants brandissaient des billets, façon de démontrer que leurs agresseurs étaient payés. Les insultes ont fusé, les coups aussi et les militants du 20 février n'ont dû leur survie qu'aux forces de sécurité.
Dans une lettre ouverte adressée le 6 juillet au ministre de l'intérieur, Abdelhamid Amine, membre de l'Association marocaine des droits de l'homme et figure bien connue de la gauche radicale, a décrit ces incidents. "On a permis à ces baltaguis, devenus pratiquement des forces auxiliaires, non officielles (...) de traiter les militants de vendus, d'ennemis du roi, d'athées, de mangeurs du Ramadan, de prostituées, d'homosexuels..." Des débordements qui se sont produits ailleurs d'autant plus superflus que le oui était assuré de l'emporter. Car, même s'il a bousculé le pouvoir, le Mouvement du 20 février reste minoritaire au Maroc.
Malaise enfin, avec le recours aux religieux. Huit jours avant le vote, les imams ont été contraints de lire un prêche envoyé par le ministère des affaires islamiques en faveur du oui, de la même manière que les imams des mosquées de Tunisie devaient suivre les consignes du régime Ben Ali ! Malaise toujours quand les discours ne sont pas en phase avec la réalité. Pour avoir critiqué les services de renseignement marocains, Rachid Niny, le directeur du quotidien Al-Massae, plus grand tirage de la presse arabophone, a écopé d'un an de prison ferme. Le correspondant de la chaîne de télévision Dubai TV depuis quatre ans, Jamal Almakhfi, a été renvoyé après s'être vu retirer par le ministère de la communication marocain son accréditation pour travailler. Il est l'un des fondateurs du Mouvement du 20 février, l'un de ces irréductibles qui promettent de poursuivre la contestation et ont, de nouveau, défilé par milliers, dimanche 10 juillet.
Source : Le Monde
La nouvelle Constitution apporte incontestablement des avancées. Le principe de la non-discrimination, de race, de sexe ou de religion, y figure noir sur blanc. La parité hommes-femmes aussi. Plus de 50 articles, sur 180, énoncent des droits. "Dix-sept ont trait à la démocratie "participative" avec notamment l'introduction du droit de pétition", relève Driss El-Yazami, président du Conseil national des droits de l'homme et membre de la Commission consultative qui a préparé la réforme.
Alors d'où vient le malaise ? Car malaise il y a, comme le notait au lendemain du vote, Karim Boukhari, directeur du magazine TelQuel, l'un des rares titres indépendants de la presse marocaine. "La propagande qui a balayé le Maroc tout au long du passé avait un parfum du passé (...), écrit-il. Jamais, au grand jamais, nous n'avons senti un danger aussi grand et aussi près de nous. Le débat sur le texte (a) laissé la place à cette question qui a empêché l'épanouissement du royaume depuis son indépendance : qui est pour le roi et qui est contre ?"
Nombre d'observateurs journalistes se sont en effet étonnés du taux de participation affiché, 73,4 %, selon les résultats provisoires du ministère de l'intérieur marocain. Tout au long de la journée, les bureaux de vote, dans les quartiers populaires comme huppés, ont paru bien calmes. Dans le Financial Times le 3 juillet, le secrétaire général du parti islamiste Justice et développement (PJD), Abdelilah Benkirane, avait lui-même déclaré que ce taux de participation était "exagéré" avant de se rétracter. Les manifestants du Mouvement du 20 février, à l'origine de la contestation depuis des mois, eux, n'ont eu aucun état d'âme à dénoncer une triche. A Tanger, près de 10 000 personnes ont défilé le 3 juillet en criant "La honte !" ou "98 %, résultat hassanien" (en référence au règne autoritaire d'Hassan II). "Ce sont les mêmes chiffres que dans les années 1960, les mentalités n'ont pas changé", lançait alors Jamal Laasti, membre du Parti socialiste unifié (PSU).
Le malaise vient aussi de ceux que les manifestants nomment, comme en Egypte, les baltaguis, des provocateurs partisans du pouvoir. La veille du vote, à Rabat, Le Monde a pu constater que les manifestants du Mouvement du 20 février, guère nombreux au demeurant, ont été encerclés et menacés par une foule haineuse venue en bus, équipée de sonos et vêtue de T-shirts rouges. Des hommes portaient un faux cercueil sur lequel figuraient, barrées, les photos des principaux animateurs du 20 février. En face, les manifestants brandissaient des billets, façon de démontrer que leurs agresseurs étaient payés. Les insultes ont fusé, les coups aussi et les militants du 20 février n'ont dû leur survie qu'aux forces de sécurité.
Dans une lettre ouverte adressée le 6 juillet au ministre de l'intérieur, Abdelhamid Amine, membre de l'Association marocaine des droits de l'homme et figure bien connue de la gauche radicale, a décrit ces incidents. "On a permis à ces baltaguis, devenus pratiquement des forces auxiliaires, non officielles (...) de traiter les militants de vendus, d'ennemis du roi, d'athées, de mangeurs du Ramadan, de prostituées, d'homosexuels..." Des débordements qui se sont produits ailleurs d'autant plus superflus que le oui était assuré de l'emporter. Car, même s'il a bousculé le pouvoir, le Mouvement du 20 février reste minoritaire au Maroc.
Malaise enfin, avec le recours aux religieux. Huit jours avant le vote, les imams ont été contraints de lire un prêche envoyé par le ministère des affaires islamiques en faveur du oui, de la même manière que les imams des mosquées de Tunisie devaient suivre les consignes du régime Ben Ali ! Malaise toujours quand les discours ne sont pas en phase avec la réalité. Pour avoir critiqué les services de renseignement marocains, Rachid Niny, le directeur du quotidien Al-Massae, plus grand tirage de la presse arabophone, a écopé d'un an de prison ferme. Le correspondant de la chaîne de télévision Dubai TV depuis quatre ans, Jamal Almakhfi, a été renvoyé après s'être vu retirer par le ministère de la communication marocain son accréditation pour travailler. Il est l'un des fondateurs du Mouvement du 20 février, l'un de ces irréductibles qui promettent de poursuivre la contestation et ont, de nouveau, défilé par milliers, dimanche 10 juillet.
Source : Le Monde
Commentaire