Des centaines de MRE (Marocains Residants a l'Etranger) s’installent au Maroc
Il y a à peine cinq ans, les observateurs les plus avertis ne pouvaient prévoir le phénomène. Aujourd’hui, ce sont des centaines et, si le mouvement continue à s’amplifier crescendo, des milliers à décider de rejoindre le Royaume avec épargne et/ou savoir-faire. Ce phénomène s’inscrit dans un mouvement de ressourcement qui a bénéficié de l’« effet M6 ». Il mérite d’être examiné de plus près.
D’une douzaine de milliards de DH vers la fin du siècle dernier, la manne des transferts des MRE a évolué pour atteindre l’année écoulée plus de 36 milliards. Un coefficient-trois qui a énervé nombre de milieux politiques et fiscaux européens, au point que les justices italienne et française osèrent frapper à la porte des délégations de la première institution financière marocaine installée en Europe, à savoir la Banque Chaâbi, pour tenter de savoir ce qui s’y passe. Malgré son volume impressionnant, ce mouvement de transferts de devises n’était guère annonciateur d’une quelconque métamorphose du rapport des MRE au pays d’origine. « En réalité, les fluctuations politiques à l’intérieur des Etats européens ont engendré une immense angoisse parmi les personnes - jeunes et moins jeunes - issues de l’immigration. Les discours exclusionnistes et chauvinistes ont fleuri parmi les opinions publiques européennes.
En parallèle à ce mal-vivre sur le sol européen, le Maroc a opté pour la rationalisation de ses procédures et l’engagement des réformes nécessaires à l’encouragement de l’investissement. C’est, en tous cas, cela qui m’a incité à délocaliser au Maroc », me dit Abdelhafid H, revenu depuis quelques mois de Hollande où il possédait un atelier de design et de fabrication de mobilier professionnel. Installé actuellement dans la zone industrielle de Douar Laskar à Marrakech, il dessine et fait fabriquer par les artisans de la ville toutes sortes de meubles professionnels et domestiques. « En vérité, je n’ai pas délocalisé uniquement mon savoir-faire, mon outil de travail et mon épargne.
J’ai également drainé mon portefeuille de clients. Aujourd’hui, je peux livrer sous 48 heures. J’emploie directement six personnes dont quatre de niveau universitaire, sans compter les emplois indirects que j’évalue à une vingtaine de smics », conclut-il. Ahmed S. a fait ses études en France avant d’émigrer aux USA. L’après-11 septembre lui a été pénible. Pourtant, l’ensemble des signes de son intégration aux States étaient réunis : une épouse américaine dévouée, une belle demeure et un job gratifiant. Que s’est-il donc passé de si grave ? « Le regard des voisins, des collègues et même des caissiers du supermarket a changé. Je n’étais plus que l’Arabe à éviter et, quelquefois, à proscrire. Le président de l’association du quartier m’a clairement signifié le fait que je n’étais plus le bienvenu. Le choix de retourner au Maroc m’a d’ailleurs été soufflé par mon épouse qui a été jusqu’à saisir l’attorney des attitudes racistes dont j’ai été victime », me répond-il.
Le syndrome du faciès ne peut, à lui seul, expliquer le phénomène de retour de ces MRE qui ont décidé de prendre le train du développement du pays d’origine. La répugnance des Algériens issus de l’immigration, par exemple, à s’établir dans leur pays d’origine est là pour attester de l’existence de facteurs endogènes.
De là à affirmer que le Royaume soit devenu attractif et que la visibilité juridique et réglementaire face aux opportunités d’investissement ait atteint un niveau appréciable, il n’y a qu’un pas que des centaines de nos compatriotes de la deuxième et la troisième génération de MRE semblent avoir franchi sans grand mal. « Je ne peux pas dire que c’était facile. Au début, je ne comprenais pas certaines attitudes, réflexes et autres comportements de mes compatriotes marocains : le manque de rigueur, le peu de respect pour les règlements, la nonchalance et l’absence de ponctualité allaient mettre fin à mon rêve marocain. Mais au fur et à mesure que je maîtrisais les codes et que j’intégrais un mental rétif au stress, je me trouvais d’autres raisons de travailler ici », me confie Adil G., patron d’une PME spécialisée dans la fabrication, sous licence, de peinture marine, installée dans une zone industrielle de Rabat.
Nouvelles générations
Tout au long de cette enquête, nous avons rencontré un certain esprit de revanche chez les nouvelles générations issues de l’immigration. « Nos parents et grands-parents ont trimé durant des décennies pour contribuer directement à la prospérité de l’Europe. Pour cela, il n’ont récolté qu’indifférence et mépris. De plus, ils ont rêvé toute leur vie d’un retour joyeux au bled pour y goûter au repos et peut-être même y finir leur carrière. Je suis de ceux qui désirent ardemment faire aboutir ce rêve à travers ma génération », affirme Mustapha F.
Ce qui nous a le plus surpris, c’est l’hétérogénéité de cette population décidée à s’investir dans le destin entrepreneurial du pays, et ce malgré les décalages, les désemboîtements comportementaux et les procédures difficultueuses.
En effet, ces jeunes MRE - parce que la majorité d’entre eux n’a pas encore atteint la quarantaine - viennent de tous les milieux. Les parents étaient ou sont encore ouvriers, commerçants, d’extraction bourgeoise, de profession libérale ou même chômeurs endémiques. Ils semblent, en revanche, partager une somme de valeurs dont la plus flagrante est la ténacité. Soutenue en permanence par le désir de se joindre à l’effort modernitaire engagé par le Royaume à tous les niveaux de la vie économique, politique et sociale, cette ténacité tient du défi que l’on oppose, avant tout, à soi-même. « Que n’ai-je pas entendu, y compris de la bouche de mes propres parents, sur les obstacles administratifs, les tours de filouterie que je risquais de subir ici et même le degré de propagation de la corruption ? Mais j’ai décidé de m’assurer moi-même de la véracité de ces choses. Trois voyages initiatiques accomplis durant l’année 2004 ont réussi à déclencher en moi la décision de plier bagages pour m’installer ici. Si tu ajoutes à cela le fait que tu contribues quand même à la prospérité du bled, tu te dis que c’est vraiment le pied ! Un an et demi après, je ne regrette pas une seconde mon geste. L’aventure est trop belle pour être interrompue », atteste Ilias K., tenancier d’un petit motel-restaurant dans la région d’Agadir. Cette jeunesse n’a pas investi le seul champ entrepreneurial stricto sensu.
Elle a également intégré des institutions prestigieuses régionales, locales ou nationales. L’ingénierie de la lutte contre l’exclusion a été confiée par le Wali de Casablanca à un ex-travailleur social en France et ancien conseiller de Mme Aubry au ministère du travail et de la solidarité sociale. Mais un exemple autrement plus parlant est bien celui de Moulay Abderrahmane E.O., cadre supérieur de la première institution financière publique marocaine : la Caisse de Dépôts et de Gestion (CDG). Ex-centralien, ex-banquier à Paris, appartenant actuellement au staff de M. Bakkoury, ce jeune homme, armé d’un excellent savoir financier que la modestie n’aliène à aucun moment, offre l’exemple du MRE motivé, avant tout, par le service du pays. Il a préféré abandonner une situation quasiment directoriale à Parisau profit d’une fonction apparentée à un devoir sacerdotal.
« La CDG se trouve au centre de la mise à niveau économique et sociale de notre pays. Sous la direction de M. Bakkouri, elle conquiert des espaces partenariaux inédits, sans faillir aux impératifs que sont le retour sur l’investissement et la profitabilité. La feuille de route royale articulée autour de la modernité et assise sur la transformation du pays en immense chantier en vue des échéances historiques qui nous attendent est on ne peut plus claire. Pour ce qui est du rôle central de la CDG, la vision royale est mise en musique par un homme auprès duquel je suis fier de servir mon pays », dit-il. Quoi de plus élégant que ce souci de coller aux aspirations de la patrie d’origine ? Des jeunes MRE ont choisi de s’investir pleinement dans le caritatif en mettant à la disposition de leur ville, village, ou parfois douar d’origine, les process et les moyens logistiques de la lutte contre la grande pauvreté et les « fatalités du destin ». Les uns ont creusé des puits, d’autres ont récupéré des équipements médicaux et paramédicaux, d’autres encore ont créé des « entreprises d’insertion » à vocation associative...etc. « Après m’être aguerri à la confrontation avec la misère sociale et culturelle dans les banlieues françaises, j’ai regagné mon pays d’origine pour contribuer modestement à l’œuvre sociale initiée par le « Roi des pauvres », dit Abdellah Q., secrétaire général d’une association caritative souirie, qui ajoute aussitôt : « Continuer à travailler dans la transfusion pécuniaire d’un système bâti sur la gestion du chômage endémique dans les banlieues était devenu désuet à mes yeux. La reconnaissance s’est soustraite au profit d’un mépris qui ne disait pas son nom, mais que je ressentais à chaque instant. » Tout à coup songeur, il conclut : « J’avais l’impression d’allumer des bougies de glace pour illuminer des non-voyants. Aujourd’hui, je suis au service d’une œuvre qui me passionne et qui s’inscrit dans un élan de solidarité nationale impressionnant. A travers mon humble action, j’ai presque le sentiment de m’approprier l’Initiative de développement humain lancée par le Roi. »
Il y a à peine cinq ans, les observateurs les plus avertis ne pouvaient prévoir le phénomène. Aujourd’hui, ce sont des centaines et, si le mouvement continue à s’amplifier crescendo, des milliers à décider de rejoindre le Royaume avec épargne et/ou savoir-faire. Ce phénomène s’inscrit dans un mouvement de ressourcement qui a bénéficié de l’« effet M6 ». Il mérite d’être examiné de plus près.
D’une douzaine de milliards de DH vers la fin du siècle dernier, la manne des transferts des MRE a évolué pour atteindre l’année écoulée plus de 36 milliards. Un coefficient-trois qui a énervé nombre de milieux politiques et fiscaux européens, au point que les justices italienne et française osèrent frapper à la porte des délégations de la première institution financière marocaine installée en Europe, à savoir la Banque Chaâbi, pour tenter de savoir ce qui s’y passe. Malgré son volume impressionnant, ce mouvement de transferts de devises n’était guère annonciateur d’une quelconque métamorphose du rapport des MRE au pays d’origine. « En réalité, les fluctuations politiques à l’intérieur des Etats européens ont engendré une immense angoisse parmi les personnes - jeunes et moins jeunes - issues de l’immigration. Les discours exclusionnistes et chauvinistes ont fleuri parmi les opinions publiques européennes.
En parallèle à ce mal-vivre sur le sol européen, le Maroc a opté pour la rationalisation de ses procédures et l’engagement des réformes nécessaires à l’encouragement de l’investissement. C’est, en tous cas, cela qui m’a incité à délocaliser au Maroc », me dit Abdelhafid H, revenu depuis quelques mois de Hollande où il possédait un atelier de design et de fabrication de mobilier professionnel. Installé actuellement dans la zone industrielle de Douar Laskar à Marrakech, il dessine et fait fabriquer par les artisans de la ville toutes sortes de meubles professionnels et domestiques. « En vérité, je n’ai pas délocalisé uniquement mon savoir-faire, mon outil de travail et mon épargne.
J’ai également drainé mon portefeuille de clients. Aujourd’hui, je peux livrer sous 48 heures. J’emploie directement six personnes dont quatre de niveau universitaire, sans compter les emplois indirects que j’évalue à une vingtaine de smics », conclut-il. Ahmed S. a fait ses études en France avant d’émigrer aux USA. L’après-11 septembre lui a été pénible. Pourtant, l’ensemble des signes de son intégration aux States étaient réunis : une épouse américaine dévouée, une belle demeure et un job gratifiant. Que s’est-il donc passé de si grave ? « Le regard des voisins, des collègues et même des caissiers du supermarket a changé. Je n’étais plus que l’Arabe à éviter et, quelquefois, à proscrire. Le président de l’association du quartier m’a clairement signifié le fait que je n’étais plus le bienvenu. Le choix de retourner au Maroc m’a d’ailleurs été soufflé par mon épouse qui a été jusqu’à saisir l’attorney des attitudes racistes dont j’ai été victime », me répond-il.
Le syndrome du faciès ne peut, à lui seul, expliquer le phénomène de retour de ces MRE qui ont décidé de prendre le train du développement du pays d’origine. La répugnance des Algériens issus de l’immigration, par exemple, à s’établir dans leur pays d’origine est là pour attester de l’existence de facteurs endogènes.
De là à affirmer que le Royaume soit devenu attractif et que la visibilité juridique et réglementaire face aux opportunités d’investissement ait atteint un niveau appréciable, il n’y a qu’un pas que des centaines de nos compatriotes de la deuxième et la troisième génération de MRE semblent avoir franchi sans grand mal. « Je ne peux pas dire que c’était facile. Au début, je ne comprenais pas certaines attitudes, réflexes et autres comportements de mes compatriotes marocains : le manque de rigueur, le peu de respect pour les règlements, la nonchalance et l’absence de ponctualité allaient mettre fin à mon rêve marocain. Mais au fur et à mesure que je maîtrisais les codes et que j’intégrais un mental rétif au stress, je me trouvais d’autres raisons de travailler ici », me confie Adil G., patron d’une PME spécialisée dans la fabrication, sous licence, de peinture marine, installée dans une zone industrielle de Rabat.
Nouvelles générations
Tout au long de cette enquête, nous avons rencontré un certain esprit de revanche chez les nouvelles générations issues de l’immigration. « Nos parents et grands-parents ont trimé durant des décennies pour contribuer directement à la prospérité de l’Europe. Pour cela, il n’ont récolté qu’indifférence et mépris. De plus, ils ont rêvé toute leur vie d’un retour joyeux au bled pour y goûter au repos et peut-être même y finir leur carrière. Je suis de ceux qui désirent ardemment faire aboutir ce rêve à travers ma génération », affirme Mustapha F.
Ce qui nous a le plus surpris, c’est l’hétérogénéité de cette population décidée à s’investir dans le destin entrepreneurial du pays, et ce malgré les décalages, les désemboîtements comportementaux et les procédures difficultueuses.
En effet, ces jeunes MRE - parce que la majorité d’entre eux n’a pas encore atteint la quarantaine - viennent de tous les milieux. Les parents étaient ou sont encore ouvriers, commerçants, d’extraction bourgeoise, de profession libérale ou même chômeurs endémiques. Ils semblent, en revanche, partager une somme de valeurs dont la plus flagrante est la ténacité. Soutenue en permanence par le désir de se joindre à l’effort modernitaire engagé par le Royaume à tous les niveaux de la vie économique, politique et sociale, cette ténacité tient du défi que l’on oppose, avant tout, à soi-même. « Que n’ai-je pas entendu, y compris de la bouche de mes propres parents, sur les obstacles administratifs, les tours de filouterie que je risquais de subir ici et même le degré de propagation de la corruption ? Mais j’ai décidé de m’assurer moi-même de la véracité de ces choses. Trois voyages initiatiques accomplis durant l’année 2004 ont réussi à déclencher en moi la décision de plier bagages pour m’installer ici. Si tu ajoutes à cela le fait que tu contribues quand même à la prospérité du bled, tu te dis que c’est vraiment le pied ! Un an et demi après, je ne regrette pas une seconde mon geste. L’aventure est trop belle pour être interrompue », atteste Ilias K., tenancier d’un petit motel-restaurant dans la région d’Agadir. Cette jeunesse n’a pas investi le seul champ entrepreneurial stricto sensu.
Elle a également intégré des institutions prestigieuses régionales, locales ou nationales. L’ingénierie de la lutte contre l’exclusion a été confiée par le Wali de Casablanca à un ex-travailleur social en France et ancien conseiller de Mme Aubry au ministère du travail et de la solidarité sociale. Mais un exemple autrement plus parlant est bien celui de Moulay Abderrahmane E.O., cadre supérieur de la première institution financière publique marocaine : la Caisse de Dépôts et de Gestion (CDG). Ex-centralien, ex-banquier à Paris, appartenant actuellement au staff de M. Bakkoury, ce jeune homme, armé d’un excellent savoir financier que la modestie n’aliène à aucun moment, offre l’exemple du MRE motivé, avant tout, par le service du pays. Il a préféré abandonner une situation quasiment directoriale à Parisau profit d’une fonction apparentée à un devoir sacerdotal.
« La CDG se trouve au centre de la mise à niveau économique et sociale de notre pays. Sous la direction de M. Bakkouri, elle conquiert des espaces partenariaux inédits, sans faillir aux impératifs que sont le retour sur l’investissement et la profitabilité. La feuille de route royale articulée autour de la modernité et assise sur la transformation du pays en immense chantier en vue des échéances historiques qui nous attendent est on ne peut plus claire. Pour ce qui est du rôle central de la CDG, la vision royale est mise en musique par un homme auprès duquel je suis fier de servir mon pays », dit-il. Quoi de plus élégant que ce souci de coller aux aspirations de la patrie d’origine ? Des jeunes MRE ont choisi de s’investir pleinement dans le caritatif en mettant à la disposition de leur ville, village, ou parfois douar d’origine, les process et les moyens logistiques de la lutte contre la grande pauvreté et les « fatalités du destin ». Les uns ont creusé des puits, d’autres ont récupéré des équipements médicaux et paramédicaux, d’autres encore ont créé des « entreprises d’insertion » à vocation associative...etc. « Après m’être aguerri à la confrontation avec la misère sociale et culturelle dans les banlieues françaises, j’ai regagné mon pays d’origine pour contribuer modestement à l’œuvre sociale initiée par le « Roi des pauvres », dit Abdellah Q., secrétaire général d’une association caritative souirie, qui ajoute aussitôt : « Continuer à travailler dans la transfusion pécuniaire d’un système bâti sur la gestion du chômage endémique dans les banlieues était devenu désuet à mes yeux. La reconnaissance s’est soustraite au profit d’un mépris qui ne disait pas son nom, mais que je ressentais à chaque instant. » Tout à coup songeur, il conclut : « J’avais l’impression d’allumer des bougies de glace pour illuminer des non-voyants. Aujourd’hui, je suis au service d’une œuvre qui me passionne et qui s’inscrit dans un élan de solidarité nationale impressionnant. A travers mon humble action, j’ai presque le sentiment de m’approprier l’Initiative de développement humain lancée par le Roi. »
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