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L’Union européenne, étage régional du pouvoir mondial

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  • L’Union européenne, étage régional du pouvoir mondial

    L’Union européenne, étage régional du pouvoir mondial

    Décryptant l’idéologie et l’organisation du « nouveau gouvernement du monde » – un réseau complexe d’institutions publiques et privées, ONG, sociétés et banques multinationales composant la « gouvernance » qui impose peu à peu sa souveraineté au monde (et donc aux Etats) -, l’économiste Georges Corm s’arrête un moment sur ‘l’énorme bureaucratie de l’Union européenne, modèle parfait d’un unanimisme néolibéral sans faille que ne pratiquent dans la réalité ni les Etats-Unis, ni le Royaume-Uni, les deux parrains de la libéralisation intégrale des marchés ». Laboratoire expérimental de la gouvernance mondiale, modèle institutionnel du marché, l’Union est aussi (comme l’OMC, le FMI, la Banque mondiale etc) agente active de l’extension dudit marché au reste du monde : « Toutes les relations de l’Union européenne avec les autres Etats ont un but unique, les convertir au libre-échange et conditionner ses aides et assistance à l’adoption de mesures concrètes de libéralisation » analyse-t-il. Extrait.

    Economiste et historien, consultant auprès de divers organismes internationaux, professeur d’université, Georges Corm fut ministre des finances du Liban (1998-2000) et a publié de nombreux essais sur le développement du monde arabe, l’Europe et l’économie mondiale. Il a publié en octobre dernier (éditions La découverte) un remarquable ouvrage intitulé « Le nouveau gouvernement du monde, idéologies, structures, contre-pouvoirs » dans lequel il plonge aux sources de la dogmatique « simpliste » néolibérale qui entend transformer scientifiquement l’humanité et explore le paysage complexe du pouvoir mondialisé actuel. Comme on le devine et l’annonce la quatrième de couverture, Corm plaide pour une « « démondialisation » raisonnée des esprits et des systèmes économiques dans un monde ouvert, pour une économie solidaire et humaine par le rétablissement des cohérences spatiales, la fin des dogmatismes et la réhabilitation des valeurs d’éthique et d’équité dans l’enseignement de l’économie. » Laboratoire régional de la gouvernance mondiale, l’Union européenne est emblématique de la bureaucratie d’affaire au service de l’unification marchande du monde.
    Extrait p.184-186

    « La duplication concurrentielle des fonctions des bureaucraties internationales et régionales
    Les diverses composantes de cette formidable bureaucratie, productrice régulière de documents qui polarisent l’attention des milieux politiques, économiques, académiques et médiatiques, se font d’ailleurs concurrence entre elles. Tous ces organismes, en effet, se veulent préoccupés du bien-être de l’humanité – lutte contre la faim, les pandémies, la pauvreté et le sida, programmes pour l’environnement, la démocratie, les droits de la femme et les droits de l’homme, l’accès de tous au développement, aux nouvelles techniques de l’information et de la communication, etc. – et s’intéressent donc tous aux mêmes sujets. L’intensité de leurs publications varie en fonction des agendas que se donnent sur ces thèmes les dirigeants des grands Etats lors de leurs multiples sommets mondiaux. D’où d’inévitables doublons dans les activités de ces organismes. Cette toile d’araignée institutionnelle, instrument majeur du pouvoir mondialisé, ne cesse de se développer, car elle tisse et retisse sans cesse des écrits, dissémine des statistiques dont on ne sait jamais si elles sont élaborées avec sérieux et que crédit leur accorder, développe des sites web pour les rendre accessibles à tous. Chaque organisme dispose d’un service de communication toujours bien équipé en journalistes compétents.

    Cette bureaucratie centralisée inspire les travaux et actions des bureaucraties des organismes économiques et financiers privés qui se targuent tous – nous l’avons vu – d’être partisans de la « soutenabilité », de la protection de l’environnement, de la transparence, etc. Mais elle inspire de même les institutions régionales de développement, ainsi que les administrations nationales de coopération et d’aide avec les pays en développement, de même que le monde de la recherche académique, à qui elle impose son agenda et ses vocabulaires. On pense d’abord, dans ce domaine, à l’énorme bureaucratie de l’Union européenne, modèle parfait d’un unanimisme néolibéral sans faille que ne pratiquent dans la réalité ni les Etats-Unis, ni le Royaume-Uni, les deux parrains de la libéralisation intégrale des marchés. Plusieurs dizaines de milliers de fonctionnaires siègent à Bruxelles, mais aussi dans les délégations de la Commission européenne dans nombre de pays, comme auprès des grands organismes des Nations unies. Toutes les relations de l’Union européenne avec les autres Etats ont un but unique, les convertir au libre-échange et conditionner ses aides et assistance à l’adoption de mesures concrètes de libéralisation et, suivant le vocabulaire abstrait de la Commission européenne, de « mise à niveau institutionnelle » des économies qu’elle assiste ou avec lesquelles elle entretient des relations commerciales, d’investissement ou de financement.

    En 1995, elle a ainsi lancé l’ambitieux projet d’une zone de libre-échange euroméditerranéenne, destinée à devenir, sur la base de la Charte signée à Barcelone cette année-là, une zone de partenariat entre les pays industrialisés de la rive nord de la Méditerranée et ceux de la rive sud, encore très loin du niveau de vie européen (sauf le cas spécifique d’Israël). Le partenariat de Barcelone était censé promouvoir une mise à niveau institutionnelle visant à favoriser la libéralisation des économies du Sud, mais aussi la promotion de la démocratie, de l’Etat de droit et des libertés individuelles. Dans l’optique néolibérale, cette initiative devait permettre une convergence des niveaux de vie entre les deux rives, grâce à la libéralisation des marchés. Quinze ans plus tard, l’échec est patent, en dépit des efforts de renouvellement de la politique méditerranéenne de l’Union par la politique dite de « voisinage » – qui a ajouté aux pays tiers méditerranéens l’Ukraine, la Moldavie et la Biélorussie -, ou, plus récemment, par la création en 2008 de l’Union pour la Méditerranée à l’initiative du président français Nicolas Sarkozy.

    En revanche, l’Union européenne a eu plus de succès avec les anciens pays « socialistes » d’Europe centrale. Elle a réussi, en effet, à les inclure dans le réseau de la mondialisation par leur intégration institutionnelle dans ses rouages politiques, économiques et bureaucratiques. Pour cela, les aides considérables ont été accordées à ces pays, conditionnées par leur transition rapide à l’économie de marché, à la démocratie et au retrait de l’Etat de la vie économique – ce qui a considérablement accaparé l’attention des dirigeants de l’Union et de sa bureaucratie depuis le début des années 1990. Si l’expérience a réussi pour les pays qui avaient connu autrefois une industrialisation de type libéral, comme la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie, ou dans une moindre mesure la Hongrie, il n’en a pas été de même pour la Roumanie, la Bulgarie ou les Pays Baltes. Mais même dans la première catégorie de pays, les différences de niveaux de vie avec ceux des pays d’Europe de l’Ouest restent encore considérables aujourd’hui. (…)»
    Observatoire de l’Europe
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