Yunes Elharaz hésite encore à reprendre son nom berbère d'«Anmmutur». Mais il s'est promis de donner à son premier enfant à naître bientôt un prénom de son peuple. Les Imazighen («Amazigh», au singulier), comme ils s'appellent ici sur leurs terres haut perchées du Djebel Nefousa, ont relevé la tête depuis le début de l'insurrection contre le colonel Kadhafi. Premiers à s'insurger, en même temps que les Arabes de Benghazi, à l'autre extrémité du pays, les Berbères qui vivent dans l'Ouest, le long de la frontière tunisienne, mènent aujourd'hui un double combat, militaire et politique, pour la reconnaissance de leur langue et de leur identité dans la future Libye, celle de l'après-Kadhafi.
À Jadu, la bourgade de quelque 15.000 âmes où Yunes Elharaz a vu le jour, les emblèmes, slogans et drapeaux berbères, interdits sous Kadhafi, ont fleuri. Dans plusieurs bâtiments officiels désormais aux mains des rebelles trônent des portraits de Souleiman al-Barouni, l'écrivain et homme politique qui mena la résistance des Amazighen à l'occupant italien dans le Djebel Nefousa, à la veille de la Première Guerre mondiale.
Des femmes peu voilées
Contrairement à toutes les autres villes arabes de Libye, où l'année scolaire s'est interrompue au commencement de la rébellion, en février dernier, à Jadu, les enfants continuent de prendre le chemin de l'école, chaque jour en fin d'après-midi. Alors que leurs maris et fils partaient au front, un groupe de femmes a pris l'initiative de dispenser des cours de tamazight, la langue berbère. Ces maîtresses n'arborent que des voiles légers, qui ne leur couvrent pas entièrement la chevelure. Un étranger peut les regarder en face, alors qu'à Zenten et dans les autres bourgades arabes du Djebel Nefousa il ne peut apercevoir fugitivement que des niqabs noirs. Encouragés par ces maîtresses nées avec la révolution, les enfants de Jadu écrivent au tableau les curieux symboles tamazights, récitent quelques leçons dans cette langue qu'il était interdit de parler sous Kadhafi, puis, alignés sous le préau, entonnent, en l'honneur du visiteur, le nouvel hymne de la Libye libre.
Juste à côté de cette école, à la terrasse du café sur la place centrale, les hommes parlent politique. Fathi Anfusi, qui a participé au premier congrès des Berbères libyens organisé en 2005 à Agadir (Maroc), est intarissable. «Nous, les Berbères, assure-t-il, nous avons plus souffert que les Arabes sous Kadhafi. Nous avons toujours été désignés comme des criminels, des agents du Mossad, de la CIA ou des services secrets français. Seïf al-Islam (le fils du dictateur et porte-parole officieux du régime) vient encore de dire à la télévision que les Berbères veulent venir à Tripoli pour tuer des Arabes. Mais nous nous battons tous, Berbères et Arabes, pour une Libye libre.»
Khalifa Amdurakal, un voisin un peu plus âgé qui s'impatientait de ne pouvoir prendre part à la conversation, renchérit: «Si nous avons pris les armes, c'est pour nous battre pour la liberté de tous les Libyens! Regardez sur les tee-shirts, il y a marqué “Libya”, pas “Amazigh”.» «Notre premier objectif, poursuit-il, c'est de libérer la Libye. Notre combat amazigh passe après.»
À Jadu, la bourgade de quelque 15.000 âmes où Yunes Elharaz a vu le jour, les emblèmes, slogans et drapeaux berbères, interdits sous Kadhafi, ont fleuri. Dans plusieurs bâtiments officiels désormais aux mains des rebelles trônent des portraits de Souleiman al-Barouni, l'écrivain et homme politique qui mena la résistance des Amazighen à l'occupant italien dans le Djebel Nefousa, à la veille de la Première Guerre mondiale.
Des femmes peu voilées
Contrairement à toutes les autres villes arabes de Libye, où l'année scolaire s'est interrompue au commencement de la rébellion, en février dernier, à Jadu, les enfants continuent de prendre le chemin de l'école, chaque jour en fin d'après-midi. Alors que leurs maris et fils partaient au front, un groupe de femmes a pris l'initiative de dispenser des cours de tamazight, la langue berbère. Ces maîtresses n'arborent que des voiles légers, qui ne leur couvrent pas entièrement la chevelure. Un étranger peut les regarder en face, alors qu'à Zenten et dans les autres bourgades arabes du Djebel Nefousa il ne peut apercevoir fugitivement que des niqabs noirs. Encouragés par ces maîtresses nées avec la révolution, les enfants de Jadu écrivent au tableau les curieux symboles tamazights, récitent quelques leçons dans cette langue qu'il était interdit de parler sous Kadhafi, puis, alignés sous le préau, entonnent, en l'honneur du visiteur, le nouvel hymne de la Libye libre.
Juste à côté de cette école, à la terrasse du café sur la place centrale, les hommes parlent politique. Fathi Anfusi, qui a participé au premier congrès des Berbères libyens organisé en 2005 à Agadir (Maroc), est intarissable. «Nous, les Berbères, assure-t-il, nous avons plus souffert que les Arabes sous Kadhafi. Nous avons toujours été désignés comme des criminels, des agents du Mossad, de la CIA ou des services secrets français. Seïf al-Islam (le fils du dictateur et porte-parole officieux du régime) vient encore de dire à la télévision que les Berbères veulent venir à Tripoli pour tuer des Arabes. Mais nous nous battons tous, Berbères et Arabes, pour une Libye libre.»
Khalifa Amdurakal, un voisin un peu plus âgé qui s'impatientait de ne pouvoir prendre part à la conversation, renchérit: «Si nous avons pris les armes, c'est pour nous battre pour la liberté de tous les Libyens! Regardez sur les tee-shirts, il y a marqué “Libya”, pas “Amazigh”.» «Notre premier objectif, poursuit-il, c'est de libérer la Libye. Notre combat amazigh passe après.»
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