N’eussent été les nombreuses et insistantes demandes de ma famille et de mes amis pour que je fasse ce témoignage, je n’en aurais jamais pris l’initiative, tellement c’est humiliant d’en parler.
J’aurais préféré :
- que mon nom – porté par des gens aussi illustres que mon père et ma mère, moudjahidine qui ont tout sacrifié pour que cette situation digne des scénarios les plus obscurs de la période coloniale n’ait jamais lieu –, ne soit jamais lié à ceux-là qui se sont rendu coupables d’actes aussi irresponsables ;
- oublier et considérer ce qui m’est arrivé, juste comme un mauvais souvenir, le souvenir d’une faute, d’une horrible faute de jugement, qui m’a fait croire que les choses aient pu changer en Algérie et que moi, cadre installé à l’étranger, pourrais, comme n’ont pas arrêté de nous le marteler depuis des années les différents discoureurs politiques, prétendre, sans entrer dans le labyrinthe des interventions, du piston, du benamisme, des micmacs de tous genres, mettre mes modestes compétences au service de l’université algérienne.
Néanmoins, je vais témoigner – en défiant les personnes mises en cause dans ce qui suit de m’ester en justice si ce que je dis est faux – ne ce serait-ce que pour que les étudiants algériens sachent à qui s’en prendre et ne pas culpabiliser et affubler de tous les torts les intellectuels algériens qui ont choisi l’exil.
Aussi, pour que les citoyens en général sachent pourquoi l’université algérienne n’est plus que l’ombre d’elle-même, classée parmi les dernières d’Afrique, notamment derrière celle de Kigali au Rwanda, pour ne citer que ce pays qui a souffert de l’affreuse guerre civile que l’on sait, et enlever en l’occurrence l’argument de la décennie noire à ceux qui le mettent à toutes les sauces, et notamment pour justifier l’état actuel lamentable de notre université.
D’un autre côté, au-delà de mon cas qui relève en soi du simple détail qui pourrait à la rigueur n’intéresser que moi, c’est surtout la situation qu’il met en scène qui devrait être méditée : partout où je passe, il se dégage cette impression d’impunité, d’accaparement de la fonction publique, de sa considération comme une propriété privée par nos responsables, qui les fait se comporter comme des potentats, chacun dans son petit sultanat, sans peur ni crainte d’être inquiétés. Situation que je ne peux m’empêcher de mettre en parallèle avec celles que me rapportaient mes parents au sujet de comportements similaires de la part des caïds et autres administrateurs coloniaux envers «les indigènes». Ainsi, étant docteur en sciences du langage de l’université Paris III-Sorbonne Nouvelle, directeur de collection chez l’Harmattan à Paris, auteur et éditeur scientifique de plusieurs travaux, j’ai décidé, il y a quatre ans (en 2006), malgré les mises en garde de mes collègues et amis, de rentrer chez-moi en Algérie pour intégrer l’une des universités algériennes qui offraient des emplois en rapport avec ma spécialité.
Aussitôt les premières démarches entamées, j’ai vite fait de déchanter et de me rendre compte que je n’étais pour les différents établissements où je me rendais qu’un indésirable tentant de s’incruster, à qui il fallait à tout prix barrer le chemin.
Cela a commencé à la daïra (sous-préfecture) de Sétif dont le secrétaire général m’a traité comme on traiterait un voyou (allant jusqu’à dépasser ses attributions et me confisquer ma carte nationale pour ne me la rendre que quand il a bien voulu) parce que j’ai osé réclamer mon droit à ce qu’il applique à mon cas la loi telle qu’elle est édictée par les textes de la République algérienne et non telle qu’il la conçoit lui-même.
Ce à quoi il m’a répondu par : «Chaque administration a le droit de travailler comme elle l’entend».
Cette histoire est longue et date de plus de quatre ans. Je vous en épargne les détails dont j’ai fait cependant part dans deux courriers au wali (préfet) et au chef de daïra (sous-préfet) à l’époque sans réponse de leur part (1). Ensuite, vinrent les services des équivalences de diplômes du ministère de l’Enseignement supérieur dont l’un des agents administratifs alla jusqu’à me raccrocher au nez après m’avoir agressé verbalement parce que, une fois encore, j’avais osé réclamer que l’on m’établisse mon équivalence ou qu’on cesse de m’en faire la promesse chaque semaine pour la prochaine.Pour information, je ne reçus mon équivalence que trois mois après son dépôt alors qu’on me l’avait initialement promise pour quinze jours.
Passons. Je croyais que du côté de l’université, les choses allaient être différentes. Mal m’en prit.
J’ai présenté des demandes à plusieurs universités dont celles de Jijel, Tlemcen, Alger, Sétif desquelles je n’ai reçu aucune réponse, ou des réponses qui les arrangeaient comme pour le cas de l’université de Constantine. Seule l’université de Béjaïa me fit parvenir une réponse, mais j’aurais préféré qu’elle ne l’eût jamais fait au vu des comportements ultérieurs de ses responsables :
- Le chef du personnel, dont le rôle se limite, en principe, juste à la gestion administrative des dossiers de candidature, laissant l’acceptation ou le refus aux autorités scientifiques concernées, qui se comporte comme un véritable recruteur, se permettant de me répondre en son nom, et de me tutoyer sans m’avoir jamais vu et de me fournir de fausses informations qui m’ont fait prendre, sur leur foi, des décisions qui m’ont été très préjudiciables, dont ma démission de mon ancien travail.
- Le recteur qui ne leva pas le petit doigt après ma plainte de tels comportements et ne trouva rien de mieux à me répondre que de me proposer, après m’avoir reproché de m’adresser à son chef du personnel (2) «de les aider à perfectionner leur enseignement dans le domaine des sciences du langage du moment que je n’avais rien de mieux à faire maintenant que je suis sans travail» ; en d’autres termes : «Tant qu’à faire, profitons de cet oisif sans travail, corvéable à merci.» Ce même recteur qui ne m’a pas reçu à chaque fois que je lui ai demandé audience et qui a répondu par la voie de son chef du personnel par la négative à mes différentes demandes de recrutement dans des postes de ma spécialité (une dizaine de publiés chaque année par cette université) arguant que mon profil de formation ne répondait pas aux postes proposés.
De semblables comportements ont été aussi le fait de l’université de Sétif qui s’est permise d’ignorer mes nombreuses demandes, alors qu’elle connaît un manque flagrant de postes dans ma spécialité. Est-il normal qu’on se permette d’ignorer pendant plus de quatre ans la candidature d’un docteur de la Sorbonne alors qu’on recrute des licenciés pour encadrer de futurs licenciés (3).
Allez par exemple parler aux nouveaux diplômés du département de français de cette université et vous verrez combien leur formation a été bâclée. Je ne dis pas cela pour dénigrer les étudiants, ils n’ont eu que la formation qu’on leur a donnée, qui n’est que la juste conséquence d’une gestion abusive de notre université.
(à suivre)
J’aurais préféré :
- que mon nom – porté par des gens aussi illustres que mon père et ma mère, moudjahidine qui ont tout sacrifié pour que cette situation digne des scénarios les plus obscurs de la période coloniale n’ait jamais lieu –, ne soit jamais lié à ceux-là qui se sont rendu coupables d’actes aussi irresponsables ;
- oublier et considérer ce qui m’est arrivé, juste comme un mauvais souvenir, le souvenir d’une faute, d’une horrible faute de jugement, qui m’a fait croire que les choses aient pu changer en Algérie et que moi, cadre installé à l’étranger, pourrais, comme n’ont pas arrêté de nous le marteler depuis des années les différents discoureurs politiques, prétendre, sans entrer dans le labyrinthe des interventions, du piston, du benamisme, des micmacs de tous genres, mettre mes modestes compétences au service de l’université algérienne.
Néanmoins, je vais témoigner – en défiant les personnes mises en cause dans ce qui suit de m’ester en justice si ce que je dis est faux – ne ce serait-ce que pour que les étudiants algériens sachent à qui s’en prendre et ne pas culpabiliser et affubler de tous les torts les intellectuels algériens qui ont choisi l’exil.
Aussi, pour que les citoyens en général sachent pourquoi l’université algérienne n’est plus que l’ombre d’elle-même, classée parmi les dernières d’Afrique, notamment derrière celle de Kigali au Rwanda, pour ne citer que ce pays qui a souffert de l’affreuse guerre civile que l’on sait, et enlever en l’occurrence l’argument de la décennie noire à ceux qui le mettent à toutes les sauces, et notamment pour justifier l’état actuel lamentable de notre université.
D’un autre côté, au-delà de mon cas qui relève en soi du simple détail qui pourrait à la rigueur n’intéresser que moi, c’est surtout la situation qu’il met en scène qui devrait être méditée : partout où je passe, il se dégage cette impression d’impunité, d’accaparement de la fonction publique, de sa considération comme une propriété privée par nos responsables, qui les fait se comporter comme des potentats, chacun dans son petit sultanat, sans peur ni crainte d’être inquiétés. Situation que je ne peux m’empêcher de mettre en parallèle avec celles que me rapportaient mes parents au sujet de comportements similaires de la part des caïds et autres administrateurs coloniaux envers «les indigènes». Ainsi, étant docteur en sciences du langage de l’université Paris III-Sorbonne Nouvelle, directeur de collection chez l’Harmattan à Paris, auteur et éditeur scientifique de plusieurs travaux, j’ai décidé, il y a quatre ans (en 2006), malgré les mises en garde de mes collègues et amis, de rentrer chez-moi en Algérie pour intégrer l’une des universités algériennes qui offraient des emplois en rapport avec ma spécialité.
Aussitôt les premières démarches entamées, j’ai vite fait de déchanter et de me rendre compte que je n’étais pour les différents établissements où je me rendais qu’un indésirable tentant de s’incruster, à qui il fallait à tout prix barrer le chemin.
Cela a commencé à la daïra (sous-préfecture) de Sétif dont le secrétaire général m’a traité comme on traiterait un voyou (allant jusqu’à dépasser ses attributions et me confisquer ma carte nationale pour ne me la rendre que quand il a bien voulu) parce que j’ai osé réclamer mon droit à ce qu’il applique à mon cas la loi telle qu’elle est édictée par les textes de la République algérienne et non telle qu’il la conçoit lui-même.
Ce à quoi il m’a répondu par : «Chaque administration a le droit de travailler comme elle l’entend».
Cette histoire est longue et date de plus de quatre ans. Je vous en épargne les détails dont j’ai fait cependant part dans deux courriers au wali (préfet) et au chef de daïra (sous-préfet) à l’époque sans réponse de leur part (1). Ensuite, vinrent les services des équivalences de diplômes du ministère de l’Enseignement supérieur dont l’un des agents administratifs alla jusqu’à me raccrocher au nez après m’avoir agressé verbalement parce que, une fois encore, j’avais osé réclamer que l’on m’établisse mon équivalence ou qu’on cesse de m’en faire la promesse chaque semaine pour la prochaine.Pour information, je ne reçus mon équivalence que trois mois après son dépôt alors qu’on me l’avait initialement promise pour quinze jours.
Passons. Je croyais que du côté de l’université, les choses allaient être différentes. Mal m’en prit.
J’ai présenté des demandes à plusieurs universités dont celles de Jijel, Tlemcen, Alger, Sétif desquelles je n’ai reçu aucune réponse, ou des réponses qui les arrangeaient comme pour le cas de l’université de Constantine. Seule l’université de Béjaïa me fit parvenir une réponse, mais j’aurais préféré qu’elle ne l’eût jamais fait au vu des comportements ultérieurs de ses responsables :
- Le chef du personnel, dont le rôle se limite, en principe, juste à la gestion administrative des dossiers de candidature, laissant l’acceptation ou le refus aux autorités scientifiques concernées, qui se comporte comme un véritable recruteur, se permettant de me répondre en son nom, et de me tutoyer sans m’avoir jamais vu et de me fournir de fausses informations qui m’ont fait prendre, sur leur foi, des décisions qui m’ont été très préjudiciables, dont ma démission de mon ancien travail.
- Le recteur qui ne leva pas le petit doigt après ma plainte de tels comportements et ne trouva rien de mieux à me répondre que de me proposer, après m’avoir reproché de m’adresser à son chef du personnel (2) «de les aider à perfectionner leur enseignement dans le domaine des sciences du langage du moment que je n’avais rien de mieux à faire maintenant que je suis sans travail» ; en d’autres termes : «Tant qu’à faire, profitons de cet oisif sans travail, corvéable à merci.» Ce même recteur qui ne m’a pas reçu à chaque fois que je lui ai demandé audience et qui a répondu par la voie de son chef du personnel par la négative à mes différentes demandes de recrutement dans des postes de ma spécialité (une dizaine de publiés chaque année par cette université) arguant que mon profil de formation ne répondait pas aux postes proposés.
De semblables comportements ont été aussi le fait de l’université de Sétif qui s’est permise d’ignorer mes nombreuses demandes, alors qu’elle connaît un manque flagrant de postes dans ma spécialité. Est-il normal qu’on se permette d’ignorer pendant plus de quatre ans la candidature d’un docteur de la Sorbonne alors qu’on recrute des licenciés pour encadrer de futurs licenciés (3).
Allez par exemple parler aux nouveaux diplômés du département de français de cette université et vous verrez combien leur formation a été bâclée. Je ne dis pas cela pour dénigrer les étudiants, ils n’ont eu que la formation qu’on leur a donnée, qui n’est que la juste conséquence d’une gestion abusive de notre université.
(à suivre)
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