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Le Yémen et le spectre de la sécession

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  • Le Yémen et le spectre de la sécession

    Les évènements s’accélèrent au Yémen et la situation semble échapper aux autorités de Sanaâ qui cherchent à éviter les scénarios qui provoqueraient la chute du régime d’Ali Abdallah Saleh, en convalescence en Arabie saoudite depuis l’attaque dont il a été victime le 3 juin dernier dans la mosquée de son palais présidentiel. Son apparition récente à la télévision d’Etat, avec des brûlures sur une partie de son visage, n’a rien de rassurant même s’il insiste, tout comme son entourage, sur l’imminence de son retour au pays pour achever son mandat qui expire en septembre prochain.

    Et pour cause, l’opposition, menée par les jeunes et soutenue par les chefs tribaux, a créé un Conseil national de transition (CNT) dont fait partie l’ancien Premier ministre Abu Bakr Haidar Al-Attas et l’ancien ministre de la Défense Abdullah Ali Aleiwa. La création de ce conseil marque un grand tournant dans la crise politique au Yémen.

    D’un côté, il y a un régime qui ne veut pas lâcher les rênes du pouvoir ou lancer des réformes politiques à même de satisfaire le peuple yéménite qui veut plus d’ouverture et de participation dans la vie politique et sociale de son pays, de l’autre côté, une partie de l’opposition n’est pas d’accord avec la création du CNT estimant qu’elle n’a pas été consultée pour donner son avis.

    Mais l’enjeu est ailleurs. Le régime de Saleh pourrait recourir à plus de violence cette fois-ci pour mater une opposition qui se radicalise de jour en jour. La révolte populaire yéménite pourrait tourner à l’affrontement armé car toutes les conditions pour un tel scénario sont réunies.

    D’abord, l’Etat yéménite ne dispose pas d’institutions fortes pour éviter puis faire face à une telle éventualité en raison de la dominance de l’esprit tribal aussi bien au sein de la société que dans des hautes sphères du pouvoir. L’entêtement du président actuel à rester au pouvoir ne dépend pas, en fait, de lui seul mais aussi des membres de la tribu qu’il représente.

    La menace d’Al-Qaïda

    Un autre détail conforte cette thèse du basculement dans la violence armée. Il s’agit l’influence grandissante de la branche locale d’Al-Qaïda. Autrement dit, la poursuite des manifestations contre le président Saleh, au pouvoir depuis 33 ans, couplée par une présence de plus en plus importante d’une activité terroriste intensive, notamment dans le sud du Yémen, augure d’un avenir sombre pour ce petit pays, l’un des plus pauvres de la péninsule arabique.

    La situation sécuritaire au Yémen s’est dégradée davantage ces dernières semaines avec l’émergence de nouveaux groupes armés, se réclamant tous de la nébuleuse islamiste dont le chef fondateur Oussama Ben Laden avait été éliminé au Pakistan début juin dernier par un commando de l’armée américaine. Ces insurgés ont profité de l’instabilité politique actuelle pour se renforcer davantage, notamment à Zinjibar, dans le sud du pays. Mais c’est surtout dans la ville de Loder qui est devenue au fil du temps le bastion de cette rébellion armée que les actions de violences se sont multipliées ces derniers mois. Un récent attentat contre l’armée a coûté la vie à une dizaine de soldats dans le nord de cette ville de Loder. Les responsables de la branche locale d’Al-Qaïda ont revendiqué cette attaque qui a fait aussi des blessés parmi les soldats qui étaient en déplacement dans la région. Les «partisans de la charia» sont aussi derrière l’enlèvement à Zinjibar d’une cinquantaine de soldat au début de ce mois de juillet, a déclaré à la presse un haut responsable de l’armée qui a ouvertement accusé le ministère de la Défense d’avoir abandonné cette unité aux terroriste d’Al-Qaïda. «Nous avons perdu la trace de 50 soldats après une attaque d’éléments d’Al-Qaïda qui leur a permis de reprendre le contrôle du stade Al-Wahda», proche de la ville de Zinjibar, a déclaré ce responsable de la 25e Brigade mécanisée sous couvert d’anonymat à l’AFP. Les combattants d’Al-Qaïda contrôlent la ville de Zinjibar depuis fin mai dernier, grâce à l’implication de certaines tribus opposées au régime d’Ali Abdallah Saleh.

    L’armée de Sanaâ a organisé plusieurs opérations pour les déloger mais elle n’arrive toujours pas à le faire après presque deux mois d’offensive dans cette région, proche de Loder et capitale de la province d’Abyane. Dimanche encore, pas moins de quinze personnes ont été tuées dont quatre soldats et dix combattants des Partisans de la Charia, dans les violents combats ayant opposé l’armée aux membres de ce groupe. Les combats ont eu justement lieu autour de la base de la 25e brigade mécanisée qui a subi plusieurs attaques au lendemain même de la disparition des 50 soldats dont a parlé le haut officier de l’armée yéménite. Les combattants d’Al-Qaïda qui, jusque-là, ont bénéficié du soutien d’une partie des membres des tribus locales, disposeraient de nombreuses caches d’armes dont certaines ont été détruites par les bombardements de l’aviation de Sanaâ. Même si certaines tribus du sud ont décidé de renoncer à soutenir les éléments d’Al-Qaïda, elles ne sont toutefois pas favorables au régime d’Ali Abdallah Saleh. D’ailleurs, tout en pourchassant les insurgés d’Al-Qaïda, aux côtés de l’armée régulière, les membres de ces tribus sont aussi dans la rue dimanche pour «une journée de la colère» contre le président Saleh, le jour même de son arrivée au pouvoir, il y a trente-trois ans.

    Le Yémen et le spectre de la sécession

    Des mois bien avant le déclenchement de ce qui est communément appelé «le printemps arabe» qui n’a pas épargné le Yémen, les autorités de Sanaâ étaient confrontées à une autre crise de plus grande gravité. Le régime d’Ali Abdallah Saleh faisait face à une permanente contestation des habitants du Yémen du sud qui réclament leur indépendance du Yémen du Nord, estimant que depuis leur réunification, au début de 1990, ils n’ont bénéficié d’aucun plan de développement économique ou social. Des manifestations ont eu lieu à maintes reprises à Aden, la capitale du Yémen du sud, pour réclamer plus de justice sociale du régime de Sanaâ qui avait à chaque fois eu recours aux forces de sécurité pour mater les leaders du mouvement séparatiste local. Aujourd’hui, si ces mouvements semblent s’être tus momentanément, préférant peut-être suivre de près le développement de cette révolte populaire à Sanaâ et à Taëz, il n’est pas certain qu’ils renonceraient à l’idée de la sécession qui a suscité l’adhésion d’une partie d’une majorité des habitants du Yémen du sud.

    Par Lyes Menacer, La Tribune
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