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Tamazight au Maroc Fin de l’apartheid linguistique

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  • Tamazight au Maroc Fin de l’apartheid linguistique

    La langue amazighe est inscrite dans le marbre de la Constitution marocaine. Incontestablement, c’est un acquis historique arraché de haute lutte. Les autres pays d’Afrique du Nord, dont l’Algérie, ne peuvent plus persister dans le déni identitaire.


    Maroc.
    De notre envoyé spécial

    Khmisset est une ville en liesse en ce 2 juillet 2001. Située à mi-chemin entre Rabat et Meknès, elle vibre au rythme des chants berbères. C’est une province berbère, tout comme la plupart des régions du Maroc. Il est rare d’entendre des échanges dans une autre langue que tamazight. «Ici, même les arbres parlent tamazight», murmure le chauffeur de taxi qui nous emmène vers cette terre ancestrale. Les mélodies d’Idir et de la chanteuse berbère marocaine Fatoum résonnent dans les cafés. Des drapeaux jaune, vert et bleu frappés d’un Z flottent sur les balcons. Les habitants de Khmisset célèbrent une victoire après des décennies de lutte. Une grande conquête.
    La même ambiance règne, ce jour-là, un peu partout dans le royaume. Dans le Nord, à Nador, à El Hoceima, dans le Rif comme dans le Moyen Atlas, c’est la fête. La langue amazighe est désormais érigée au statut de langue officielle à la faveur de la nouvelle Constitution marocaine adoptée la veille. Après sa reconnaissance en tant que langue nationale en 2003, cette langue, dont les racines structurent l’histoire, la civilisation et la culture de l’Afrique du Nord, est gravée dans le marbre de la Constitution du Maroc. «C’est l’aboutissement d’un long combat mené par des générations de militants amazighs.
    Cette officialisation met un terme à un déni identitaire», lâche avec fierté Khalid, originaire de Aït Yedine et animateur du Mouvement du 20 février. Il nous invite dans un café pour «arroser» cette victoire. Mais «c’est une célébration dans la lutte», dit-il. Le combat continue. Rejoint par d’autres animateurs du Mouvement, drapés d’étendards berbères, la discussion s’enclenche sur les préparatifs de la marche du dimanche 3 juillet. «Le makhzen pense s’assurer notre silence et notre approbation en accordant à notre langue un statut officiel. C’est un droit naturel. On ne va pas renoncer au combat pour la démocratie et la dignité au Maroc», lance un autre militant d’un ton convaincant.
    Mis à part quelques associations qui ont laissé le libre choix de voter ou pas, comme la Confédération amazighe du Sud, l’ensemble du mouvement amazigh marocain a appelé au boycott du référendum sur la nouvelle Constitution. Le très actif réseau amazigh pour la citoyenneté Azêtta, qui a pris acte de l’officialisation de la langue amazighe, estime par ailleurs que la nouvelle Constitution «n’est pas à la mesure des aspirations démocratiques du peuple marocain et ne consacre pas une véritable rupture avec le passé». Le constat est partagé par l’Observatoire amazigh des droits et libertés (OADL).

    Tamazight oui, mais pas sans la liberté et la démocratie

    L’évocation d’une loi organique définissant «le processus de mise en œuvre du caractère officiel de la langue amazighe ainsi que les modalités de son intégration dans l’enseignement et dans les domaines prioritaires de la vie publique nous conduit à nous poser certaines questions légitimes après des décennies de violation de notre dignité et des épreuves du passé et du présent qui nous ont appris à nous méfier. Cette nouvelle loi va-t-elle tout remettre en question et reprendre les choses à zéro ? Ou prendra-t-elle en compte les acquis réalisés ces dernières années, notamment dans l’enseignement, malgré toutes les entraves dues à l’absence de protection légale de la langue amazighe ? Combien de temps, quel budget ? Il semble qu’un autre combat inéluctable, encore plus rude, attend les défenseurs de cette langue et de cette culture», s’interroge l’Observatoire.
    Les coordinations et associations amazighes du Maroc central ont aussi fait campagne pour le boycott du référendum. Ainsi, pas question de se désolidariser du mouvement de contestation qui réclame depuis février dernier liberté, dignité et justice sociale. «Le mouvement amazigh en général a boycotté le référendum. Nous ne voulons pas quitter le front du Mouvement du 20 février, dont les militants amazighs sont une composante importante. Les premiers noyaux du Mouvement, ce sont des militants amazighs. Il ne fallait surtout pas briser cette dynamique. C’est un mouvement solidaire. Et on ne veut pas de tamazight dans un pays privé de liberté et de démocratie», analyse le vétéran du combat amazigh dans le royaume, Ahmed Degharni.

    Porté par un mouvement populaire et assumée par la majorité des courants d’opinion, à l’exception des islamistes du PJD et des nationalistes de l’Istiqlal, le fait amazigh s’est imposé dans la rue. La monarchie ne pouvait plus s’obstiner à le nier. Cinquante ans d’ostracisme et d’apartheid linguistique n’ont pas pu anéantir une culture aussi millénaire que le Maroc. Avec la reconnaissance de l’Etat marocain de la dimension amazighe (langue, culture et civilisation), le combat identitaire en Afrique du Nord a franchi un pas important.
    Il s’affirme dans une Tunisie débarrassée de la dictature. En Libye, le Conseil national de transition inscrit tamazight dans son programme. L’Algérie, dont le combat identitaire a été pourtant mené avec acharnement, reste à la traîne. Certes, la lutte menée par le Mouvement culturel berbère (MCB) a perdu de sa verve, mais il n’en demeure pas moins que l’Etat algérien est sérieusement interpellé sur cette question, qui est foncièrement démocratique. Il doit fatalement reconnaître, et de manière officielle, le fait amazigh.
    Hacen Ouali ( Al Watan)
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