La tendance s'est inversée et les magasins algériens sont devenus le nouvel eldorado des émigrés.
A chaque époque ses clichés. Finis les sacs «Tati» surchargés qui ornaient les porte-bagages des voitures de nos émigrés de retour au pays. En 2011, cette image est toujours perceptible en contrebas de l'ancienne citadelle, la Casbah. Sauf que...ces mêmes véhicules vont dans le sens inverse, au lieu de sortir du port, ils y rentrent pour prendre la direction de l'Hexagone. C'est un nouveau phénomène qui est apparu. Les «Z'magra», comme ils sont communément appelés à Alger, font du shopping au «bled». De l'habillement en passant par les produits cosmétiques et la vaisselle jusqu'à l'électroménager, les vacances des émigrés deviennent l'occasion de conclure de bonnes affaires. «J'ai équipé ma cuisine avec de l'électroménager made in Algeria», nous confie Hakim, trentenaire habitant à Aix-en-Provence dans les Bouches-du-Rhône. Rencontré au Hamiz, dans la banlieue Est d'Alger, Hakim, était en pleine chasse. «Je suis à la recherche d'une télévision LCD, pour égayer mes soirées», dit-il. «Vous vous rendez compte, des LCD 32''» qui me reviennent à 250-280 euros, il y a de quoi être heureux», se rejouit-il. Hakim se dit accro du Hamiz et ses magasins. «Je suis devenu un habitué des lieux, je me suis même fait des connaissances parmi les vendeurs qui me font de bonnes remises», rapporte le jeune homme tout souriant. «J'ai...», il est interrompu par l'un des vendeurs, qui confirme que Hakim est un client très fidèle. «Oui, c'est vrai qu'il est un acheteur régulier. Vous voyez les produits, les commerçants du Hamiz concurrencent les grandes franchises européennes sur leur propre territoire», plaisante-t-il. Le même commerçant nous rapporte que nombreux sont les Algériens issus de l'émigration qui fréquentent les magasins du célébrissime quartier de la banlieue algéroise réputée pour la vente de l'électroménager et des produits électroniques. «En été, plus particulièrement, on a beaucoup de clients de nos compatriotes vivant dans le Vieux Continent. Ils achètent divers produits électroniques, de l'électroménager. Mais ce qui les attire le plus, ce sont les démodulateurs numériques et leurs cartes pirates. Enfin, tout ce qui leur permet de «décoder» gratuitement leurs chaînes TV favorites», révèle le sympathique vendeur. Revenons à Hakim, l'émigré, qui nous explique que pour l'électroménager, les prix sont beaucoup plus abordables qu'en France. «On vient chaque été au bled qui plus est, en voiture. Alors, pourquoi ne pas profiter pour faire des affaires?», confie-t-il.
El djorf nargue Tati
Notre tournée à la recherche des émigrés du nouveau millénaire nous mène cette fois-ci à un autre quartier marchand de la banlieue Est d'Alger, qui est cependant, réputé pour l'habillement et la vaisselle. Certains d'entre vous ont dû déjà deviner qu'il s'agit du marché d'El Djorf à Bab Ezzouar, plus connu sous le nom de «marché Dubaï». Notre halte a été des plus fructueuses puisque les artères du quartier grouillaient de monde aux divers accents de l'autre côté de la Méditerranée. Mais, contrairement à El Hamiz où les expatriés hommes étaient plus nombreux, le marché Dubaï, est plus prisé par les émigré(e)s... «M'an (Maman), tu as des belins (Argent en provençal)? J'ai trouvé des peuchères (chaussures)», demande avec un bel accent provençal, Anaïs jeune adolescente marseillaise, à sa mère. Nous décidons de les interpeller. «Des Marseillais qui font leurs courses en Algérie, cela nous paraît un peu bizarre. Vous n'avez pas trouvé votre bonheur du côté de la Canebière?». «Non, notre vrai bonheur, on le trouve ici, dans notre pays. Avec 200 euros, je peux gâter toute ma famille», nous répond, toute souriante, la maman d'Anaïs. «A part pendant la période des soldes, on ne peut pratiquement rien s'acheter en France. C'est trop trop cher. Par contre ici, même si la qualité n'est pas toujours au rendez-vous, on peut se payer ce qu'on veut», rétorque-t-elle. Sa soeur qui est aussi de Marseille, est, elle, venue spécialement de France pour les préparatifs du mariage de sa fille. «Toutes les tenues pour le mariage de ma fille, je les ai achetées en Algérie il y a quelques mois, là je suis revenue pour acheter la vaisselle, les dragées et les boîtes à gâteaux...», avoue-t-elle. «Grâce aux commerçants algériens, je vais organiser à ma fille le mariage de ses rêves. Faire mes courses en Algérie m'a permis beaucoup d'économies, en plus, Wallah, qu'il y a des choses qu'on trouve au bled et pas en France», atteste-t-elle. Avant de nous laisser partir, les deux femmes tiennent absolument à nous raconter une anecdote. «C'est une amie qui nous a donné l'idée de faire nos courses de mariage en Algérie», admet-elle. Lors du mariage de son fils avec sa cousine qui vit en Algérie, l'amie des deux dames avait constaté que le coût des préparatifs du mariage, était moins cher en Algérie qu'en France et que les choix étaient beaucoup plus variés. «Je viens pratiquement tous les trois mois au pays avec ma voiture pour voir ma mère. Alors pourquoi ne pas profiter pour prendre avec moi les accessoires de mariage que je revendrai en France», s'est-elle dit. C'est effectivement ce quelle a fait, elle prend des commandes pour les robes traditionnelles qu'elle coud chez des couturières algériennes. Elle prend avec elle des robes blanches et des accessoires pour les mariées...Elle fait même de la location. «Les affaires marchent très bien pour elle», nous confient les deux soeurs. «Les marges bénéficiaires sont énormes. Ici une robe de mariée peut être achetée à 200 euros, en France, ce n'est même pas le prix de son voile», certifie-t-elle. Notre tournée à la recherche du «Soldat migrit», nocturne cette fois-ci, se poursuit au centre commercial de Bab Ezzouar. Les émigrés sont aussi nombreux qu'à El Hamiz et El Djorf. Des familles venues des quatre coins de l'Europe profitent de la beauté et de l'esprit convivial de l'endroit. «Wawe! je suis contente de voir qu'enfin le pays dispose de centres commerciaux dignes de ce nom», affirme fièrement Samira, une Algérienne de Getafe (banlieue de Madrid) qui était accompagnée de Lamine son mari et leurs trois enfants. «Le centre ne ferme pas tôt. On profite de la soirée, des beaux restos. On fait du lèche-vitrine...Que demander de plus!», s'écrit-elle.
Même la poterie est embarquée
Lamine, son mari a, quant à lui, profité de cette sortie pour faire du shopping. «J'ai pas pu résister devant une paire de Timberland qui m'est revenue aux alentours de 80 euros. La même est beaucoup plus chère en Espagne, qui, faut-il le rappeler, est l'un des pays les moins chers d'Europe à cause des taxes qui sont pratiquement inexistantes», précise-t-il. «Dis, Selim, 2200 DA, c'est combien en euros?», lance Sylvie, à son mari qui tient le rôle du banquier. C'est la première fois que Selim rentre au pays avec sa femme Sylvie, qui est française de souche. Cette dernière a été agréablement surprise par l'Algérie et ses «shops». «Je n'ai pas arrêté d'acheter depuis qu'on est arrivé et il me reste beaucoup d'argent», ironise-t-elle. «J'ai adoré les magasins algériens, les produits qu'il proposent au centre d'Alger. J'étais comme une hystérique devant les vitrines», nous raconte-t-elle. «Eho...chérie comment s'appelaient les beaux quartiers qu'on a visités hier?», demande Sylvie à son mari. «Ben Aknoun et Hydra», lui répond-il. «Ah! oui, là j'étais pas hystérique mais comme une vraie folle. Je n'ai fait qu'acheter, acheter. Je ne sais pas comment on va emmener tout ce qu'on a acheté?En plus, on est partis admirer la beauté de la Kabylie, on s'est surchargés de poteries et de bijoux traditionnels», s'inquiète-t-elle. «Vive les shoppings en Algérie! Ça nous change de la grisaille des commerces de Roubaix (nord de la France)...», se réjouit-elle. Pour Belkacem, cette année, c'est le moment ou jamais de faire des affaires au pays. «Avec l'augmentation des cours de l'euro au marché noir, c'est le Jackpot. La cagnotte qu'on empoche en dinars n'a jamais été aussi conséquente», rapporte-t-il, tout content. Belaïd, qui n'a plus remis les pieds au «bled», depuis 15 ans, est, quant à lui, étonné de tous les commerces qui ont poussé comme des champignons à travers les quatre coins du pays. «Les magasins sont nombreux, la marchandise est disponible. Il y a tout ce qu'on veut, je dirais même que c'est mieux qu'en Europe car il y a les marques, les imitations, les sous-marques...tout quoi...! Le pays a vraiment changé», confie-t-il. L'Algérie fait donc le bonheur de sa communauté installée à l'étranger. Belles vacances sous le soleil, shopping à volonté...Tout ce dont peut rêver l'émigré qui est coincé tout au long de l'année entre quatre murs. La tendance s'est donc inversée, ce sont les expatriés qui trouvent désormais leur bonheur dans les commerces du «bled». Il ne sera donc pas étonnant de voir la «Harga», faire elle aussi, le sens inverse.
L'expression
A chaque époque ses clichés. Finis les sacs «Tati» surchargés qui ornaient les porte-bagages des voitures de nos émigrés de retour au pays. En 2011, cette image est toujours perceptible en contrebas de l'ancienne citadelle, la Casbah. Sauf que...ces mêmes véhicules vont dans le sens inverse, au lieu de sortir du port, ils y rentrent pour prendre la direction de l'Hexagone. C'est un nouveau phénomène qui est apparu. Les «Z'magra», comme ils sont communément appelés à Alger, font du shopping au «bled». De l'habillement en passant par les produits cosmétiques et la vaisselle jusqu'à l'électroménager, les vacances des émigrés deviennent l'occasion de conclure de bonnes affaires. «J'ai équipé ma cuisine avec de l'électroménager made in Algeria», nous confie Hakim, trentenaire habitant à Aix-en-Provence dans les Bouches-du-Rhône. Rencontré au Hamiz, dans la banlieue Est d'Alger, Hakim, était en pleine chasse. «Je suis à la recherche d'une télévision LCD, pour égayer mes soirées», dit-il. «Vous vous rendez compte, des LCD 32''» qui me reviennent à 250-280 euros, il y a de quoi être heureux», se rejouit-il. Hakim se dit accro du Hamiz et ses magasins. «Je suis devenu un habitué des lieux, je me suis même fait des connaissances parmi les vendeurs qui me font de bonnes remises», rapporte le jeune homme tout souriant. «J'ai...», il est interrompu par l'un des vendeurs, qui confirme que Hakim est un client très fidèle. «Oui, c'est vrai qu'il est un acheteur régulier. Vous voyez les produits, les commerçants du Hamiz concurrencent les grandes franchises européennes sur leur propre territoire», plaisante-t-il. Le même commerçant nous rapporte que nombreux sont les Algériens issus de l'émigration qui fréquentent les magasins du célébrissime quartier de la banlieue algéroise réputée pour la vente de l'électroménager et des produits électroniques. «En été, plus particulièrement, on a beaucoup de clients de nos compatriotes vivant dans le Vieux Continent. Ils achètent divers produits électroniques, de l'électroménager. Mais ce qui les attire le plus, ce sont les démodulateurs numériques et leurs cartes pirates. Enfin, tout ce qui leur permet de «décoder» gratuitement leurs chaînes TV favorites», révèle le sympathique vendeur. Revenons à Hakim, l'émigré, qui nous explique que pour l'électroménager, les prix sont beaucoup plus abordables qu'en France. «On vient chaque été au bled qui plus est, en voiture. Alors, pourquoi ne pas profiter pour faire des affaires?», confie-t-il.
El djorf nargue Tati
Notre tournée à la recherche des émigrés du nouveau millénaire nous mène cette fois-ci à un autre quartier marchand de la banlieue Est d'Alger, qui est cependant, réputé pour l'habillement et la vaisselle. Certains d'entre vous ont dû déjà deviner qu'il s'agit du marché d'El Djorf à Bab Ezzouar, plus connu sous le nom de «marché Dubaï». Notre halte a été des plus fructueuses puisque les artères du quartier grouillaient de monde aux divers accents de l'autre côté de la Méditerranée. Mais, contrairement à El Hamiz où les expatriés hommes étaient plus nombreux, le marché Dubaï, est plus prisé par les émigré(e)s... «M'an (Maman), tu as des belins (Argent en provençal)? J'ai trouvé des peuchères (chaussures)», demande avec un bel accent provençal, Anaïs jeune adolescente marseillaise, à sa mère. Nous décidons de les interpeller. «Des Marseillais qui font leurs courses en Algérie, cela nous paraît un peu bizarre. Vous n'avez pas trouvé votre bonheur du côté de la Canebière?». «Non, notre vrai bonheur, on le trouve ici, dans notre pays. Avec 200 euros, je peux gâter toute ma famille», nous répond, toute souriante, la maman d'Anaïs. «A part pendant la période des soldes, on ne peut pratiquement rien s'acheter en France. C'est trop trop cher. Par contre ici, même si la qualité n'est pas toujours au rendez-vous, on peut se payer ce qu'on veut», rétorque-t-elle. Sa soeur qui est aussi de Marseille, est, elle, venue spécialement de France pour les préparatifs du mariage de sa fille. «Toutes les tenues pour le mariage de ma fille, je les ai achetées en Algérie il y a quelques mois, là je suis revenue pour acheter la vaisselle, les dragées et les boîtes à gâteaux...», avoue-t-elle. «Grâce aux commerçants algériens, je vais organiser à ma fille le mariage de ses rêves. Faire mes courses en Algérie m'a permis beaucoup d'économies, en plus, Wallah, qu'il y a des choses qu'on trouve au bled et pas en France», atteste-t-elle. Avant de nous laisser partir, les deux femmes tiennent absolument à nous raconter une anecdote. «C'est une amie qui nous a donné l'idée de faire nos courses de mariage en Algérie», admet-elle. Lors du mariage de son fils avec sa cousine qui vit en Algérie, l'amie des deux dames avait constaté que le coût des préparatifs du mariage, était moins cher en Algérie qu'en France et que les choix étaient beaucoup plus variés. «Je viens pratiquement tous les trois mois au pays avec ma voiture pour voir ma mère. Alors pourquoi ne pas profiter pour prendre avec moi les accessoires de mariage que je revendrai en France», s'est-elle dit. C'est effectivement ce quelle a fait, elle prend des commandes pour les robes traditionnelles qu'elle coud chez des couturières algériennes. Elle prend avec elle des robes blanches et des accessoires pour les mariées...Elle fait même de la location. «Les affaires marchent très bien pour elle», nous confient les deux soeurs. «Les marges bénéficiaires sont énormes. Ici une robe de mariée peut être achetée à 200 euros, en France, ce n'est même pas le prix de son voile», certifie-t-elle. Notre tournée à la recherche du «Soldat migrit», nocturne cette fois-ci, se poursuit au centre commercial de Bab Ezzouar. Les émigrés sont aussi nombreux qu'à El Hamiz et El Djorf. Des familles venues des quatre coins de l'Europe profitent de la beauté et de l'esprit convivial de l'endroit. «Wawe! je suis contente de voir qu'enfin le pays dispose de centres commerciaux dignes de ce nom», affirme fièrement Samira, une Algérienne de Getafe (banlieue de Madrid) qui était accompagnée de Lamine son mari et leurs trois enfants. «Le centre ne ferme pas tôt. On profite de la soirée, des beaux restos. On fait du lèche-vitrine...Que demander de plus!», s'écrit-elle.
Même la poterie est embarquée
Lamine, son mari a, quant à lui, profité de cette sortie pour faire du shopping. «J'ai pas pu résister devant une paire de Timberland qui m'est revenue aux alentours de 80 euros. La même est beaucoup plus chère en Espagne, qui, faut-il le rappeler, est l'un des pays les moins chers d'Europe à cause des taxes qui sont pratiquement inexistantes», précise-t-il. «Dis, Selim, 2200 DA, c'est combien en euros?», lance Sylvie, à son mari qui tient le rôle du banquier. C'est la première fois que Selim rentre au pays avec sa femme Sylvie, qui est française de souche. Cette dernière a été agréablement surprise par l'Algérie et ses «shops». «Je n'ai pas arrêté d'acheter depuis qu'on est arrivé et il me reste beaucoup d'argent», ironise-t-elle. «J'ai adoré les magasins algériens, les produits qu'il proposent au centre d'Alger. J'étais comme une hystérique devant les vitrines», nous raconte-t-elle. «Eho...chérie comment s'appelaient les beaux quartiers qu'on a visités hier?», demande Sylvie à son mari. «Ben Aknoun et Hydra», lui répond-il. «Ah! oui, là j'étais pas hystérique mais comme une vraie folle. Je n'ai fait qu'acheter, acheter. Je ne sais pas comment on va emmener tout ce qu'on a acheté?En plus, on est partis admirer la beauté de la Kabylie, on s'est surchargés de poteries et de bijoux traditionnels», s'inquiète-t-elle. «Vive les shoppings en Algérie! Ça nous change de la grisaille des commerces de Roubaix (nord de la France)...», se réjouit-elle. Pour Belkacem, cette année, c'est le moment ou jamais de faire des affaires au pays. «Avec l'augmentation des cours de l'euro au marché noir, c'est le Jackpot. La cagnotte qu'on empoche en dinars n'a jamais été aussi conséquente», rapporte-t-il, tout content. Belaïd, qui n'a plus remis les pieds au «bled», depuis 15 ans, est, quant à lui, étonné de tous les commerces qui ont poussé comme des champignons à travers les quatre coins du pays. «Les magasins sont nombreux, la marchandise est disponible. Il y a tout ce qu'on veut, je dirais même que c'est mieux qu'en Europe car il y a les marques, les imitations, les sous-marques...tout quoi...! Le pays a vraiment changé», confie-t-il. L'Algérie fait donc le bonheur de sa communauté installée à l'étranger. Belles vacances sous le soleil, shopping à volonté...Tout ce dont peut rêver l'émigré qui est coincé tout au long de l'année entre quatre murs. La tendance s'est donc inversée, ce sont les expatriés qui trouvent désormais leur bonheur dans les commerces du «bled». Il ne sera donc pas étonnant de voir la «Harga», faire elle aussi, le sens inverse.
L'expression
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