Au regard de l'enjeu, la somme est dérisoire. L'ONU estime qu'il faut mobiliser 2,4 milliards de dollars pour venir au secours des populations – 10 millions de personnes – menacées par la famine dans la Corne de l'Afrique. A titre d'exemple, le budget du Pentagone pour l'année 2012 doit dépasser les 600 milliards de dollars ; les réserves de change de la Chine s'élèvent en 2011 à plus de trois mille milliards de dollars ; les plans d'aide financière à la Grèce dépasseront les 400 milliards de dollars.
La crise alimentaire touche trois pays : la Somalie, l'Ethiopie et le Kenya (plus marginalement, Djibouti et l'Ouganda). Elle ne concerne qu'une partie des populations dans ces pays d'Afrique de l'Est. Le plus touché est aussi le plus pauvre, la Somalie. On a beau avoir déjà usé de tous les superlatifs pour parler de ce mal africain récurrent, répétons-le sans galvauder le sens des mots : la situation est gravissime.
Tous les jours, des milliers d'affamés fuient la Somalie pour s'entasser, au Kenya, dans des camps de fortune accueillant déjà près d'un demi-million de personnes. L'ONU, selon ses critères, a décrété que seules deux régions du pays souffraient de famine, mais ne nous y trompons pas : la mort rôde, à grande échelle. Dans ce moment d'urgence, le débat sur les causes de la tragédie est académique. La région connaît sa plus grave sécheresse depuis plus d'un demi-siècle. La catastrophe a été annoncée l'an passé, à maintes reprises. Le Kenya et l'Ethiopie, désinvoltes ou désorganisés, n'ont pas fait grand-chose. La Somalie, elle, n'a plus d'Etat ; son gouvernement "central", ou ce qui en tient lieu, est assailli par des bandes armées, dont l'une au moins, celle des Chabab, un groupe se réclamant d'Al-Qaida, a longtemps nié l'existence d'une crise alimentaire, n'y voyant qu'un "complot occidental". Il se trouve que les Chabab contrôlent les régions les plus touchées, qu'ils ont le plus souvent fait obstacle à la distribution de l'aide et que leur responsabilité est écrasante. De fait, une poignée seulement d'organisations humanitaires, comme le Comité international de la Croix-Rouge ou Médecins sans frontières, ont réussi à rester opérationnelles sur ce terrain très périlleux.
Complétons le tableau avec les incohérences de la communauté internationale, qui n'a cessé de diminuer ses budgets pour la région tout en ratant sa cible : ceux qui ont le plus besoin d'aide et qui peuvent le mieux prévenir les crises alimentaires sont les petits producteurs. Or ils sont souvent délaissés, tout comme les cultures vivrières, au profit d'investissements lourds pour les filières agro-énergétiques des puissances émergentes. Voire pour nos marchés de consommation, comme le prouve le secteur très dynamique des fleurs coupées en Ethiopie et au Kenya.
Mais l'heure n'est pas à ces débats. L'urgence est de financer l'aide et de l'acheminer malgré les risques que cela comporte – détournements ou corruption. L'urgence est d'alimenter des populations en extrême détresse. C'est de la responsabilité des riches, et ce n'est pas au-dessus de nos moyens. Il est impensable que nous ne nous en acquittions pas au plus vite.
Source : lemonde.fr
La crise alimentaire touche trois pays : la Somalie, l'Ethiopie et le Kenya (plus marginalement, Djibouti et l'Ouganda). Elle ne concerne qu'une partie des populations dans ces pays d'Afrique de l'Est. Le plus touché est aussi le plus pauvre, la Somalie. On a beau avoir déjà usé de tous les superlatifs pour parler de ce mal africain récurrent, répétons-le sans galvauder le sens des mots : la situation est gravissime.
Tous les jours, des milliers d'affamés fuient la Somalie pour s'entasser, au Kenya, dans des camps de fortune accueillant déjà près d'un demi-million de personnes. L'ONU, selon ses critères, a décrété que seules deux régions du pays souffraient de famine, mais ne nous y trompons pas : la mort rôde, à grande échelle. Dans ce moment d'urgence, le débat sur les causes de la tragédie est académique. La région connaît sa plus grave sécheresse depuis plus d'un demi-siècle. La catastrophe a été annoncée l'an passé, à maintes reprises. Le Kenya et l'Ethiopie, désinvoltes ou désorganisés, n'ont pas fait grand-chose. La Somalie, elle, n'a plus d'Etat ; son gouvernement "central", ou ce qui en tient lieu, est assailli par des bandes armées, dont l'une au moins, celle des Chabab, un groupe se réclamant d'Al-Qaida, a longtemps nié l'existence d'une crise alimentaire, n'y voyant qu'un "complot occidental". Il se trouve que les Chabab contrôlent les régions les plus touchées, qu'ils ont le plus souvent fait obstacle à la distribution de l'aide et que leur responsabilité est écrasante. De fait, une poignée seulement d'organisations humanitaires, comme le Comité international de la Croix-Rouge ou Médecins sans frontières, ont réussi à rester opérationnelles sur ce terrain très périlleux.
Complétons le tableau avec les incohérences de la communauté internationale, qui n'a cessé de diminuer ses budgets pour la région tout en ratant sa cible : ceux qui ont le plus besoin d'aide et qui peuvent le mieux prévenir les crises alimentaires sont les petits producteurs. Or ils sont souvent délaissés, tout comme les cultures vivrières, au profit d'investissements lourds pour les filières agro-énergétiques des puissances émergentes. Voire pour nos marchés de consommation, comme le prouve le secteur très dynamique des fleurs coupées en Ethiopie et au Kenya.
Mais l'heure n'est pas à ces débats. L'urgence est de financer l'aide et de l'acheminer malgré les risques que cela comporte – détournements ou corruption. L'urgence est d'alimenter des populations en extrême détresse. C'est de la responsabilité des riches, et ce n'est pas au-dessus de nos moyens. Il est impensable que nous ne nous en acquittions pas au plus vite.
Source : lemonde.fr
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