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La chute d'un héros de la finance

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  • La chute d'un héros de la finance

    Bonsoir, à ce niveau de qualification, même si on est viré par son patron, on risque pas de perdre ses cheveux.
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    Ce pourrait être l'histoire banale de la chute d'un financier de haute volée, la disgrâce d'une "légende de la City", pour reprendre l'expression du Financial Times, ou la chute de l'un des rares Français à figurer sur la liste, établie par le Sunday Times, des plus grosses fortunes britanniques - la sienne est estimée à 200 millions de livres (près de 300 millions d'euros). Mais Philippe Jabre, 45 ans, le financier au visage poupin, est aussi et surtout représentatif des dérapages des hedge funds. Il s'agit de fonds spéculatifs, venus d'outre-Atlantique, dont l'irruption soudaine a bouleversé la place financière londonienne.


    Le 2 mars, après deux ans d'enquête, la Financial Services Authority (FSA), l'autorité de tutelle de la City, a condamné et Philippe Jabre et la société pour laquelle il travaillait alors, GLG Partners, à une amende de 750 000 livres (plus de 1 million d'euros) chacun. Le régulateur britannique les a reconnus coupables d'abus de marché et de violation de ses procédures dans le cadre de transactions sur des obligations convertibles Sumitomo en février 2003.

    Ce montant serait la plus importante punition jamais infligée à une personne physique par la FSA et la première à frapper un gérant de hedge funds. GLG a accepté le verdict, Philippe Jabre, lui, a préféré faire appel. Par ailleurs, deux enquêtes parallèles sont toujours en cours en France et en Espagne.

    Le FSA reproche au principal trader de GLG d'avoir utilisé, contrairement à la réglementation en vigueur, des informations confidentielles qu'il était le seul à détenir pour spéculer sur cette opération. Intermédiaires entre l'entreprise japonaise émettrice d'actions et les acheteurs au détail, les hedge funds sont le point de passage obligé de ces transactions qui permettent aux entreprises d'obtenir des conditions de financement plus intéressantes.

    Les "convertibles", la spécialité de Philippe Jabre, sont un secteur spécialisé très rémunérateur, mais aussi très risqué. D'où l'importance à ses yeux d'être au courant de toutes les informations avant de fixer son prix. Et l'intéressé était évidemment bien placé pour recevoir des "tuyaux" puisqu'il était le messager entre l'entreprise et le courtier agissant pour l'investisseur."Il fait partie de ces petits malins qui marchent constamment sur le fil du rasoir car ils ne peuvent pas résister à l'odeur d'une bonne affaire, comme les requins à la vue du sang. Quitte à tirer profit d'une information privilégiée avant qu'elle ne soit rendue publique", s'exclame un critique des hedge funds.

    Chrétien libanais, Jabre quitte le pays du Cèdre en 1976, au début de la guerre civile, durant laquelle son frère, Michel, membre des Forces libanaises, sera tué. En 1982, Philippe décroche un Master of Business Administration de la prestigieuse Columbia Busines School de New York, puis suit un stage à la banque JP Morgan. Mais c'est à Paris que ce génie de la finance trouve sa voie en entrant dans la BAii, un consortium créé pour recycler les pétrodollars, regroupant notamment Paribas et Bank of America. Il se spécialise dans un domaine pionnier à l'époque : les transactions spéculatives sur actions.

    La suite...
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

  • #2
    Créée à Londres par trois anciens traders de Lehman Brothers, GLG fait tout naturellement appel à ses services en 1997. Commence alors pour lui, après une vingtaine d'années passées à Paris, une autre vie qui s'achèvera dans le soupçon. Associé de cette société appelée à devenir l'un des fonds spéculatifs les plus importants d'Europe, Philippe Jabre peut donner toute la mesure de son talent.

    Pour s'enrichir rapidement en cette fin du XXe siècle, il faut être dans la gestion alternative."Il a débuté dans la City tout au début de l'envolée des hedge funds et cela dans une cité financière disposant de la masse critique, foncièrement plus libre que New York ou Paris", indique Philip Beresford, du Sunday Times. GLG est une structure souple où cet homme très sûr de lui n'en fait qu'à sa tête.

    Il est vrai que Philippe Jabre a la réputation d'être infaillible. Son fonds phare, baptisé Market Neutral, offrira un rendement moyen annuel, entre 1998 et 2005, de 23,1 % net à ses riches investisseurs. Le même fonds chute-t-il de 18 % début 2005 ? L'associé gérant rétablit en un tour de main sa santé et terminera l'année en hausse.

    "C'est un personnage exquis, raffiné, éclairé et, je suppose, honnête. Je ne peux en dire que du bien" : comme le souligne un ardent supporter, Philippe Jabre a l'entregent reconnu et les relations nombreuses. Il habite un hôtel particulier dans les Boltons, l'une des adresses les plus huppées de la capitale, doté de l'une des plus belles caves de Kensington. Habitué des salons mondains et des allées du pouvoir, à Londres comme à Beyrouth, il collectionne les vieux livres d'histoire du Proche-Orient et aime afficher son train de vie : jet privé et chalet cossu à Courchevel, où il invite sans compter ses connaissances d'affaires.

    Malgré la charge de travail, ce pilier de la City est resté très actif dans les associations anglo-libanaises. Il a créé une Fondation, impliquée dans l'aide sociale aux déshérités, chrétiens comme musulmans, et, en septembre 2005, la rénovation de la villa Raymond-Jabre, occupée par les services de renseignement syriens pendant tout le conflit, a couronné cette action philanthropique.

    Cette munificence ne manque pas d'inquiéter certains. Son ascension foudroyante lui a valu quelques solides inimitiés dans le monde clos des hedge funds, où la règle numéro un est la discrétion absolue. Ainsi, tous nos interlocuteurs ont exigé l'anonymat.

    "Les sommes en jeu, colossales, alimentent l'âpreté au gain et la jalousie. En plus, Philippe est d'origine libanaise", souligne un banquier du Levant aujourd'hui à la retraite. A l'écouter, contrairement à l'idée largement répandue, bon nombre de hedge funds ont été créés par des rejetons de l'establishment britannique, souvent méfiants à l'égard des financiers internationaux qui dominent désormais ce sanctuaire du capitalisme.

    "Ce n'est pas Philippe qui est en cause, c'est le système pas du tout transparent qui fonctionnait au profit d'une petite clique très motivée. Le FSA en était conscient mais n'a rien fait pendant longtemps. Pour faire un exemple, elle a choisi d'épingler un étranger", estime un concurrent, solidaire du trader. Mais l'organe de tutelle rejette catégoriquement les accusations de racisme anti-arabe entendues dans certains cercles proche-orientaux de Londres.

    Disgrâce et fin de carrière dans la City pour Philippe Jabre ? Ce serait mal connaître l'homme, qui considère qu'il est le bouc émissaire de l'affaire. Son employeur, GLG, a tenté de le dissuader, mais, face à son entêtement à interjeter appel, l'a prié de partir. Après la décision de justice, il entend bien poursuivre sa carrière dans les hedge funds. C'est toute sa vie...

    Marc Roche
    16.05.06 LE MONDE
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