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L’automne algérien dans l’éclat du « printemps arabe »

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  • L’automne algérien dans l’éclat du « printemps arabe »

    Un lent processus de reconstruction politique est en cours en Algérie. Les révoltes populaires depuis le mois de janvier visent à un changement de régime et contestent indirectement la domination capitaliste sur le monde arabe. Mais en Algérie, la mobilisation est actuellement cantonnée au secteur public.

    En observant ce qui agite la société algérienne depuis quelque temps, protestations en tous genres, grèves, marches, immolations et émeutes, beaucoup y verront les prémices d’une révolte à grande échelle ou encore une révolution, dans le sillage d’un « printemps arabe » en ébullition. D’autres, plus sceptiques, diront que « c’est du déjà vu ». Les révoltes qui secouent nos voisins ne nous concernent pas, la société algérienne est déjà passée par là sans grand résultat… Où en sommes-nous ? Dans quelle mesure, les différentes franges de la société, dans des protestations récurrentes, depuis la révolte plus ancienne, l’automne 1988, et qui s’est muée entre-temps en une brèche toujours ouverte, sont-elles capables de s’organiser, de proposer des solutions, de construire une alternative, tout simplement de militer ?

    Les contestations politiques qui ont touché les pays de la région arabe ont incontestablement introduit un nouveau souffle et de nouvelles perspectives dans le carnet de route des militants et militantes pour la démocratie, les droits de l’homme, le combat anticapitaliste et la lutte des démunis d’Algérie et d’ailleurs. Ceux et celles qui n’ont jamais douté d’une révolution possible et nécessaire des peuples de cette région du monde pour sortir de leur sous-*développement politique et social qui frise parfois l’archaïsme, pour instaurer les droits humains les plus élémentaires, sont confrontés à une dynamique qui ouvre une ère nouvelle. Cependant, ces soulèvements ont introduit une certaine méfiance et un doute quant à leur dimension révolutionnaire chez bon nombre de ces mêmes militants.

    Une portée révolutionnaire
    Le monde arabe serait secoué par un mouvement de révolte commandé, dirigé, guidé, télé*guidé par des pays occidentaux. Il serait loin d’être spontané. Selon cette thèse, assez répandue dans certains milieux politiques y compris de gauche, Internet et les réseaux sociaux comme Twitter ou Facebook alimenteraient les révoltes et participeraient de leur extension. L’intervention impérialiste en Libye, vécue en direct par les internautes, les parabolés et les facebookeurs du monde entier, est présentée comme la preuve de cette ingérence.
    Au-delà de l’ingratitude vis-à-vis des luttes réelles, menées par les jeunes, les travailleurs, les chômeurs, les femmes, qui constituent les principales forces de ces révoltes, mais aussi de toutes les autres franges de la société, ce combat pour la liberté, contre un système politique qui a montré ses limites historiques reste légitime. Le débat est vite allé sur des terrains qui ne nous aident pas à comprendre les contradictions inhérentes à toute révolte ou à tout processus révolutionnaire. Le fond du problème est certes lié aux enjeux politiques de l’Algérie, du Maghreb ou même du monde arabe, mais il va au-delà des complots supposés de la CIA pour déstabiliser les régimes arabes et pour reconfigurer le monde.

    Ces révoltes populaires qui s’expriment d’une manière inégale, depuis janvier 2011, ont un caractère éminemment politique. Sur un fond de crise économique et sociale, les revendications visent explicitement les changements de régime, même si dans un premier temps ce sont les têtes qui sont directement ciblées. Elles ne sont pas explicitement dirigées contre le capitalisme ni expressément menées sous la bannière de la « lutte anti-impérialiste », comme ce fut le cas au cours de la seconde moitié du xxe siècle, dans le sillage des luttes anticoloniales. Les mots d’ordre anti-impérialistes ne figuraient pas parmi ceux scandés par les manifestants tunisiens et égyptiens. Mais ces révoltes ciblaient des dictateurs amis et soutiens de ce même Occident capitaliste et impérialiste, notamment Ben Ali et Moubarak. Elles visaient des tyrans qui menaient des politiques économiques aux conséquences sociales désastreuses pour les populations locales, dictées par des institutions financières internationales aux mains des États-Unis et de l’Union européenne (Banque mondiale et FMI). Des dictateurs comme Moubarak qui était un allié fidèle d’Israël avec lequel il cogérait le blocus criminel du peuple palestinien de Gaza.

    Pour ces raisons, ces révoltes populaires contestent indirectement la domination capitaliste et impérialiste sur le monde arabe. Mais le passage de cet implicite vers une contestation explicite et directe n’est évidement pas automatique. Il ne peut être que le fruit d’une construction consciente et militante à l’intérieur de luttes politiques et sociales avec une dimension aléatoire avec laquelle il faut composer. Voila pourquoi ces tergiversations « complotistes » peuvent être criminelles, politiquement parlant, pour le mouvement en cours. Elles créent un brouillard qui doit être rapidement dissipé pour un meilleur éclairage sur l’avenir.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    En Algérie, la lente maturation du mouvement social
    Le capitalisme algérien fait face à une situation interne marquée par la coexistence de surplus inutilisé de capital financier et, en même temps, d’un surplus inemployé de force de travail. Le premier est issu d’une conjoncture énergétique mondiale favorable à l’économie algérienne, centrée essentiellement sur la commercialisation et l’exportation des hydrocarbures. Le second est le résultat d’une combinaison de plusieurs facteurs : une démographie relativement importante avec son lot de jeunes sans travail dont beaucoup sont diplôméEs ; un exode massif de population vers les centres urbains, notamment les grandes villes à l’image de la capitale Alger, Oran ou Annaba. Cet exode qui a ses origines dans la politique d’industrialisation engagée par le capitalisme algérien au lendemain de l’Indépendance est accentué et poussé à l’extrême par les déplacements de populations pendant les années de guerre islamiste dans une conjoncture de crise structurelle de ce même capitalisme et son pendant, le réajustement libéral.

    Dans ces conditions, Bouteflika, à la tête d’une bureaucratie bourgeoise, s’autodésigna « Empereur » (fakhamatouhou – sa majesté en arabe) dés les premières années de son investiture. Il a réussi, dans un contexte de guerre civile larvée, à neutraliser d’une manière autoritaire tout mouvement politique alternatif, comme ce fut le cas pour la révolte populaire de 2001. Mais, comme il savait qu’il lui fallait aussi s’occuper du problème des surplus du capital et de main-d’œuvre, et afin d’assurer sa survie politique, il lança un vaste programme d’investissement dans les infrastructures, aussi bien dans les grandes villes qu’à l’échelle du territoire. La construction d’un axe autoroutier Est-Ouest, la consolidation des voies ferrées, la réalisation de lignes de métro et de tramway dans les grandes villes, les travaux d’aménagement urbain et de construction de logements, les grands travaux d’hydraulique avec le transfert d’eau sur grande distance dans le grand Sud ainsi que la construction de barrages et le dessalement d’eau de mer marquent le paysage algérien comme un signe du règne du « Bonaparte » Bouteflika.

    Concrètement et objectivement, cette politique a pour but la résolution du problème d’écoulement des surplus du capital national en mettant sur pied un système qui prend une allure keynésienne, fondé sur une amélioration de l’infrastructure urbaine et territoriale et la construction immobilière financées par la dette publique. Mais cette absorption du surplus par la transformation urbaine possède des aspects encore plus sombres. Elle aiguise les contradictions sociales liées à la distribution de dividendes associée à cette politique. Elle affecte surtout ceux, nombreux, qui sont incapables de payer les prix exorbitants des logements et leur « droit à la ville », pour reprendre l’expression de David Harvey1.

    Dans ce contexte de grande spéculation, une culture de rapine et de vol sur un fond de corruption s’est généralisée. Elle est devenue un caractère valorisant notamment chez les jeunes. La guerre civile n’a pas seulement créé une inertie ou une appréhension devant l’action politique. Elle a aussi engendré une clochardisation de la société et une activité informelle qui échappe à toute socialisation et à toute régulation. C’est dans ce contexte que l’émeute émerge comme seule action politique revendicative. Chaque personne se projetant comme un individu se met dans la posture de prendre sa part du gâteau.

    Ce système peut fonctionner encore quelque temps, tant que les caisses du trésor public continuent d’être renflouées par les exportations énergétiques, entraînant une reconfiguration du paysage urbain et territorial mais aussi du paysage social et culturel. En absorbant les surplus financiers, ce système capte ainsi la grande spéculation, mais intègre aussi une partie de la demande toujours grandissante du « droit à la ville ». Mais ces contradictions ne sont pas encore mûres : ceux d’en bas veulent encore et ceux d’en haut peuvent encore, peut-on dire. Voila pourquoi la contagion de la fièvre du « printemps arabe » n’a pas eu lieu.

    Remontée et fragmentation des luttes
    Mais l’immaturité du mouvement social se mesure surtout sur le plan organisationnel, et notamment syndical. Sans coordination, les mille et une petites rébellions reflètent l’ampleur des protestations et leurs limites.
    En Tunisie, c’est l’appel à des grèves générales régionales par les structures de l’UGTT dirigées par la gauche de la centrale qui a porté le coup fatal au pouvoir. En Égypte, le pays était pratiquement arrêté. Les transports ne fonctionnaient plus. Les derniers jours, les appels à la grève politique se sont multipliés et ont mobilisé. À Suez, l’usine de ciment, qui avait déjà cessé le travail en janvier 2009 pour s’opposer à l’exportation de sa production vers Israël, a déclenché une grève politique. Les travailleurs organisés étaient là.

    En Algérie, les services de police et de sécurité ont dénombré près d’un millier de mouvements sociaux, grèves, marches, rassemblements, fermetures des routes… À la tête de ces mouvements, quelques syndicats autonomes, des organisations étudiantes, des chômeurs et des militants politiques qui ont essayé de relayer une contestation violente et désorganisée. Dès janvier, des jeunes ont enclenché un mouvement de protestation à travers plusieurs villes. La majorité est sans emploi. Il y a aussi beaucoup de mineurs, des collégiens, des lycéens, mais aussi des jeunes travailleurs précaires. L’effet domino, suscité par les images de Tunis, n’est qu’un élément déclencheur dans une société où la précarité constitue déjà une poudrière.

    Dès le mois de mars, les cheminots ont paralysé le trafic ferroviaire pendant plusieurs semaines pour demander la revalorisation de leurs salaires. Puis ce sont les gardes communaux durant le même mois qui ont investi la capitale pour manifester leur ras-le-bol, exigeant un statut particulier. Les travailleurs des collectivités locales, des travaux publics, les postiers ont eux aussi entamé un mouvement de grève pour se faire entendre. Il en est de même pour les médecins résidents dont la grève a duré plus de trois mois. Ils ont tenté d’organiser des marches à Alger, mais en vain. Leurs actions ont été réprimées par la police. Les sages-femmes ont lancé un préavis de grève illimitée. Plusieurs secteurs d’activité sont actuellement en ébullition.

    Mais la protestation est toutefois menée en rangs dispersés et reste toujours limitée au secteur public. L’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), le principal syndicat national, n’a pas été à la hauteur des exigences du moment comme son homologue tunisien. Un équivalent alternatif n’existe pas encore. Le Mouvement culturel berbère (MCB) qui a cristallisé la protestation culturelle, démocratique et anti-islamiste n’existe plus. Le pluralisme syndical boiteux et la mythique « société civile » ou politique restent en deçà des nécessités de l’heure. La grève des étudiants qui a duré plus de deux mois a été la plus spectaculaire par la cohésion et l’énergie qu’elle a affichées d’une jeunesse qui n’a que l’émeute comme canal d’expression.

    Nadir Djermoune
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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    • #3
      La crise en Algérie est de beaucoup plus profonde que dans les autres pays arabes qui ont connu ces derniers temps leurs feux de paille qui ne font pas forcément des révolutions. Mème avec le départ de tous les dictateurs de ces pays rien ne chanqera .
      Les changements éspérés par les peuples arabes ne se réaliseront pas tant que l'économie de leurs pays continuent á stagner et á survivre grâce aux dons des pays du golf et des dettes contractées auprés du FMI et la banque mondiale. Ils ne se réaliseront pas car ce dont ils ont besoin est une révolution culturelle qui rompt avec l'archaisme de conception dont souffre tous les pays musulmans.
      Tant que la moitié de la population qui sont les femmes ne trouvent pas leur place dans l'économie et l'emploi, tant que les jeunes n'arrachent pas á la société le droit de vivre leur individualité et leur statut de citoyens á part entière et tant que la discipline et le pragmatisme ne reintègrent pas les consciences, les pays arabes continueront á rater tous les trains des transformations planétaires.

      En Algérie le chemin de la révolution culturelle est entamé depuis 20 ans, les succés ne sont pas apparents et peuvent encore se faire attendre mais une chose est sûre, les processus de transformations sont déclenchés et plusieurs étapes que toute révolution nécéssite ont été franchies á coup de milliers de morts et de milliards de dollars de dégâts.
      Le fait accompli nous aide á avancer.

      Abderrahmane Hadj-Nacer : «Nous reproduisons l'échec en permanence»
      La Martingale algérienne, réflexions sur une crise, l’essai de Abderrahmane Hadj-Nacer, publié en juin 2011 à Alger aux éditions Barzakh, est sans conteste le livre de la rentrée sociale. Il fait déjà débat dans un pays où l’on parle rarement des problèmes réels qui menacent les fondements même de l’Etat.

      L’ancien gouverneur de la Banque centrale a été marginalisé pour avoir cru, un moment, à la possibilité de réformes économiques en Algérie, seule voie pour sortir de l’enlisement. Il est évident que le livre, destiné surtout aux jeunes, doit être lu par tous. Les vérités sont dites d’une manière crue avec un sens aigu de l’analyse et de l’explication. Abderrahmane Hadj-Nacer ne se contente pas de faire un constat mais propose des solutions, des formules, des idées, des clefs, pour sortir de la crise, à commencer par celle de la légitimité.

      -Dans La Martingale algérienne, réflexions sur une crise, vous écrivez : «Mais qu’a-t-on fait de nos enfants ? On ne leur a rien transmis.» Rien transmis, pourquoi ?

      L’origine du livre est celle-là. C’est le fait de rencontrer des jeunes, des gens de 20-30-40 ans, qui, dans le fond, ne comprennent pas ce qui s’est passé et pourquoi on en est là. Des jeunes qui n’ont pas connaissance de leur histoire, de leur profondeur sociologique et historique. Après analyse, on constate qu’on ne leur a pas enseigné l’histoire ancienne, préislamique, musulmane et celle de la colonisation. De temps en temps, on leur jette en pâture des mythes, des bribes d’histoire souvent écrits par des personnes qui ont essayé de nier l’histoire de l’Algérie. Nos enfants sont le fruit de la négation de leur propre histoire. Ils sont le fruit d’une tradition de nos dirigeants de zapper l’histoire et d’essayer de forger un homme nouveau à partir de leurs propres fantasmes.

      Nous sommes dans un système d’éternels recommencements des erreurs. Des erreurs qui s’approfondissent parce qu’on ne tient pas compte de celles de nos ancêtres ni de celles de la génération précédente. A 15 ou 20 ans, le jeune est merveilleux, on voit que c’est de la bonne pâte. Au fur et à mesure qu’il avance dans l’âge, il devient une espèce d’ectoplasme qui rend service à ce système. D’où ma question : qu’a-t-on fait de nos enfants ? Je sais que c’est prétentieux, mais j’espère que ce livre sera lu surtout par des jeunes. Je souhaite que les 20-30-40 ans m’interpellent pour me donner leur avis et qu’ils sollicitent un débat.

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