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France : Liberté, égalité, fécondité

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    Congé maternité payé par l'Etat, école gratuite, allocations familiales... Il n'y
    03.08.2011 | Katrin Bennhold | The New York Times

    Il n'y a pas plus heureuses que les mères françaises, assure une journaliste du New York Times, en partance pour Londres. Même s'il faut composer avec le machisme ambiant.

    Comment imaginer pire moment pour quitter Paris ? Malgré un récent passage pluvieux, la Ville lumière est plus brillante que jamais, après le printemps et le début d’été les plus ensoleillés que j’ai connus depuis dix ans que j'y réside. La ligne 1 du métro — la voie la plus rapide pour me rendre à mon travail — est en cours d’automatisation et sera donc prochainement à l’abri des sempiternelles grèves.

    Et alors que l’austérité commence à faire sentir ses effets dans plusieurs pays d’Europe, les Français montent à bord d’une armada toujours plus importante de TGV pour partir en vacances au mois d’août — ce qui nous rappelle qu’ailleurs dans le monde, peu de salariés peuvent espérer bénéficier d’aussi longs congés payés. Plus dur encore, je suis enceinte de six mois, le stade à partir duquel tous les frais médicaux liés à la grossesse sont pris en charge à 100 % par la Sécurité sociale. Et ma fille aînée est presque en âge d’entrer à la maternelle, l’école publique gratuite où l’on peut inscrire les enfants à partir de 3 ans.

    Le climat, les transports publics et des congés généreux trônent bien sûr en bonne place sur la liste des choses qui vont me manquer. Mais, pour la femme que je suis, rien ne peut égaler les écoles maternelles gratuites, les allocations familiales, les déductions d’impôt pour chaque enfant, le congé de maternité de quatre mois et, surtout, un cours de rééducation avec kinésithérapeute et appareils de stimulation électrique pour vous remettre en forme, vous et vos muscles vaginaux, et tout cela aux frais du contribuable. (Je me souviens encore du kiné qui, après ma dernière grossesse, m’avait promis que je retrouverai un ventre plat pour la saison du bikini.)

    Pour mes amies françaises, avoir des enfants n'est qu’une partie de la vie. Qu’elles en aient un, deux ou souvent trois, elles concilient leur maternité avec leur carrière, leurs relations et leurs autres projets. Dans mon pays natal, l’Allemagne, les femmes adaptent au contraire leur vie aux enfants. Avoir un bébé (on en a rarement davantage ces derniers temps) reste un événement profondément déstabilisant qui, sur fond de conception résolument traditionnelle de la maternité, tend à limiter les ambitions de carrière et les possibilités d'avancement. Même dans ma génération de trentenaires, les mères au travail sont mal perçues. Résultat: le taux de natalité de l’Allemagne est l’un des plus bas d’Europe, et celui du travail à temps partiel des femmes reste l’un des plus élevés.

    Dans des pays anglo-saxons comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne (où je serai prochainement en poste), la situation est encore différente. Les mères au travail ne sont pas mal vues, mais elles reçoivent beaucoup moins d’aides de l’Etat que leurs consoeur françaises.

    Ce qui m’a peut-être le plus choquée lors de la préparation de mon transfert à Londres, c'est de découvrir qu’en tant que mère au travail, je paierai 2 000 euros de plus par an d'impôt sur le revenu. L’idée largement répandue que les impôts sont beaucoup moins élevés en Grande-Bretagne qu’en France ne vaut que pour les célibataires et les couples mariés sans enfants.

    J’ai une autre liste, beaucoup plus courte, de choses de la vie en France qui ne me manqueront pas : le café, dont la réputation est surfaite, l’odeur des andouillettes, les panneaux “Ne pas marcher sur les pelouses” dans les jardins publics et tous les embouteillages inutiles créés par des voitures qui ne s’arrêtent pas au feu quand il passe à l’orange. Il y a aussi les contrôles matinaux de billets dans le métro, qui, d’après mon expérience, semblent surtout viser les passagers noirs ou maghrébins.

    Mais en tête de cette seconde liste figure quelque chose qui a trait à la condition féminine : le profond machisme des relations au quotidien, qui m’a tapé sur les nerfs bien avant que l’affaire Dominique Strauss-Kahn ne fasse la une des journaux. Beaucoup de Françaises semblent se soucier davantage d’être féminines que féministes, et les Français font souvent preuve d’une galanterie dont les origines sont antérieures à la révolution de 1789.

    "C’est si charmant", me suis-je dit à mon arrivée en France, il y a dix ans, lorsqu’un fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères s’est précipité pour m’ouvrir les quatre portes successives d’un couloir très long et étroit. Mais je me suis vite lassée de l’attention non sollicitée que des hommes portent parfois aux femmes en jupe sur les Champs-Elysées.

    Selon le rapport de 2010 du Forum économique mondial, la France se classe au 46è rang pour l’égalité entre hommes et femmes, loin derrière les Etats-Unis, la plupart des pays d’Europe mais aussi le Kazakhstan et la Jamaïque. Les femmes de l’Hexagone gagnent en moyenne un quart de moins que les hommes et assurent les deux tiers des tâches ménagères.

    Comme l’historienne Michelle Perrot m’en faisait la remarque il y a quelques mois, "la France est peut-être scandinave par ses statistiques de l’emploi, mais elle reste profondément latine dans son comportement". Et pourtant, c’est le seul pays européen où j’ai fréquemment rencontré des femmes d’affaires ayant trois enfants et une silhouette enviable.

    A l’heure où le monde occidental pâtit de sa population vieillissante et de son niveau d’endettement colossal, d’autres pays peuvent tirer un enseignement de l’obsession nataliste vieille de deux siècles de la France : investir dans une infrastructure publique qui vient en aide aux femmes au travail est payant pour au moins trois bonnes raisons. Cela permet d'accroître le taux d’emploi, d'augmenter les recettes fiscales et, par la même occasion, de former la main-d’œuvre et les contribuables de demain. La liberté, l’égalité et la fraternité restent des références essentielles pour assurer une société prospère. Mais la fécondité pourrait s’avérer l’un des moyens les plus importants pour y parvenir au XXIe siècle.
    Ce que vous faites de bien et de mal, vous le faites à vous
    Mahomet
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