Dans les guerres modernes, c'est un moyen utilisé pour réduire des peuples à néant.
Mouammar Kadhafi aurait émis un message sur une station radio de Bani Walid acquise à sa cause, dans lequel il promettait aux habitants «les plus jolies filles» de la ville en guise de récompense, s'ils parvenaient à résister aux assauts des rebelles. L'ex-leader libyen n'est pas le premier à se servir du viol comme d'une arme de guerre ou d'un élément de motivation pour ses troupes.
Le viol est d'ailleurs catégorisé comme une «tactique de guerre» depuis 2008 par le Conseil de sécurité des Nations unies. La désignation peut paraître étrange. En temps de paix, les violences sexuelles passent pour des actes de pulsion, et non des sévices «stratégiques». Dans les conflits armés, elles ont longtemps été assimilées au «repos du guerrier», un signe de domination plus qu’un outil de destruction.
Le viol participe pourtant de la guerre. Il brise des vies, dissémine les groupes ethniques, anéantit méthodiquement les peuples. C’est un instrument de torture, utilisé contre les hommes aussi bien que les femmes. Une arme d’autant plus séditieuse qu’on en garde difficilement la trace, comme le souligne l’anthropologue Véronique Nahoum-Grappe: «Il économise l’extermination totale parfois difficile à gérer et à cacher dans les guerres contemporaines.» [PDF]
Certes, il ne s’agit pas d’une réalité nouvelle: les récits de viol de guerre parsèment l’Histoire, de l’Antiquité à la Seconde Guerre mondiale. Mais dans les conflits contemporains, la pratique semble «réactivée». La visibilité des horreurs sexuelles perpétrées pendant les conflits, souvent ethniques, s’accroît, notamment grâce à la justice internationale qui condamne ces sévices. Sans chiffres certains, les récits des traumatismes sexuels subis pendant les guerres sont de plus en plus nombreux.
Bosnie: le viol devient un «crime contre l’humanité»
Au moins 20.000 viols de musulmanes en Bosnie entre 1992 et 1995.
Le «viol de masses» est une «découverte» de la guerre en ex-Yougoslavie. C’est le conflit bosniaque (1992-1995) qui met en avant la pratique des violences sexuelles comme un instrument de nettoyage ethnique: on estime que plus de 20.000 personnes ont subi ce type de sévice pendant les affrontements, surtout des Bosniaques violées par des Serbes (bien que des Croates aient également été violées).
Cette guerre marque le début de la judiciarisation du «viol systématique», notamment dans des «camps de viol» tenus par les soldats. Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie parle pour la première fois de «torture» et de «crime contre l’Humanité», à l’issue d’un procès contre trois militaires serbes en 2001. Ceux-ci avaient abusé de manière répétée plusieurs jeunes bosniaques musulmanes séquestrées. Face à l’accusation, l’un des trois violeurs s’était défendu en disant qu’il «aurait pu les tuer».
Ce que reconnaît le TPIY en les condamnant, c’est que le viol contribue au massacre. L’agression sexuelle terrorise la population, mais elle «mélange» aussi les sangs. C’est une manière de dire à la femme violée «il y a du sang serbe en toi, tes enfants seront serbes», explique Isabelle Lasserre, correspondante de guerre pour Le Figaro pendant le conflit.
Arme de la terreur, le viol a également servi à vider les villages que les Serbes cherchaient à occuper. Isabelle Lasserre raconte avoir recueilli des témoignages d’hommes forcés par les soldats à violer leurs voisines, pistolet sur la tempe: la seule réponse à ce type de torture est la fuite. Les ethnies, dispersées, disparaissent petit à petit.
Rwanda: le viol est inclu dans la définition de «génocide» (1994)
Entre 250.000 et 500.000 viols.
70% des femmes violées auraient contracté le sida.
Pendant le génocide au Rwanda, le viol est «la règle générale, son absence, l’exception», selon le rapporteur spécial de l’ONU René Degni-Ségui. Le nombre de femmes violées n’est pas certain: les différentes associations d’aide humanitaire comptent entre 250.000 et 500.000 victimes, surtout Tutsies.
Peu avant la généralisation des violences, les journaux contrôlés par les Hutu avaient diffusé des dessins de femmes Tutsies couchant avec les hommes des forces d’intervention pacifistes belges, considérés comme des alliés du Front Patriotique de Paul Kagame. On ne peut pas en conclure un appel au viol des Tutsies par les médias, mais certainement une première humiliation de celles qui seraient agressées systématiquement pendant le génocide rwandais, rapporte The Economist.
Selon un rapport de l’ONU, 70% des femmes violées auraient été atteintes du sida. L’agression systématique des femmes pendant le conflit a contribué à répandre la maladie, signale Amnesty International. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda a jugé que le viol perpétré au Rwanda a participé d’une volonté concrète d’exterminer l’ethnie Tutsi (arrêt Akayesu, 1998). Les violences sexuelles entrent alors dans la définition juridique de «génocide».
L’Armée patriotique rwandaise s’est également rendue coupable de crimes contre les Hutus, notamment de viols, bien que ces exactions soient «moins connues» selon Amnesty International [PDF].
Tchétchénie: la torture sexuelle touche aussi bien les hommes que les femmes
Pas d’estimation disponible
L’ampleur des maltraitances sexuelles infligées en Tchétchénie est difficile à établir. On sait que des viols ont eu lieu pendant la deuxième guerre russo-tchétchène (1999-2000), conflit durant lequel la force russe s’est imposée plus violemment que lors de la première guerre. Contrairement au premier conflit, les soldats envoyés étaient sous contrat, plus préparés à la guerre, plus violents. Ce n’étaient pas «des bleus», résume Amandine Regamey, secrétaire générale adjointe de la Fédération internationale des droits de l'homme.
Les abus se sont multipliés après l’entrée des troupes russes en Tchétchénie, entre 2000 et 2003. Les femmes sont violées dans les prisons illégales, les «camps de filtration», et lors des pillages des villages. Comme en ex-Yougoslavie, il y a une notion d’humiliation de la société par un attaquant prédateur. S’y ajoute un élément de torture, pendant les interrogatoires. Les hommes –comme les femmes soupçonnées de complicité avec les rebelles tchétchènes– sont soumis à des sévices sexuels: application d’électrodes sur les parties génitales, viol avec des armes ou des bouteilles.
Ce type de viol comme système de torture est un héritage des années du Goulag: il a été «importé» en Tchétchénie mais se pratique aussi dans les prisons ou au sein de l’armée russe, explique Amandine Regamey.
Mouammar Kadhafi aurait émis un message sur une station radio de Bani Walid acquise à sa cause, dans lequel il promettait aux habitants «les plus jolies filles» de la ville en guise de récompense, s'ils parvenaient à résister aux assauts des rebelles. L'ex-leader libyen n'est pas le premier à se servir du viol comme d'une arme de guerre ou d'un élément de motivation pour ses troupes.
Le viol est d'ailleurs catégorisé comme une «tactique de guerre» depuis 2008 par le Conseil de sécurité des Nations unies. La désignation peut paraître étrange. En temps de paix, les violences sexuelles passent pour des actes de pulsion, et non des sévices «stratégiques». Dans les conflits armés, elles ont longtemps été assimilées au «repos du guerrier», un signe de domination plus qu’un outil de destruction.
Le viol participe pourtant de la guerre. Il brise des vies, dissémine les groupes ethniques, anéantit méthodiquement les peuples. C’est un instrument de torture, utilisé contre les hommes aussi bien que les femmes. Une arme d’autant plus séditieuse qu’on en garde difficilement la trace, comme le souligne l’anthropologue Véronique Nahoum-Grappe: «Il économise l’extermination totale parfois difficile à gérer et à cacher dans les guerres contemporaines.» [PDF]
Certes, il ne s’agit pas d’une réalité nouvelle: les récits de viol de guerre parsèment l’Histoire, de l’Antiquité à la Seconde Guerre mondiale. Mais dans les conflits contemporains, la pratique semble «réactivée». La visibilité des horreurs sexuelles perpétrées pendant les conflits, souvent ethniques, s’accroît, notamment grâce à la justice internationale qui condamne ces sévices. Sans chiffres certains, les récits des traumatismes sexuels subis pendant les guerres sont de plus en plus nombreux.
Bosnie: le viol devient un «crime contre l’humanité»
Au moins 20.000 viols de musulmanes en Bosnie entre 1992 et 1995.
Le «viol de masses» est une «découverte» de la guerre en ex-Yougoslavie. C’est le conflit bosniaque (1992-1995) qui met en avant la pratique des violences sexuelles comme un instrument de nettoyage ethnique: on estime que plus de 20.000 personnes ont subi ce type de sévice pendant les affrontements, surtout des Bosniaques violées par des Serbes (bien que des Croates aient également été violées).
Cette guerre marque le début de la judiciarisation du «viol systématique», notamment dans des «camps de viol» tenus par les soldats. Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie parle pour la première fois de «torture» et de «crime contre l’Humanité», à l’issue d’un procès contre trois militaires serbes en 2001. Ceux-ci avaient abusé de manière répétée plusieurs jeunes bosniaques musulmanes séquestrées. Face à l’accusation, l’un des trois violeurs s’était défendu en disant qu’il «aurait pu les tuer».
Ce que reconnaît le TPIY en les condamnant, c’est que le viol contribue au massacre. L’agression sexuelle terrorise la population, mais elle «mélange» aussi les sangs. C’est une manière de dire à la femme violée «il y a du sang serbe en toi, tes enfants seront serbes», explique Isabelle Lasserre, correspondante de guerre pour Le Figaro pendant le conflit.
Arme de la terreur, le viol a également servi à vider les villages que les Serbes cherchaient à occuper. Isabelle Lasserre raconte avoir recueilli des témoignages d’hommes forcés par les soldats à violer leurs voisines, pistolet sur la tempe: la seule réponse à ce type de torture est la fuite. Les ethnies, dispersées, disparaissent petit à petit.
Rwanda: le viol est inclu dans la définition de «génocide» (1994)
Entre 250.000 et 500.000 viols.
70% des femmes violées auraient contracté le sida.
Pendant le génocide au Rwanda, le viol est «la règle générale, son absence, l’exception», selon le rapporteur spécial de l’ONU René Degni-Ségui. Le nombre de femmes violées n’est pas certain: les différentes associations d’aide humanitaire comptent entre 250.000 et 500.000 victimes, surtout Tutsies.
Peu avant la généralisation des violences, les journaux contrôlés par les Hutu avaient diffusé des dessins de femmes Tutsies couchant avec les hommes des forces d’intervention pacifistes belges, considérés comme des alliés du Front Patriotique de Paul Kagame. On ne peut pas en conclure un appel au viol des Tutsies par les médias, mais certainement une première humiliation de celles qui seraient agressées systématiquement pendant le génocide rwandais, rapporte The Economist.
Selon un rapport de l’ONU, 70% des femmes violées auraient été atteintes du sida. L’agression systématique des femmes pendant le conflit a contribué à répandre la maladie, signale Amnesty International. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda a jugé que le viol perpétré au Rwanda a participé d’une volonté concrète d’exterminer l’ethnie Tutsi (arrêt Akayesu, 1998). Les violences sexuelles entrent alors dans la définition juridique de «génocide».
L’Armée patriotique rwandaise s’est également rendue coupable de crimes contre les Hutus, notamment de viols, bien que ces exactions soient «moins connues» selon Amnesty International [PDF].
Tchétchénie: la torture sexuelle touche aussi bien les hommes que les femmes
Pas d’estimation disponible
L’ampleur des maltraitances sexuelles infligées en Tchétchénie est difficile à établir. On sait que des viols ont eu lieu pendant la deuxième guerre russo-tchétchène (1999-2000), conflit durant lequel la force russe s’est imposée plus violemment que lors de la première guerre. Contrairement au premier conflit, les soldats envoyés étaient sous contrat, plus préparés à la guerre, plus violents. Ce n’étaient pas «des bleus», résume Amandine Regamey, secrétaire générale adjointe de la Fédération internationale des droits de l'homme.
Les abus se sont multipliés après l’entrée des troupes russes en Tchétchénie, entre 2000 et 2003. Les femmes sont violées dans les prisons illégales, les «camps de filtration», et lors des pillages des villages. Comme en ex-Yougoslavie, il y a une notion d’humiliation de la société par un attaquant prédateur. S’y ajoute un élément de torture, pendant les interrogatoires. Les hommes –comme les femmes soupçonnées de complicité avec les rebelles tchétchènes– sont soumis à des sévices sexuels: application d’électrodes sur les parties génitales, viol avec des armes ou des bouteilles.
Ce type de viol comme système de torture est un héritage des années du Goulag: il a été «importé» en Tchétchénie mais se pratique aussi dans les prisons ou au sein de l’armée russe, explique Amandine Regamey.
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