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Palestine : l’énergie du désespoir

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  • Palestine : l’énergie du désespoir

    Enlisés dans une situation inextricable depuis près de neuf mois, faute de perspective sérieuse de reprise du processus de paix, les Palestiniens comptent désormais instrumentaliser la tribune de l’ONU pour obtenir une reconnaissance de leur Etat et faire valoir leurs droits sur le plan international. En effet, la demande d’adhésion de la Palestine à l’ONU, qui sera soumise prochainement par la Ligue arabe, a été confirmée jeudi dernier à Doha, où le chef de l’organisation panarabe, Nabil Al-Arabi, a affirmé que le Comité de suivi de la Ligue avait «décidé de s’adresser aux Nations unies pour demander une reconnaissance de l’Etat palestinien». L’échec de la réunion du quartette (Union européenne, Russie, Etats-Unis, ONU), où la relance du processus de paix au Proche-Orient était débattue, aura définitivement convaincu la Ligue arabe d’aller au bout de sa démarche. Aucun communiqué n’a d’ailleurs été publié à l’issue d’un dîner de deux heures et demie réunissant Hillary Clinton, son homologue russe Sergueï Lavrov, Catherine Ashton, porte-parole de la diplomatie européenne, et l’envoyé spécial du quartette, Tony Blair, tant les positions des uns et des autres étaient irréconciliables.

    Cette réunion avait, en fait, pour objectif réel, à travers l’éventuelle relance du processus de paix, d’éviter la confirmation de la demande d’adhésion de la Palestine à l’ONU, une perspective dont «au fond, personne ne veut, compte tenu de l’incertitude et des menaces de confrontation que cette décision ferait peser sur la région», a déclaré un diplomate américain sous couvert de l’anonymat.

    Un rejet qui souffre néanmoins des nuances, la France s’étant dit prête «à prendre ses responsabilités», c’est-à-dire à voter la reconnaissance, tandis que les Etats-Unis, mais aussi l’Allemagne, s’y montrent hostiles. Du côté d’Israël, officiellement, les négociations butent sur la définition d’une ligne acceptable par les protagonistes, l’Etat sioniste rejetant toujours la proposition formulée par Barack Obama le 19 mai dernier, appelant à la cohabitation de deux Etats sur la base des lignes antérieures à la guerre des Six Jours, avec des échanges de territoires mutuellement consentis.

    Le «barrage» électoral :

    Les considérations de politique intérieure pèsent également lourd dans la prise de position des Etats-Unis, un membre du Congrès américain a d’ailleurs déclaré à ce sujet qu’il fallait attendre «Obama II» pour voir le processus de paix se réengager. Le président américain aura, en effet, fort besoin du soutien des autorités israéliennes pour sa réélection en 2012 ; heurter l’Etat sioniste en vue de cette perspective serait donc électoralement périlleux pour le président américain. Néanmoins, la détermination de la Ligue arabe ne sera pas altérée par le probable veto américain. Nabil Abou Roudeina, porte-parole de M. Abbas, a affirmé à cet effet que les Palestiniens sont déterminés à obtenir une reconnaissance de leur Etat «avec ou sans le veto américain». Il faut signaler également que l’initiative de la Ligue arabe a pour but de pousser les autorités israéliennes dans leurs retranchements afin qu’elles acceptent enfin le principe de négociation sur les démarcations des frontalières de 1967. «Nous voulons entendre de la bouche du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, “j’accepte le principe de deux Etats sur les lignes de 1967” », a déclaré M. Erakat, négociateur en chef de l’Autorité palestinienne.

    Le «médiateur» français :

    Pour éviter une conflagration diplomatique, les Français jouent les conciliateurs et espèrent trouver à travers la conférence de donateurs pour les Palestiniens – initialement prévue en juin et repoussée à septembre – l’amorce d’une discussion. Cette réunion n’a malheureusement pas reçu l’accueil escompté auprès des autorités américaines et israéliennes. Malgré cet état de fait, le ministre des Affaires étrangères français Alain Juppé ne désespère pas. Ce dernier affirmait d’ailleurs mardi dernier, envers et contre tout, que «les travaux du quartette se poursuivront». «Il est un peu tôt pour dresser un constat d’impasse», a ajouté le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Bernard Valéro. En effet, à Paris, on ne renonce pas au projet d’organiser une conférence sur l’aide aux Palestiniens car «cette question ne pourra pas être éludée», dit-on au Quai d’Orsay. Néanmoins, le principal levier réside toujours à Washington qui a montré jusqu’à présent peu d’allant pour la reprise du processus de paix.

    La nécessaire réforme de l’ONU :

    Même si la portée symbolique d’une reconnaissance de l’Etat palestinien pourrait avoir un impact important sur le plan diplomatique, celle-ci ne doit pas représenter une fin en soi mais un moyen pour les Nations unies afin de pousser Israël à appliquer les résolutions votées.

    Ainsi, en voulant bien trop souvent concilier des intérêts contradictoires, l’ONU a fini par devenir plus une tribune stérile pour les pays en voie de développement qu’une instance capable de faire respecter le droit international. Les discussions sur la nécessité de réformer l’ONU afin de lui conférer une nouvelle impulsion se poursuivent d’ailleurs depuis longtemps.

    Mais, à ce jour, rien de substantiel n’a été fait dans ce domaine. Le maximum que puisse faire cette organisation bureaucratisée à l’extrême, dont la mission principale consiste à maintenir théoriquement la paix dans le monde, est de remplir médiocrement le rôle de la Croix-Rouge. Effectivement, depuis quelques décennies maintenant, l’ONU ne s’occupe plus sérieusement ni de la prévention des conflits ni de leur règlement. Elle ne fait qu’acheminer des aides humanitaires aux victimes des conflits dès que ces derniers sont désamorcés.

    En d’autres termes, la machine bureaucratique de l’ONU tourne au ralenti, avec énormément de peine, sans garantie de solution positive et efficace. De ce fait, ceux qui sont aujourd’hui exposés aux bombardements et aux pilonnages en Palestine ne peuvent qu’espérer un sort meilleur. Pour ce qui est des diplomates, ils sont toujours «profondément préoccupés», «atterrés» et «gardent constamment à l’étude la situation»…

    Face à une Europe mitigée, des Américains et des Israéliens déterminés à empêcher la reconnaissance de l’Etat palestinien, la proposition de la Ligue arabe n’a donc pas grande chance d’aboutir. Mais cette initiative aura au moins le mérite de démontrer, une fois de plus, à la face du monde que les proclamations de bonnes intentions des gouvernements occidentaux sont rarement suivies d’effet et que, par conséquent, le calvaire du peuple palestinien est loin d’être achevé.

    Par Samir Hamma, La Tribune
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