Mercenaires sans frontières, les « chiens de guerre » de la mondialisation financière
28 juillet 2007
Par Karel Vereycken
« Si la cupidité est bonne, la guerre est meilleure » Forbes.com commentant les profits financiers de DynCorp en bourse.
Prologue
Le terme « mercenaire » évoque très souvent chez nos concitoyens l’image d’un Bob Denard, des « soldats de fortune » et autres « affreux ». Mais le grand public ignore souvent la nouvelle réalité, bien plus affreuse, celle des Sociétés militaires privées (SMP), les fameuses Private Military Contractors (PMC).
Depuis l’effondrement du système soviétique en 1989, la donne a changé. Si, par le passé, les mercenaires vendaient, moyennant espèces sonnantes et trébuchantes, leur sale besogne à des dictateurs à la dérive, des entreprises en mal de milice patronales ou des services secrets en quête d’hommes de main pour des coups tordus dans l’ombre, aujourd’hui c’est au grand jour que des Etats dits « civilisés » et leurs institutions sont devenus les principaux donneurs d’ordre des SMP : Pentagone, Département d’Etat, ONU, UE, OSCE, OUA et même certaines ONG et la Croix Rouge !
Le scandale de British Aerospace Systems, qui secoue actuellement le Royaume-Uni et les Etats-Unis, révélant une corruption financière et politique autour d’énormes contrats de vente d’armes de la société britannique BAE Systems à l’Arabie saoudite, a levé un coin du voile sur le véritable projet de société que tente d’imposer l’oligarchie financière internationale. Il s’agit d’un modèle d’empire inspiré de la Compagnie britannique des Indes orientales, qui, au XVIIe siècle dominait avec son monopole financier, son commerce et ses armées, les océans d’un « empire où le soleil ne se couche jamais ».
Hier, comme aujourd’hui, il s’agit d’ériger un cartel de financiers, qui, en mariant pouvoir financier, puissance militaire, technologique et informatique imposent leur contrôle sur les ressources de la planète et ses habitants. Comme les pirates de jadis, les Sociétés militaires privées exécutent comme sous-traitants les basses œuvres de l’empire dont elles portent la gloire.
Un bref examen des carrières des dirigeants actuels de BAE Systems, ainsi que leurs carnets d’adresses dans le monde politique, financier et des affaires, confirment sans ambiguïté qu’avec BAE nous n’avons plus affaire à une simple entreprise, mais à un cartel de producteurs d’armes high-tech dans l’informatique et le spatial (BAE Systems, United Defense Industries, Lockheed Martin), de financiers spéculateurs (Lazard, Goldman Sachs, Deutsche Bank), de gestionnaires de matières premières (British Petroleum, Shell Oil) avec sur le terrain, les SMP.
La Société militaire privée DynCorp, qui forme des milliers de soldats et de policiers et dont nous parlerons plus loin, est également une caricature grotesque de ce mariage criminel entre grandes compagnies de mercenaires et grandes compagnies de spéculateurs. Le principal actionnaire de DynCorp a été pendant très longtemps Capricorn Holdings, une société dirigée par un certain Herbert S. Winokur Jr., qui siège à DynCorp tout en présidant le conseil financier de la société Enron, le géant texan de l’énergie connu pour ses malversations retentissantes. Récemment, DynCorp fut racheté par un fonds d’investissement, Veritas Capital, dirigé par Robert B. McKeon, ancien PDG de Wasserstein Perella Management Partners. L’ancien partenaire de McKeon est Bruce Wasserstein qui dirige aujourd’hui la banque synarchiste Lazard Frères...
Si le cartel fascisant BAE a pu s’implanter aussi massivement dans les interstices du pouvoir américain, allant jusqu’à porter atteinte à sa souveraineté, c’est essentiellement à cause de l’anglophilie sans limites du vice-président américain Dick Cheney et de sa femme Lynne, têtes de proue de la secte des néo-conservateurs. Le scandale de la BAE a été un révélateur du vrai projet politique de cette faction. Sous couvert de « révolution dans les affaires militaires (RMA) », une politique systématique de « privatisations » et « d’externalisation » ainsi que de réduction massive des effectifs de l’armée américaine, doublée d’une course aux armements « miracles » (informatique, espace, etc.) confiés à quelques super professionnels opérant dans le plus grand secret, a créé le cadre de l’explosion fulgurante du marché des sociétés militaires privées.
Aussi fou que ceci puisse paraître, cette vaste machine militaire, devenue instrument de chantage, leur permettrait l’instauration d’un « gouvernement mondial » tenant le monde en otage avec des armes positionnées dans l’espace, tout en gérant le chaos des populations avec des entités de mercenaires, une génétique sans éthique, une désinformation constante et des drogues régulatrices. Cette « dictature scientifique », l’utopie dangereuse dont rêvaient George Orwell dans 1984 et Aldous Huxley dans Le retour au meilleur des mondes, popularisée par tant de bandes dessinées, sera la réalité du monde de demain si nous réagissons pas.
Introduction
En 2004 s’est tenue au Middlebury College, dans l’Etat du Vermont aux Etats-Unis, une conférence sous les auspices du Centre Rohatyn pour les affaires internationales, sur le thème de « la privatisation de la défense nationale américaine. »
Félix Rohatyn, ancien ambassadeur américain à Paris et ancien banquier de Lazard Frères, y partageait la tribune avec des géopoliticiens tel que Michaël Ignatief, un professeur d’Harvard qui affirme que l’Amérique devrait abandonner le républicanisme pour le « libéral-impérialisme », William Dobson, l’éditeur de la revue du Conseil des relations étrangères (CFR) Foreign Affairs, et un certain nombre d’anciens militaires habitués à effectuer des allers-retours entre le Pentagone et un secteur militaire privé en pleine croissance grâce au développement très lucratif des sociétés militaires privées.
Mentionnons aussi, par exemple, le général Ed Soyster, annoncé au programme comme un « conseiller spécial auprès du ministère de la Défense ». Si Soyster a été réellement chef du service de contre-espionnage américain, la D.I.A. (Defense Intelligence Agency), il est aujourd’hui vice-président en charge des relations internationales de MPRI (Military Professionals Resources Inc.), une des plus importantes sociétés militaires privées du monde.
Sept ans plus tôt la même D.I.A. avait déjà organisé un colloque à huis clos sur le thème de « la privatisation des fonctions de défense nationale en Afrique sub-saharienne », réunissant des SMP américaines et anglaises. En dehors des responsables de MPRI, il y avait aussi Eeben Barlow, directeur de la fameuse société de mercenaires Executive Outcomes, qui se faisait rémunérer en diamants en Sierra Leone, ainsi que celle de Timothy Spicer dont nous parlerons plus tard.
Un mois après cette conférence, dans le Financial Times, Félix Rohatyn en personne livrait ses pensées sur la question. Depuis une décennie, dit Rohatyn, une révolution tranquille est en marche. Dans la première guerre du Golfe, « la proportion de troupes américaines sur le terrain par rapport au nombre de SMP était de 50 contre 1. Dans la guerre d’Irak en 2003, la proportion était de 10 contre 1, tout comme pendant l’intervention en Bosnie et au Kosovo, sous Clinton. (...) Pour donner un ordre de grandeur de cette évolution, le montant total des contrats d’Halliburton en Irak se chiffre à ce jour autour de 11 à 13 milliards de dollars, soit plus du double du coût payé par les Etats-Unis pour la première guerre du Golfe. (...) Dans l’histoire de la guerre, continue Rohatyn, la sous-traitance et le déploiement de mercenaires n’ont rien de neuf. L’empire anglais a été bâti avec des soldats mercenaires, et une armée de citoyens n’est apparue que dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Mais il y a deux différences structurelles entre l’empire anglais du XIXe et l’américain du XXe. D’abord, ce sont des compagnies cotées en bourse qui mènent des opérations militaires privées. Ensuite, le marché de cette nouvelle force possède aujourd’hui un caractère vraiment mondial, ce qui fait apparaître des nouvelles prérogatives de responsabilité et de régulation. »
28 juillet 2007
Par Karel Vereycken
« Si la cupidité est bonne, la guerre est meilleure » Forbes.com commentant les profits financiers de DynCorp en bourse.
Prologue
Le terme « mercenaire » évoque très souvent chez nos concitoyens l’image d’un Bob Denard, des « soldats de fortune » et autres « affreux ». Mais le grand public ignore souvent la nouvelle réalité, bien plus affreuse, celle des Sociétés militaires privées (SMP), les fameuses Private Military Contractors (PMC).
Depuis l’effondrement du système soviétique en 1989, la donne a changé. Si, par le passé, les mercenaires vendaient, moyennant espèces sonnantes et trébuchantes, leur sale besogne à des dictateurs à la dérive, des entreprises en mal de milice patronales ou des services secrets en quête d’hommes de main pour des coups tordus dans l’ombre, aujourd’hui c’est au grand jour que des Etats dits « civilisés » et leurs institutions sont devenus les principaux donneurs d’ordre des SMP : Pentagone, Département d’Etat, ONU, UE, OSCE, OUA et même certaines ONG et la Croix Rouge !
Le scandale de British Aerospace Systems, qui secoue actuellement le Royaume-Uni et les Etats-Unis, révélant une corruption financière et politique autour d’énormes contrats de vente d’armes de la société britannique BAE Systems à l’Arabie saoudite, a levé un coin du voile sur le véritable projet de société que tente d’imposer l’oligarchie financière internationale. Il s’agit d’un modèle d’empire inspiré de la Compagnie britannique des Indes orientales, qui, au XVIIe siècle dominait avec son monopole financier, son commerce et ses armées, les océans d’un « empire où le soleil ne se couche jamais ».
Hier, comme aujourd’hui, il s’agit d’ériger un cartel de financiers, qui, en mariant pouvoir financier, puissance militaire, technologique et informatique imposent leur contrôle sur les ressources de la planète et ses habitants. Comme les pirates de jadis, les Sociétés militaires privées exécutent comme sous-traitants les basses œuvres de l’empire dont elles portent la gloire.
Un bref examen des carrières des dirigeants actuels de BAE Systems, ainsi que leurs carnets d’adresses dans le monde politique, financier et des affaires, confirment sans ambiguïté qu’avec BAE nous n’avons plus affaire à une simple entreprise, mais à un cartel de producteurs d’armes high-tech dans l’informatique et le spatial (BAE Systems, United Defense Industries, Lockheed Martin), de financiers spéculateurs (Lazard, Goldman Sachs, Deutsche Bank), de gestionnaires de matières premières (British Petroleum, Shell Oil) avec sur le terrain, les SMP.
La Société militaire privée DynCorp, qui forme des milliers de soldats et de policiers et dont nous parlerons plus loin, est également une caricature grotesque de ce mariage criminel entre grandes compagnies de mercenaires et grandes compagnies de spéculateurs. Le principal actionnaire de DynCorp a été pendant très longtemps Capricorn Holdings, une société dirigée par un certain Herbert S. Winokur Jr., qui siège à DynCorp tout en présidant le conseil financier de la société Enron, le géant texan de l’énergie connu pour ses malversations retentissantes. Récemment, DynCorp fut racheté par un fonds d’investissement, Veritas Capital, dirigé par Robert B. McKeon, ancien PDG de Wasserstein Perella Management Partners. L’ancien partenaire de McKeon est Bruce Wasserstein qui dirige aujourd’hui la banque synarchiste Lazard Frères...
Si le cartel fascisant BAE a pu s’implanter aussi massivement dans les interstices du pouvoir américain, allant jusqu’à porter atteinte à sa souveraineté, c’est essentiellement à cause de l’anglophilie sans limites du vice-président américain Dick Cheney et de sa femme Lynne, têtes de proue de la secte des néo-conservateurs. Le scandale de la BAE a été un révélateur du vrai projet politique de cette faction. Sous couvert de « révolution dans les affaires militaires (RMA) », une politique systématique de « privatisations » et « d’externalisation » ainsi que de réduction massive des effectifs de l’armée américaine, doublée d’une course aux armements « miracles » (informatique, espace, etc.) confiés à quelques super professionnels opérant dans le plus grand secret, a créé le cadre de l’explosion fulgurante du marché des sociétés militaires privées.
Aussi fou que ceci puisse paraître, cette vaste machine militaire, devenue instrument de chantage, leur permettrait l’instauration d’un « gouvernement mondial » tenant le monde en otage avec des armes positionnées dans l’espace, tout en gérant le chaos des populations avec des entités de mercenaires, une génétique sans éthique, une désinformation constante et des drogues régulatrices. Cette « dictature scientifique », l’utopie dangereuse dont rêvaient George Orwell dans 1984 et Aldous Huxley dans Le retour au meilleur des mondes, popularisée par tant de bandes dessinées, sera la réalité du monde de demain si nous réagissons pas.
Introduction
En 2004 s’est tenue au Middlebury College, dans l’Etat du Vermont aux Etats-Unis, une conférence sous les auspices du Centre Rohatyn pour les affaires internationales, sur le thème de « la privatisation de la défense nationale américaine. »
Félix Rohatyn, ancien ambassadeur américain à Paris et ancien banquier de Lazard Frères, y partageait la tribune avec des géopoliticiens tel que Michaël Ignatief, un professeur d’Harvard qui affirme que l’Amérique devrait abandonner le républicanisme pour le « libéral-impérialisme », William Dobson, l’éditeur de la revue du Conseil des relations étrangères (CFR) Foreign Affairs, et un certain nombre d’anciens militaires habitués à effectuer des allers-retours entre le Pentagone et un secteur militaire privé en pleine croissance grâce au développement très lucratif des sociétés militaires privées.
Mentionnons aussi, par exemple, le général Ed Soyster, annoncé au programme comme un « conseiller spécial auprès du ministère de la Défense ». Si Soyster a été réellement chef du service de contre-espionnage américain, la D.I.A. (Defense Intelligence Agency), il est aujourd’hui vice-président en charge des relations internationales de MPRI (Military Professionals Resources Inc.), une des plus importantes sociétés militaires privées du monde.
Sept ans plus tôt la même D.I.A. avait déjà organisé un colloque à huis clos sur le thème de « la privatisation des fonctions de défense nationale en Afrique sub-saharienne », réunissant des SMP américaines et anglaises. En dehors des responsables de MPRI, il y avait aussi Eeben Barlow, directeur de la fameuse société de mercenaires Executive Outcomes, qui se faisait rémunérer en diamants en Sierra Leone, ainsi que celle de Timothy Spicer dont nous parlerons plus tard.
Un mois après cette conférence, dans le Financial Times, Félix Rohatyn en personne livrait ses pensées sur la question. Depuis une décennie, dit Rohatyn, une révolution tranquille est en marche. Dans la première guerre du Golfe, « la proportion de troupes américaines sur le terrain par rapport au nombre de SMP était de 50 contre 1. Dans la guerre d’Irak en 2003, la proportion était de 10 contre 1, tout comme pendant l’intervention en Bosnie et au Kosovo, sous Clinton. (...) Pour donner un ordre de grandeur de cette évolution, le montant total des contrats d’Halliburton en Irak se chiffre à ce jour autour de 11 à 13 milliards de dollars, soit plus du double du coût payé par les Etats-Unis pour la première guerre du Golfe. (...) Dans l’histoire de la guerre, continue Rohatyn, la sous-traitance et le déploiement de mercenaires n’ont rien de neuf. L’empire anglais a été bâti avec des soldats mercenaires, et une armée de citoyens n’est apparue que dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Mais il y a deux différences structurelles entre l’empire anglais du XIXe et l’américain du XXe. D’abord, ce sont des compagnies cotées en bourse qui mènent des opérations militaires privées. Ensuite, le marché de cette nouvelle force possède aujourd’hui un caractère vraiment mondial, ce qui fait apparaître des nouvelles prérogatives de responsabilité et de régulation. »
Commentaire