Emeutes à Londres : la presse britannique dramatise et tente de comprendre
LEMONDE.FR | 08.08.11 | 14h33
La une du "Guardian", ce lundi 8 août.Guardian
"Ce bâtiment, autrefois élégant, avait survécu aux bombardements des soldats d'Hitler pendant le Blitz." Sous la photo du magasin Carpetright en flammes, une institution située dans l'avenue principale du quartier de Tottenham, le Daily Mirror donne le ton de la presse britannique : Londres a connu ces deux derniers jours des scènes de violences urbaines d'une rare violence. Dans la nuit de samedi à dimanche, des émeutes ont ravagé le quartier populaire de Tottenham, au nord de Londres, et se sont étendues dimanche soir à d'autres quartiers de la capitale.
Le Sun, l'autre grand tabloïd, évoque "des émeutiers âgés de sept ans" qui auraient causé "100 millions de livres sterling (114 millions d'euros)" de dégâts dans une "orgie de violence et de destruction". Quant à la presse de référence, sans minimiser la violence des émeutes – le Guardian annonce en une de son édition de lundi que "Londres brûle" – elle met l'accent sur les pillages.
DE L'ÉMEUTE AU PILLAGE
La BBC, qui cite un responsable de la police londonienne, évoque des "groupes organisés" de centaines de jeunes pillards, qui "ne représentent pas une communauté" mais sont "des individus qui s'attaquent à des communautés, à des entreprises, à la propriété privée et à des maisons". Pour Andy Moore, l'un des reporters de la radio-télévision publique, "ce qui a commencé samedi à Tottenham, avec des jeunes furieux contre ce qu'ils considèrent être des persécutions policières, a changé de nature".
Comment expliquer ces flambées de violence ? L'Independent, comme la totalité des journaux, ne manque pas de faire le parallèle avec les émeutes de Broadwater Farm, qui avaient touché le quartier de Tottenham en 1985. A l'époque, une mère de famille avait été tuée lors d'une perquisition à son domicile, provoquant des émeutes et la mort d'un policier, tué à coups de machette. Samedi, les violences ont débuté après une manifestation pacifique demandant des explications sur la mort d'un homme de 29 ans, tué lors d'une fusillade avec la police. "Rien n'a changé", explique un éducateur cité par le journal. "Les hommes politiques viennent ici dire que la situation n'est pas la même qu'il y a 25 ans, mais c'est faux. Ils n'étaient pas là ; moi, si."
LE "FANTÔME" DES ÉMEUTES DE 1985
Ce "fantôme de Broadwater Farm", comme l'appelle le Digital Journal, est aussi celui d'émeutes considérées à l'époque comme raciales. Mais la mort de cette mère de famille avait surtout "été utilisée comme prétexte pour les émeutes qui ont ensuite eu lieu dans le le quartier de Tottenham", rappelle l'éditiorialiste Alexander Baron. En 1985, les forces de l'ordre avaient été attaquées par "des centaines de jeunes gens, majoritairement noirs mais pas tous".
Certaines choses ont pourtant changé dans le quartier, juge le député de la circonscription, David Lammy, dans une tribune au Daily Mirror. "Les relations entre la police et la communauté se sont grandement améliorées depuis 26 ans", écrit-il. "Aujourd'hui, chaque officier de police connaît chacun des jeunes du quartier, et eux le connaissent. La confiance que cela crée ne fait pas les gros titres, mais ce genre de rapports ne se contruit pas rapidement ni facilement."
Mais le rôle de la police dans le déclenchement des émeutes est mis en cause par d'autres responsables locaux. Dans le Guardian, des participants à la manifestation qui a précédé le déclenchement des violences affirment avoir prévenu la police que la situation pourrait dégénérer si les forces de l'ordre refusaient de recevoir la famille de l'homme tué précédemment. "J'ai dit personnellement à l'inspecteur en chef que nous voulions finir la manifestation avant la tombée de la nuit, mais que s'il nous faisait attendre plus longtemps, il serait responsable. Nous ne pouvions pas garantir que la situation reste sous contrôle", explique un organisateur de la marche. La famille du mort avait demandé à être reçue par la police, ce qui n'a pas été le cas.
LES RÉSEAUX SOCIAUX, BOUC ÉMISSAIRE
Pour expliquer l'ampleur de la violence qui touche la capitale britannique, certains journaux ont un bouc émissaire tout trouvé : les réseaux sociaux. Pour le Telegraph, "les émeutes de Tottenham ont été orchestrées par des adolescents appartenant à des gangs qui utilisent les dernières technologies des téléphones portables pour inciter et filmer les émeutes et leur violence."
Le site du "Sun", le 8 août.TheSun.co.uk
L'outil de messagerie de BlackBerry –BlackBerry messenger (BBM) – aurait permis aux casseurs, toujours selon le journaliste du Telegraph, de se donner les mots d'ordre en message privé, et gratuitement, sans que ceux-ci puissent être interceptés par la police. Si Twitter est mis en cause par le Sun, le blog Urban Mashup estime qu'une telle accusation est sujette à caution.
Le Monde.fr
LEMONDE.FR | 08.08.11 | 14h33
La une du "Guardian", ce lundi 8 août.Guardian
"Ce bâtiment, autrefois élégant, avait survécu aux bombardements des soldats d'Hitler pendant le Blitz." Sous la photo du magasin Carpetright en flammes, une institution située dans l'avenue principale du quartier de Tottenham, le Daily Mirror donne le ton de la presse britannique : Londres a connu ces deux derniers jours des scènes de violences urbaines d'une rare violence. Dans la nuit de samedi à dimanche, des émeutes ont ravagé le quartier populaire de Tottenham, au nord de Londres, et se sont étendues dimanche soir à d'autres quartiers de la capitale.
Le Sun, l'autre grand tabloïd, évoque "des émeutiers âgés de sept ans" qui auraient causé "100 millions de livres sterling (114 millions d'euros)" de dégâts dans une "orgie de violence et de destruction". Quant à la presse de référence, sans minimiser la violence des émeutes – le Guardian annonce en une de son édition de lundi que "Londres brûle" – elle met l'accent sur les pillages.
DE L'ÉMEUTE AU PILLAGE
La BBC, qui cite un responsable de la police londonienne, évoque des "groupes organisés" de centaines de jeunes pillards, qui "ne représentent pas une communauté" mais sont "des individus qui s'attaquent à des communautés, à des entreprises, à la propriété privée et à des maisons". Pour Andy Moore, l'un des reporters de la radio-télévision publique, "ce qui a commencé samedi à Tottenham, avec des jeunes furieux contre ce qu'ils considèrent être des persécutions policières, a changé de nature".
Comment expliquer ces flambées de violence ? L'Independent, comme la totalité des journaux, ne manque pas de faire le parallèle avec les émeutes de Broadwater Farm, qui avaient touché le quartier de Tottenham en 1985. A l'époque, une mère de famille avait été tuée lors d'une perquisition à son domicile, provoquant des émeutes et la mort d'un policier, tué à coups de machette. Samedi, les violences ont débuté après une manifestation pacifique demandant des explications sur la mort d'un homme de 29 ans, tué lors d'une fusillade avec la police. "Rien n'a changé", explique un éducateur cité par le journal. "Les hommes politiques viennent ici dire que la situation n'est pas la même qu'il y a 25 ans, mais c'est faux. Ils n'étaient pas là ; moi, si."
LE "FANTÔME" DES ÉMEUTES DE 1985
Ce "fantôme de Broadwater Farm", comme l'appelle le Digital Journal, est aussi celui d'émeutes considérées à l'époque comme raciales. Mais la mort de cette mère de famille avait surtout "été utilisée comme prétexte pour les émeutes qui ont ensuite eu lieu dans le le quartier de Tottenham", rappelle l'éditiorialiste Alexander Baron. En 1985, les forces de l'ordre avaient été attaquées par "des centaines de jeunes gens, majoritairement noirs mais pas tous".
Certaines choses ont pourtant changé dans le quartier, juge le député de la circonscription, David Lammy, dans une tribune au Daily Mirror. "Les relations entre la police et la communauté se sont grandement améliorées depuis 26 ans", écrit-il. "Aujourd'hui, chaque officier de police connaît chacun des jeunes du quartier, et eux le connaissent. La confiance que cela crée ne fait pas les gros titres, mais ce genre de rapports ne se contruit pas rapidement ni facilement."
Mais le rôle de la police dans le déclenchement des émeutes est mis en cause par d'autres responsables locaux. Dans le Guardian, des participants à la manifestation qui a précédé le déclenchement des violences affirment avoir prévenu la police que la situation pourrait dégénérer si les forces de l'ordre refusaient de recevoir la famille de l'homme tué précédemment. "J'ai dit personnellement à l'inspecteur en chef que nous voulions finir la manifestation avant la tombée de la nuit, mais que s'il nous faisait attendre plus longtemps, il serait responsable. Nous ne pouvions pas garantir que la situation reste sous contrôle", explique un organisateur de la marche. La famille du mort avait demandé à être reçue par la police, ce qui n'a pas été le cas.
LES RÉSEAUX SOCIAUX, BOUC ÉMISSAIRE
Pour expliquer l'ampleur de la violence qui touche la capitale britannique, certains journaux ont un bouc émissaire tout trouvé : les réseaux sociaux. Pour le Telegraph, "les émeutes de Tottenham ont été orchestrées par des adolescents appartenant à des gangs qui utilisent les dernières technologies des téléphones portables pour inciter et filmer les émeutes et leur violence."
Le site du "Sun", le 8 août.TheSun.co.uk
L'outil de messagerie de BlackBerry –BlackBerry messenger (BBM) – aurait permis aux casseurs, toujours selon le journaliste du Telegraph, de se donner les mots d'ordre en message privé, et gratuitement, sans que ceux-ci puissent être interceptés par la police. Si Twitter est mis en cause par le Sun, le blog Urban Mashup estime qu'une telle accusation est sujette à caution.
Le Monde.fr
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